Communiqué à l’occasion de la Journée internationale des migrants
L’Association marocaine des droits humains et la communauté internationale célèbre la Journée Internationale des Migrants le 18 décembre qui coïncide avec l’adoption par l’Assemblée générale des Nations-unies de la Convention Internationale sur la Protection des Droits de tous les Travailleurs Migrants et les Membres de leur Famille le 18 décembre 1990 en vigueur depuis le 1er juillet 2003.
Cependant, 22 années après l’adoption de
la Convention, la situation des droits humains des Migrants à travers
le monde ne cesse de se dégrader et surtout concernant ceux en situation
irrégulière. En plus de leur situation catastrophique, de
l’exploitation au travail et quant aux salaires, de la discrimination
raciste, de l’absence des conditions minimales de respect de la dignité
humaine, les traitements cruels et dégradants et les licenciements
collectifs ont continué durant l’année 2012. Cette situation s’empire
concernant les femmes, les mineurs et les enfants non accompagnés
exposés à plusieurs formes d’exploitation, à la violence sexuelle, la
séquestration, le viol et la torture physique et psychique de la part de
réseaux de contrebande et de traite d’êtres humains et de quelques
employeurs en l’absence de protection juridique réelle. Le scandale
déclenché par les ouvrières philippines lors de la conférence de presse
organisée par l’Organisation Démocratique du Travail à Rabat est l’une
des preuves de l’implication d’entreprises et de hauts responsables dans
des crimes d’exploitation, de séquestration et de torture des bonnes
dans la totale impunité.
L’adoption de la Convention par l’État
marocain ne s’est reflétée ni dans la loi 02-03 qui n’est toujours pas
en harmonie avec les conventions internationales ni au niveau de leurs
droits fondamentaux garantis par la Convention qui n’est pas respectée.
Dans notre pays, les Subsahariens sont exposés à des campagnes racistes
compte tenu de déclarations de responsables marocains, de comportements
racistes d’habitants sous l’instigation de représentants des autorités
locales, de certains médias de la presse écrite qui n’hésitent pas à
publier des articles à contenu raciste ce qui aggrave la situation des
Migrants, violent leurs droits, les exposent aux agressions de criminels
et a un impact négatif quant aux valeurs de tolérance, de cohabitation,
d’égalité et de solidarité entre humains en tant que valeurs
universelles et humaines qui incombent à l’État et à la presse de
diffuser au sein de la société.
Cette année a connu, de même,
l’arrestation de plusieurs responsables d’associations de défense des
Migrants afin de les intimider et surtout après leurs tentatives de
s’organiser pour défendre leurs droits. C’est le cas de Camara Laye, le
Coordinateur du Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM) et
membre de l’Association Marocaine des Droits Humains à Rabat arrêté avec
un chef d’accusation montée de toutes pièces en raison du combat qu’il
mène pour le respect des droits humains avant de lui accorder la liberté
provisoire sous la pression de larges campagnes de solidarité menées au
sein et à l’extérieur du pays. Camara Laye est toujours poursuivi sous
le même chef d’accusation et va comparaître pendant la Journée
internationale des Migrants devant le tribunal.
Dans le cadre du renforcement des lois
répressives de l’Union européenne en matière de l’entrée et de la
résidence des étrangers, des limites à la liberté de circulation, de la
militarisation et la fermeture des frontières et des pressions exercées
sur le Maroc pour qu’il joue le rôle de gendarme, les côtes marocaines
connaissent de plus en plus de tragédies et de décès de nombreux
Subsahariens dans les barques de la mort. Les forces publiques
commettent à l’encontre des milliers de Subsahariens des violations
graves à savoir la séquestration, les agressions physiques, les
campagnes de ratissage répétées, la reconduite aux frontières, les
expulsions massives auxquelles n’échappent ni les femmes et les enfants
ni les réfugiés, les étudiants et les malades en l’absence totale de
garanties administratives et judiciaires et sans considération aucune
des véritables causes de la migration résidant dans la multiplication
des guerres, des conflits et l’épuisement des ressources de l’Afrique
par les États puissants.
L’Association Marocaine des Droits
Humains relève les continuelles tragédies des Migrants – dont les
Migrant(e)s marocain(e)s – spécialement dans les pays européens du fait
qu’aucun de ces pays n’a ratifié la Convention garantissant la
protection des Migrant(e)s et à cause des politiques d’immigration
appliquées qui reposent principalement sur l’approche sécuritaire et qui
tiennent les Migrant(e)s pour responsables de la crise économique ce
qui les exposent au chômage, à la discrimination raciale, à la pauvreté
et aux différentes formes d’exploitation.
Dans les pays du Golfe tristement
célèbres pour leurs violations des droits humains, les Migrants
marocains aux cotés d’autres communautés sont exposés aux différentes
formes d’exploitation par leurs employeurs en l’absence totale du
minimum de protection pour devenir presque des esclaves et surtout les
femmes qui sont pour la plupart exposées aux différentes formes
d’exploitation dont l’exploitation sexuelle par des réseaux de
contrebande et de traite d’être humains.
Pour tout ce qui précède et à l’occasion
de la Journée internationale des migrants, le Bureau central de
l’Association Marocaine des Droits Humains renouvelle sa solidarité
envers les Migrant(e)s et condamne les violations touchant leurs droits
et revendique que :
ü L’État assume sa responsabilité dans
la protection de tou(te)s les ouvriè(re)s migrant(e)s quelque soit leur
situation administrative conformément à la Convention Internationale sur
la Protection des Droits de tous les Travailleurs Migrants et les
Membres de leur Famille, ouvre une enquête sérieuse concernant les
déclarations des ouvrières philippines, les protège, met fin à leurs
souffrances et présente à la justice les auteurs des crimes commis à
leur encontre;
ü La loi 02-03 concernant l’entrée et la
résidence des étrangers soit en harmonie avec la Convention
Internationale sur la Protection des Droits de tous les Travailleurs
Migrants et les membres de leur famille ;
ü Soit mis un terme à toutes les formes
d’humiliation et de traitements inhumains auxquelles sont exposés les
Migrant(e)s subsahariens, l’arrêt des campagnes d’extradition et
d’expulsion et le respect des dispositions de l’article 3 de la
Convention Contre La Torture Et Autres Peines Ou Traitements Cruels,
Inhumains ou Dégradants qui stipule que les États ne doivent pas
extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de
croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ;
ü Les associations des Migrant(e)s
puissent avoir une présence légale pour accomplir leur rôle dans la
protection et la promotion des droits des Migrants et l’arrêt des
harcèlements auxquels sont exposés les défenseurs des droits humains et
leur permettre de disposer de toutes les formes de protection et de
mettre fin au procès de vengeance entamé contre Camara Laye ;
ü La politique d’immigration ne repose
pas sur l’approche sécuritaire et répressive suivie et respecte les
droits humains et que l’État renonce à toutes les conventions
bilatérales et multilatérales sur l’immigration qui ne respectent pas
les garanties des droits humains qu’elles soient conclues avec l’Union
européenne ou avec n’importe quel autre État ;
ü Les Migrant(e)s marocain(e)s à
l’étranger bénéficient de l’intérêt nécessaire et de faire pression sur
les États d’accueil pour le respect de leurs droits ;
En outre, le Bureau central appelle
toutes les forces démocratiques et des droits humains à plus de
mobilisation et de lutte pour dévoiler et faire face aux crimes commis à
l’encontre des Migrant(e)s et de contribuer à diffuser et renforcer les
valeurs de solidarité, de tolérance, de cohabitation et du respect des
droits humains à l’égard de toute personne se trouvant sur le territoire
marocain sans discrimination et ce conformément au premier article de
la Déclaration universelle des droits humains.
Le bureau central
Rabat le 17 décembre 2012
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Maroc-Mauritanie : 9 migrants et deux enfants bloqués en plein désert
Ils sont encore là, aujourd’hui, lundi 17 décembre, au
milieu de nulle part, à attendre que le Maroc ou la Mauritanie veuille
bien les accepter.
11 personnes, dont un garçon en bas âge, sont
retenues, depuis mardi 12 décembre, à l’intérieur la bande de 5 km de
large qui sépare la frontière sud du Maroc, de la frontière nord de la
Mauritanie. 5 km de désert rocailleux et glacial balayé par un vent vif.
Ces 7 Congolais dont un couple avec ses deux enfants, un Guinéen et un Libérien ont été expulsés par le Maroc, rapporte la Voix de Nouhadibou,
un quotidien mauritanien. « Nous avons été gardés à vue durant deux
semaines, mal traités, notre argent et nos affaires ont été pris par les
policiers marocains », a expliqué l’un des expulsés qui a joint au
téléphone le quotidien. « Nous souffrons du froid, des intempéries. Nous
n’avons commis aucun crime », indique, au bout des larmes, l’un des
hommes expulsés. Le Maroc, par cette expulsion est hors la loi. «
L’article 26 de la loi 02.03 interdit toute expulsion de mineurs »,
souligne Khadija El Madmad, avocate et titulaire de la chaire UNESCO
Migration et droits humains.
Un garçonnet de 2 ans
Samedi 15 décembre, des associations mauritaniennes et un
représentant du Haut Commissariat au Réfugiés se sont rendus sur place
pour offrir des vivres et quelques couvertures à ces personnes. « Le
Maroc refuse de les réintégrer et la Mauritanie refuse de les recevoir.
Elle propose de les renvoyer dans leur pays, mais eux mêmes refusent »,
explique Youssouf Athié. Journaliste pour La Voix de Nouadhibou, il les a
rencontrés avec le HCR, samedi. « Ils vivent dans des conditions très
difficiles. Actuellement, il fait très froid et ils n’ont même pas de
tente, juste des petits abris qu’ils ont pu installer avec des
couvertures », raconte-t-il.
Ils attendent à présent un compromis sur
leur situation. « Ils sont prêts à rester en Mauritanie, en situation de
réfugiés, mais pour l’instant les autorités n’ont pas accepté »,
explique Youssouf Athié.
Les 11 personnes bloquées dans le no man’s land maroco-mauritanien
affirment êtres arrivées légalement au Maroc, par Oujda avant qu’on ne
leur vole leurs papiers. Ils disent qu’ils ont vécu 2 ans à Rabat, mais
qu’il devenait trop difficile de trouver du travail, là bas, alors ils
se sont dirigés vers Laayoune. Ils n’en ont pas dit plus sur leurs
intentions, au journaliste de la Voix de Nouadhibou, mais la position de
cette ville marocaine, juste en face de des îles Canaries espagnoles,
ne laisse guère de doute sur leur volonté de passer en Europe.
La route des Canaries rouverte ?
« Il y aurait, en ce moment, une reprise des tentatives de passage
vers les Canaries. Comme les frontières des enclaves espagnoles au nord
se sont renforcées, les migrants se redirigent vers le sud », explique
Stéphane Julinet, chargé de programme droit des étrangers et plaidoyer
pour le Groupe Antiraciste de Défense et d’Accompagnement des Migrants
(GADEM). De la même façon que les migrants en situation irrégulière
arrêtés à Rabat, et dans tout le nord du royaume, sont renvoyées à la
frontière algérienne, au niveau d’Oujda, les clandestins, interpelés au
sud, sont refoulés à la frontière la plus proche : celle avec la
Mauritanie.
Leur situation, aussi dramatique soit-elle, n’est pas exceptionnelle.
« Des cas comme celui-ci étaient nombreux, entre 2006 et 2009, mais
depuis un an ou deux il ne s’était rien passé de tel », indique Youssouf
Athié. En 2005, la pression migratoire sur les frontières de Sebta et
Mélilia a été exceptionnellement forte. A l’époque, 600 migrants
pouvaient participer à une seule tentative de franchissement de la
barrière. Plusieurs d’entre eux étaient morts.
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