Par Slate lu sur TelQuel,
Invité il y a quelques semaines à un dîner privé chez Mustafa Ramid, le ministre de la justice et des libertés, une des figures de proue du parti islamiste PJD qui dirige le gouvernement, un journaliste de TelQuel l’a entendu dire à ses invités:
«Mes amis, je vous reçois dans la maison de ma première épouse. Parce que j’en ai deux!».
Il y a encore un an, relève TelQuel, le même Ramid aurait dit aux mêmes invités:
«Si j’ai deux femmes? C’est ma vie privée, de quoi on se mêle!».
Aujourd’hui, il affiche sa bigamie et cela donne une boutade qui fait sourire tout le monde.
«Le voilà donc le nouvel air du temps, et il est à la retraditionalisation de la société. La ligne de démarcation a bougé et ce n’est pas seulement l’affaire d’un ministre ou d’un gouvernement, mais d’une société», commente le magazine connu pour être en flèche dans le royaume pour défendre les valeurs laïques.
Et pour se convaincre que le gouvernement ultra-conservateur joue sur du velours pour instaurer une charia sociale, TelQuel prend pour exemple la situation des mères célibataires considérées comme des parias de la société mais qui acceptaient de témoigner à visage découvert pour des émissions télévisées. Aujourd’hui, elles refusent de se montrer à l’écran pour parler de leur calvaire.
«Pourquoi? Qu’est-ce qui a changé? Rien, juste l’air du temps (…) Ce qui a changé, aux yeux des filles, c’est le regard de l’épicier ou du voisin».
TelQuel cite aussi la seule ministre du gouvernement, elle aussi islamiste et voilée qui «a compris la donne».
Ses atermoiements dans la polémique sur les mariages forcés des mineures continuent de défrayer la chronique. Celle-ci, hier quelque peu soucieuse de la condition féminine, se refuse de se prononcer en faveur de l’avortement, préférant que la question soit tranchée par voie référendaire.
«Qui dit référendum, dit victoire de la tradition et triomphe du statu quo. Ça sera Non à l’avortement» conclut TelQuel.
«Le retour à la tradition, qui sous-tend le retour à une pureté et à une virginité perdues, s’opère via des vagues de glissements progressifs. Dans le pays profond, des comités populaires ont été mis en place depuis quelques mois pour “traquer la débauche et le vice”, assiégeant les supposées maisons closes et donnant la chasse aux revendeurs d’alcool», s’inquiète TelQuel.
Religion et prière imposés à la télévision, promotion d’un «art propre», censure morale, réhabilitation de prédicateurs aux discours haineux etc.
Après 100 jours passés à la tête du gouvernement, les islamistes du PJD imposent un projet de société fondé sur un repli identitaire arabo-musulman.
«Le nouvel ordre moral s’est mis en branle, en douceur, lentement, sûrement. Qui dit nouvel ordre, dit nouvelles normes, nouvelles frontières» souligne TelQuel.
http://www.slateafrique.com/86087/maroc-le-ministre-de-la-justice-et-des-libertes-fier-detre-bigame
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