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dimanche 22 avril 2012

La triste fin d'un monde!

Par Mohamed Hifad, 21/4/2012

 Il fait très chaud aujourd’hui à Foulouste. Je sors , comme d’habitude , pour marcher un peu et me dégourdir les jambes dans la forêt d’arganiers devant ma maison. Une mer verte d’arganiers s’étend devant moi sous un merveilleux ciel bleu et un soleil d’or de midi le moment préféré de ma promenade lorsque les bergers ont fait rentrer leurs troupeaux pour leur épargner les morsures du soleil brûlant. Je vois deux colombes blanches traverser rapidement le ciel bleu entre deux hauts arbres et disparaître comme une apparition. 

En revoyant vers le bas , plongé dans mes réflexions du moment , les manifestations pour la dignité et la liberté qui vont avoir lieu demain dimanche dans certaines villes du Maroc , j’aperçois la silhouette d’un vieil homme qui marche difficilement en titubant et qui vient vers le village. Il porte une canne à la main un turban blanc, une djellaba , des babouches jaunes et marche en regardant par terre devant lui sur le sentier qui vient vers moi.

 Je m’arrête aussitôt et j’attends avec impatience son arrivée. Il marche difficilement. Impatient, j’avance vers lui. C’est Lahcen ou M’bark le grand danseur d’ahwach de la grande troupe de la tribu d’Ida ou Mada et dont le chef le rais Mohmad amadi est mon oncle paternel. Il ne me reconnait pas. Je lui dis que je suis Mouhmad ben Hmad ou Bihi et il lève sa main et se donne un coup sur le front «si mouhmad » me dit-il et s’assoie par terre pour se reposer. 

Je lui baise la tête et une très forte odeur de sueur se dégage de ses vêtements. Il a le visage bouffi, jaune et pâle et parle difficilement. Il me dit qu’il vient de la ville où il est allé pour l’hôpital sans savoir que c'est le samedi un jour férié . Je lui demande pourquoi il n’est pas accompagné par l’un de ses fils et pourquoi ils ne lui ont pas dit qu’il ne faut pas y aller aujourd’hui. Il me répond à la manière d’un paysan qu’un jour un taleb lui a demandé s’il a des veaux et des génisses. Il lui répond que malheureusement pour lui il n’a que des veaux , c’est-à-dire des fils. Les filles, s'empresse-t-il d'ajouter , sont généreuses et ne vous abandonnent pas et même si elles habitent loin de vous, elles ne vous oublient pas et vous envoient toujours quelque chose . Mes fils sont juste à côté et mes belles filles ne me préparent même pas un peu de soupe et ne me lavent même pas mes vêtements . Quelqu’un m’a déjà appris qu’il vit aujourd’hui de mendicité. C’est juste un certain Hassan le boutiquier du village qui lui donne à manger. 

danseurs d'Ahwach
 Pour le soulager un peu , je lui remets à la main quelque chose sans compter et je lui dis que moi je le revois toujours en train de danser. Même maintenant ? me demande-t-il . Je lui réponds que oui même maintenant et il secoue un peu la tête à la manière d'un danseur d'ahwach pour me faire plaisir. Il peut danser six à sept heures d’affilée comme un vrai ihihi , un vrai cheval , l’animal fétiche des ihahan ( ihihi au singulier – ihahan au pluriel =onomatopée de l’hennissement du cheval). Les ihahans sont des hommes-chevaux. 

 Un jeune arrive nous salue et je le prie de l’accompagner jusqu’à chez lui. Je les quitte aussitôt pour qu’ils ne s’aperçoivent pas de mes larmes. J’ai continué ma promenade et mes réflexions le cœur déchiré par ce triste coucher du soleil d’un grand danseur qui m’a émerveillé en tant qu’enfant et symbolise la triste fin d’une époque, d’une tribu, d’une langue, d’une histoire et d’une culture amazighes. La France et le pouvoir arabe au Maroc  nous ont tués ! 
AHWACH HAHA.    http://youtube/zOpgZIF4UXY  

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