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jeudi 29 mars 2012

La rocambolesque histoire d’un séquestré de la DST

Par Ali Lmrabet, demainonline, 28/3/2012

Mostafa Naïm

Rabat.- On se croirait dans un film de John Le Carré, mais c’est la réalité crue marocaine. Mostafa Naïm, un jeune homme âgé de 28 ans, a été kidnappé par les services secrets marocains. Normal, dirait-on, puisque ce genre d’exploit policier est fréquent au Maroc. Mais voilà, Naïm est également citoyen français et il n’a pas été kidnappé au Maroc. Il l’a été à Algésiras, en territoire espagnol.

C’était le 1er novembre 2010. Alors qu’il venait de débarquer d’un bateau en provenance de Tanger, Naïm se fait accoster par un homme en civil qui lui demande de le suivre « pour des vérifications ».

Le jeune Lyonnais refuse et immédiatement c’est la ruée. Trois hommes surgissent, le menottent aux poignets et le réembarquent sur le ferry où, selon ses dires, il est littéralement « enchaîné à fond de cale. »

Commence alors le « processus » par où est passé le champion du monde de boxe thaïe, Zakaria Moumni, et des milliers d’autres citoyens lambda.

A Tanger, une voiture le récupère au pied du ferry. On lui met un bandeau sur les yeux et on l’expédie à Rabat.

« Installé » au centre de détention secret de la DST à Témara (ce centre a depuis déménagé à Aïn Aouda, dans une autre banlieue de Rabat), il a droit, comme tous ceux qui jouissent de l’hospitalité de la DST, à toutes sortes de supplices.

«Pendant dix jours, j’ai été torturé, accroché les pieds au plafond, frappé à coups de nerf de bœuf sur la plante des pieds, où l’on m’a également branché de l’électricité. C’était le pire », explique Naïm à un journal français.

C’est le « service habituel » réservé aux islamistes par la DST. Car la centrale d’Abdellatif Hammouchi croit que ce Lyonnais est un terroriste ou un trafiquant d’armes. Mais comme il n’y a pas de preuves et que le torturé est prêt à avouer n’importe quoi pour faire cesser la torture, les barbouzes de la DST se rendent compte qu’il y a erreur de personne.

Le problème c’est que Naïm a été arrêté illégalement en Espagne, puis transféré, tout aussi illégalement, à Témara, et torturé. Illégalement aussi, parce qu’officiellement le Maroc est un « Etat de droit » où la torture n’existe plus.

Comme il n’est pas question de le remettre en liberté, ni à lui présenter des excuses, les barbouzes trouvent la bonne parade. Mostafa Naïm est remis le 11 novembre à la PJ de Casablanca qui l’accuse de « trafic de stupéfiants ».

Le 13 novembre, il est incarcéré à la prison d’Okacha de Casablanca, et quelques jours plus tard il est mis en examen par un juge d’instruction, puis condamné fin 2011 à huit ans de prison.

La boucle est bouclée ? Non, puisque ce qui permet aujourd’hui à Mostafa Naïm de crier à l’injustice et au déni de droit c’est le propre PV de la police judiciaire de Casablanca, dont sont avocat français, Me François Heyraud, a obtenu une copie.

Selon ce PV, le Lyonnais aurait été arrêté le 11 novembre 2010 et non le 1er novembre. Et, son arrestation aurait eu lieu à Mohammedia. Or ce scénario, monté par la DST et ses supplétifs de la PJ casablancaise, ne tient pas la route.

Premièrement, parce que sur le passeport de Mostafa Naïm il y a le tampon de sortie du Maroc de la police des frontières qui prouve qu’il a quitté le Maroc le 1er novembre 2010. Et, il n’y a aucun tampon d’entrée ultérieur qui prouverait qu’il est revenu au Maroc.

Deuxièmement, il y a le témoignage de sa femme qui, après son réembarquement de force dans le ferry, l’a recherché à Tanger, où elle croyait qu’il était incarcéré, et non pas dans la lointaine Mohammedia. Sa femme l’accompagnait au moment des faits et elle a raconté à la presse française comment son mari a été kidnappé par trois hommes à Algésiras. Après la disparition de son mari, Mme Naïm a contacté différentes administrations marocaines pour s’enquérir de la situation de son mari, ces dernières ont toutes répondu qu’il n’était plus au Maroc.

Alors comment un homme qui est sorti du Maroc le 1er novembre, l’ordinateur de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et et le tampon de la police des frontières faisant foi, a-t-il pu être arrêté à Mohammedia le 11 novembre ?

Cette méthode de falsification de la date d’arrestation d’un prévenu est connue au Maroc. Elle tend à gommer le temps passé par le séquestré entre les mains de la DST. Une méthode qui a fait ses preuves avec les islamistes qui sont passés par le centre de détention de Témara. Le PV falsifié de la PJ met toujours une date ultérieure à la réelle afin d’occulter le temps passé sous la torture par les détenus à Témara.

Quoi qu’il en soit, en France la machine s’est mise en branle. Le 10 janvier 2012, l’avocat du Lyonnais, a porté plainte contre X pour « enlèvement », « séquestration » et « faux en écriture publique et usage de faux. » Le « X » vise la DST et la police judiciaire de Casablanca.

Me François Heyraud aurait dû songer à déposer plainte contre « J », comme justice. Marocaine s’entend. Cette dernière, est parfaitement au fait de ces pratiques scandaleuses. Elle n’a jamais voulu mettre le holà à ces procédés consentis par le pouvoir politique.

Aux pires moments de la dictature de Ben Ali, il y a toujours eu des juges tunisiens, peu nombreux certes mais il y en a eu, qui se sont élevés contre les abus commis par le régime, au péril de leur carrière, comme ce fut le cas du courageux juge Mokhtar Yahyaoui.

Au Maroc, on ne connaît aucun de cette caractéristique DST.  Comme si une sourde complicité générale empêchait tout le monde de parler.

Ali Lmrabet

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