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lundi 25 juillet 2011

Sans El Himma et le PAM, la démocratie marocaine était médiocre. Avec le PAM, elle est perverse.

Par Karim Boukhari (directeur de publication de TelQuel), 24/7/2011

Au revoir et merci !
Cela fait très exactement quatre ans que Fouad Ali El Himma a quitté le gouvernement pour rejoindre ce qu’on peut appeler le “jeu” démocratique, d’abord via le Mouvement pour tous les démocrates, ensuite le PAM. Bien entendu, son parti et lui ont pratiquement tout gagné, mais nous, qu’y a-t-on gagné ? Pas grand-chose. Et qu’y a-t-on perdu ? Beaucoup.

Récapitulons. El Himma a “déboulé” en politique pour deux raisons essentielles. La première, c’est qu’il était et il se veut toujours le représentant de “dieu”, c’est-à-dire du roi, en politique. C’est quelque chose que l’on peut, à la limite, faire l’effort de comprendre : Mohammed VI étant un arbitre au-dessus de la mêlée, il a choisi de tout déléguer à El Himma, son confident et ami, devenu de facto l’œil et l’oreille du roi. Soit. El Himma a porté la pensée de son ami le roi, il l’a si bien fait que des milliers de Marocains ont cru bon de lui concéder jusqu’au rituel du baise-main, mais au final le résultat est bien décevant : ni El Himma, ni le PAM n’ont fait avancer la cause de la démocratie. Ils ont, au contraire, contribué, peut-être à leur corps défendant, à pervertir le champ politique et à rendre la démocratie marocaine plus impopulaire que jamais. Sans le PAM, la démocratie marocaine était médiocre. Avec le PAM, elle est perverse.

La deuxième raison qui explique l’irruption d’El Himma en politique est encore plus vicieuse : contrecarrer le projet obscurantiste qui menace le royaume, en clair faire barrage à la montée du PJD (puisque la gauche en est incapable). Cette mission avait, sur le papier, de quoi appâter les plus démocrates parmi nous. Est-ce que Fouad El Himma a réussi son pari ? Clairement non. Au-delà des chiffres trompeurs (nombres d’élus, de conseillers, etc), nous savons tous que les islamistes restent la première force mobilisatrice du pays. Et le PAM, pourtant catapulté premier parti au royaume, n’y a rien changé.

En résumé, et avec tout mon respect pour les quelques personnes de qualité qui siègent encore au PAM, El Himma a construit un parti bidon et il n’a pas pu mettre à genoux le projet islamiste. Il a échoué. Son projet, du coup, devient caduc. Le PAM, qui est à Mohammed VI ce qu’aura été le FDIC à Hassan II (en gros un remède temporaire), ressemble aujourd’hui à un ovni politique et à un médicament périmé. A quoi peut-il encore servir ? 

Cela fait cinq mois, depuis le 20 février, qu’El Himma figure en tête de liste des personnalités les plus décriées.
Il y a quasi unanimité contre lui. La rue réclame sa tête et les principaux partis politiques aussi, même si personne n’a le courage de le déclamer publiquement. Je me joins à ce petit cortège et je le dis clairement : El Himma doit quitter le “jeu” politique. Il est temps. Le Maroc de 2011 n’est pas celui de 2007. Quatre ans, c’est une éternité. El Himma, tout sourire, a pu avancer en terrain conquis. Il avait pour lui tout l’appareil de l’administration (des gouverneurs aux walis, en passant même par plusieurs ministres qui lui devaient leur nomination), mais il y a un moment où l’on se demande : pourquoi ? A quoi bon ? Quel est le but ? Tout cela est-il bien utile ?

Nous sommes à quelques semaines des élections législatives et le tort serait de croire que la parenthèse “révolutionnaire” est définitivement refermée. Ce serait une grave erreur. Le PAM, et El Himma en tête, ont-ils bien analysé les événements en cours ? Si oui, il faudrait que l’ami du roi quitte l’arène politique sans plus tarder. Si le roi, et c’est son droit le plus absolu, a besoin de ses services, il peut toujours l’intégrer au sein de son cabinet de conseillers. Personne n’y trouverait à redire, du moment que le roi peut s’entourer de qui il veut. Mais si, comme tout porte à le croire, le député de Rhamna se présente aux prochaines élections et continue de participer au “jeu” démocratique, il nous fait courir de gros risques. Lahcen Daoudi, numéro 2 du PJD, nous dit dans le dossier de la semaine (p. 14), que Si le PAM et El Himma gagnent aux prochaines élections, “nous serons alors tous des 20 févriéristes”. Khadija Rouissi, qui vient de claquer la porte du PAM en début de semaine, porte une analyse encore plus fine : on ne peut pas faire semblant et reprendre les mêmes (et tout recommencer) comme si de rien n’était.
Je vous le dis : avec la perspective d’un PAM vainqueur aux législatives et d’un El Himma reconduit à la députation, le Maroc tient une vraie bombe à retardement. Attention.

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