Par Souad Guennoun, 20/6/2011
Dimanche 19 juin à Casa : rassemblement appelé par le Mouvement du 20 février à 18h à Derb Sultan en mémoire aux victimes de juin 1981. Il a été décidé de marcher vers le cimetière et de rendre hommage aux victimes du soulèvements et des disparus .
A 17h30 j'ai été à la place du rassemblement . Des drapeaux du Maroc, des jeunes torse nu hystériques, visiblement drogués, dopés , des jeunes- vieillis, des vieux, puis des bus en majorités de la société STCR en grande quantité qui larguaient des foules en délire, montées à bloc. Les vitres d'un bus ont été cassées. Puis encore des bus, toujours la même société marqué "transport du personnel", d'où sont sorties des femmes, des vieux, tous l'air hagard, vieux fatigués." Vive le roi, vive le nouveau doustour" criaient-ils. Une banderole du PAM, derrière la banderole on ne voit aucun porte-parole, leader, député ou ministre de ce parti, que des femmes avec enfants et des vieux édentés, des jeunes agressifs. Un beau car tout neuf avec hauts-parleurs, mais aucun slogan n'est repris. C'est bien l'image du peuple qu'ils veulent garder dans la misère et l'ignorance, docile et servile, pour dire oui-oui et répéter vive le roi et ses représentants.
Les estafettes de police en grand nombre mais vides, quelques agents des force de l'ordre mais pas visibles. Beaucoup en civil. Ambiance tendue, électrique. Un type s'est hissé sur un bâtiment et a accroché une énorme banderole : dieu-la-patrie-le-roi et contre le mouvement du 20 février et le Polisario. Des affichettes pour appeler à voter oui. Pour attirer les foules, les cafés ont placé des haut-parleur , musique et chikhats pour chauffer l'ambiance et attirer les foules. Une centaine en tout mais à faire peur. Tel un rassemblement de hooligans prêts à défoncer tout ce qui n'est pas de leur camp. La police veille. Quand la voiture de 2M arrive , c'est le délire, tous veulent exprimer , répéter vive...
Je me dis , c'est fini, on ne pourra pas maintenir la marche prévue à 18h. Mais à 18h précises, des petits groupes avec banderoles du mouvement du 20 février arrivent par tous les côtés de la place, nos premiers slogans : Unis, solidaires, pacifistes, non à la constitution du makhzen, et des petits groupes nous rejoignent . Nous crions et ça donne des forces, ça enlève la peur, ça unit.
Les autres arrivent agressifs, ils crient vive le roi et veulent nous rentrer dedans, les flics regardent faire. Un cordon de militants pour séparer. Nous calmons ceux qui sont prêts à la bagarre. On continue à lancer les slogans de plus en plus fort. Nous prenons la rue et allons vers le boulevard, coupons la circulation. Les flics ne savent que faire. Nous décidons de changer le lieu du rassemblement et d'avancer vers le quartier menant à Sbata-Hay Mohamadi. Les jeunes-baldajias nous suivent, arrachent nos pancartes : non à la constitution makhzen, ils montent sur les toits des voitures et les piétinent, ils sèment la terreur , les passants sont effrayés. Nous expliquons pourquoi, qui sommes-nous et qui sont-ils .
Nous prenons les ruelles, les slogans ramènent les foules qui nous rejoignent. Un autre groupe de manifestants nous attend de l'autre côté du boulevard. Nous sommes de plus en plus nombreux. Nous rejoignons l'autre groupe avec panneaux, banderoles et slogans. Beaucoup de femmes, des jeunes. C'est émouvant, nous avons réussi à prendre la rue, à les chasser sans bagarre, pacifistes, pacifistes crient la foule.Ils ne font pas le poids. Nous marchons. Le moment le plus fort quand on crie: nous ne voterons pas à leur doustour fabriqué. Le makhzen s'est de nouveau dévoilé, le peuple veut la démocratie, la fin de la corruption, le travail, contre la cherté de la vie, le droit à l'enseignement pour tous, la santé pour tous, la fin de la servitude, le jugement des tortionnaires, des voleurs des biens publics,...
On rappelle les victimes de juin 1981, on réclame les jugements des tortionnaires. On avance très nombreux, environ 30 000 personnes, les habitants nous acclament de leurs fenêtres. « Nous ne voterons pas, nous ne voterons pas » est repris, parfois acclamé par les gens qui suivent de leur fenêtre. C’est comme un rêve…
Mais plus loin, devant nous on voit un attroupement sur le pont qui mène au cimetière. On dit que les baltagias sont là-bas , nous attendent avec des pierres, on dit que l'armée est derrière, on voit revenir les mêmes bus SCTR vide, les flics à motos sont là, ceux qui foncent dans la foule et matraquent les manifestants comme à la manif réprimée à Sbata 2 semaines auparavant.
Les nouvelles ne sont pas bonnes, à Rabat la marche a été arrêtée dès le départ, les manifestants n'ont pas eu le temps de se rassembler, les mêmes bandes et mêmes méthodes , ils s'en prenaient aux individus, les isolaient, les terrorisaient. A Tanger ils ont fait pareil, mais les manifestants nombreux ont réussi à marcher, une manif gigantesque.
À Al Hoceima, les manifestants sont nombreux, ils réclament le jugement du flic qui a insulté les Rifains (les qualifiants de fils d'espagnol, fils de putes, d'aoubaches). Les slogans sur les évènements de 1957-58 sont lancés et la république du Rif et Abdelkrim sont présents, plus que jamais. Les forces de l’ordre se sont repliés. Le peuple a repris la ville.
Casa 19 juin |
Une belle journée avec une montée d'adrénaline au plus fort. C’est un tournant décisif pour continuer, le mouvement s’est imposé, il est plus fort que tous les partis, syndicats, qui ont plié l’échine. Ce mouvement tant décrié, a réussi à éviter les manipulations, la répression, la division.
Uni, solidaire et pacifiste, c’est sa force, pour lutter tous ensemble sur tous les fronts contre un système qui se fragilise et n’a rien à offrir, que la terreur, la répression et la misère . Un système qui a réussi à unir tous les exclus, les laissés-pour compte, les no-vox, grossir les rangs des indignés , devenu un seul peuple qui du Maghreb au Machrek, de Grèce en Espagne, d’Irlande, veut décider de son avenir , ne plus être esclave du marché.
Uni, solidaire et pacifiste, c’est sa force, pour lutter tous ensemble sur tous les fronts contre un système qui se fragilise et n’a rien à offrir, que la terreur, la répression et la misère . Un système qui a réussi à unir tous les exclus, les laissés-pour compte, les no-vox, grossir les rangs des indignés , devenu un seul peuple qui du Maghreb au Machrek, de Grèce en Espagne, d’Irlande, veut décider de son avenir , ne plus être esclave du marché.
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