Taline Moumni, la femme du champion de boxe Zakaria Moumni, se bat depuis plus de huit mois pour la libération de son mari, incarcéré au Maroc pour des raisons qu’elle juge «kafkaïennes».
Ce samedi de juin, Taline Moumni arrive avec le sourire aux lèvres. Elle vient de rentrer du Maroc où elle a pu rencontrer son époux qu’elle n’avait pas vu depuis plus de huit mois. Arrêté pour «escroquerie» alors qu’il demandait audience au roi Mohammed VI, le boxeur Zakaria Moumni est impliqué dans une affaire loin d’être limpide.
«On n’a même pas pleuré tant nous étions heureux de nous retrouver. Même quand je suis rentrée, j’avais le sourire jusqu’aux oreilles dans l’avion. C’était comme si on ne s’était jamais quittés», raconte d’emblée la jeune Française de 31 ans, les yeux pétillants.
Trois jours de suite, pendant plusieurs heures à chaque fois, Taline a rendu visite à son mari à la prison de Zaki, aux environs de Rabat. Elle a vu les blessures sur les tibias de l’ancien boxeur, qui a remporté en 1999 un titre mondial de «light contact». Des plaies encore vives qui témoignent du traitement dont aurait été victime Zakaria Moumni les jours suivant son arrestation, le 27 septembre 2010, à l’aéroport de Rabat.
«Zakaria a su qu’il était à Temara [un centre de détention] parce qu’il a entendu un fonctionnaire qui parlait et qui disait qu’il était tombé en panne dans une ville à côté de Temara, qu’il n’y avait pas de bus pour Temara, donc qu’il avait mis du temps à venir. Zakaria avait les yeux bandés. Il a été ligoté pendant 3 jours et 3 nuits, tabassé, on lui interdisait de s’allonger. Quand je l’ai vu la semaine dernière, j’ai constaté les marques de blessures, elles sont encore vives», témoigne Taline.
Trois jours de retrouvailles, certes surveillées, qui ont affermi la détermination de la jeune femme, plus que jamais décidée à prouver l’innocence de son mari, condamné à trois ans de prison pour «escroquerie», une affaire montée de toutes pièces, selon le couple et leur avocat. L’insistance de l’ancien champion à faire valoir son droit d’obtenir un poste au ministère de la Jeunesse et des Sports, tel que stipulé par le décret du 9 mars 1967 (Dahir royal n° 1194-66 promulgué par Hassan II) de la loi marocaine, serait la véritable cause de son incarcération.
Le jour même de l’arrestation de Moumni, alors qu’elle est sans nouvelles de lui et qu’un mauvais pressentiment l’assaille, Taline contacte un avocat marocain spécialiste des droits de l’homme, Maître Abderrahim Jamaï, qui prend en charge la défense du boxeur.
La mise en place du soutien
Depuis Paris, où elle continue de travailler, elle coordonne le soutien à son mari. Création d’un comité appuyé par de nombreuses associations et ONG internationales, manifestations, organisation de conférences de presse (dont la première a eu lieu il y a quelques jours seulement, le 7 juin 2011, à Rabat); la jeune femme ne ménage aucun effort pour soutenir son époux.
«Pendant une semaine, entre le lundi de son arrivée au Maroc et le lundi de son jugement, j’ai eu le dos bloqué. J’ai envoyé des textos pendant 4 jours sur son portable français pour supplier les gens de ne pas lui faire de mal. Je recevais les accusés de réception, ce qui signifiait que quelqu’un lisait mes messages.
Après, j’ai dû agir. Maître Jamaï m’a donné les contacts d’Amnesty International, de Human Rights Watch (HRW), de toutes ces associations. J’ai donc saisi les ONG, qui ont pour la plupart tout de suite adhéré et pris l’affaire en main. Ils ont dû attendre que l’appel soit prononcé le 13 janvier. J’ai commencé à alerter les médias, les journalistes.»
Une détermination infaillible qui a su convaincre jusqu’au Parlement européen, qui apporte officiellement son soutien à Zakaria Moumni depuis le 26 mai dernier. Amnesty International a publié un communiqué et HRW a sorti un rapport le 25 avril demandant la tenue d’un procès équitable pour l’ancien champion. Le Monde, Marianne, L’Express, ou encore les journaux marocains El Ayam et Le Soir ont fait paraître des articles évoquant l’emprisonnement du boxeur.
A ce jour, les autorités marocaines sont restées muettes. Sollicitées par HRW, elles ne se sont manifestées qu’après la publication du rapport, dans une lettre adressée à l’ONG en arabe reprenant le procès-verbal de la police —complètement affabulateur, selon le couple Moumni, leur avocat et les ONG qui les soutiennent.
Un procès «kafkaïen»
Pour la femme du champion de boxe, c’est avant tout l’incompréhension qui domine:
«Mon mari aime son roi et son pays. A l’heure actuelle, je ne peux pas vous dire si Mohammed VI est ou non au courant de l’affaire. Si tel était le cas, je suis sûre qu’il l’aurait reçu. Mon mari n’a pas fait d’excès de zèle, il a juste demandé audience au roi. Il n’en a jamais mal parlé.
Quand bien même il aurait fait quelque chose de mal, rien ne justifie qu’on l’arrête à l’aéroport, sans donner de nouvelles à sa famille, qu’on le torture et qu’on le condamne sous de faux prétextes.
Comment lui, qui a véhiculé une image positive de son pays, qui lui a rapporté une médaille de champion du monde, se retrouve traité comme un criminel? C’est ça que je veux comprendre. Lui ne comprend toujours pas ce qu’il fait là-bas. C’est kafkaïen comme situation.»
Mais rien n’émousse sa détermination. Avec son comité de soutien —le même que celui de Kaddour Terhzaz, un ancien officier marocain injustement condamné à la prison—elle se fait le porte-voix de son mari et continue d’espérer sa libération:
«Aujourd’hui, je suis sa voix, parce qu’il ne peut pas s’exprimer de là où il est. Ce que je veux dire, c’est que j’ai confiance dans le Maroc, j’ai confiance dans la justice, mon mari est fier de son pays, fier de son roi, il attend que justice soit rendue.
Je suis là pour qu’il s’exprime à travers moi. Sa place est avec moi, sa place est sur les rings, sa vie c’est sa famille et sa profession. Je vais tout faire pour le sauver et je ne lâcherai rien. J’ai toujours espoir dans la justice du Maroc. J’ai espoir aussi dans mes actions.»
A l’heure où le souverain du Maroc, Mohammed VI annonce une réforme constitutionnelle, l’affaire Zakaria Moumni est un test pour la justice du pays.
La Cour de cassation doit décider le 29 juin prochain si oui ou non le boxeur aura droit à un autre procès en appel. La porte est ouverte aux autorités marocaines, qui ont là une occasion de prouver que la justice n’est pas un vain mot au Maroc.
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