Au cours de cette première décennie du vingt-et-unième siècle, la Côte d’Ivoire n’a cessé de s’enfoncer, un peu plus chaque jour, dans les méandres mouvants d’une crise politique sans précédent. Retour ici sur les dates clés de cette crise.
23-24 juillet 2000: Une nouvelle réforme constitutionnelle décrète que tout candidat à la présidence «doit être Ivoirien de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens» et qu'il «ne doit pas s'être prévalu d'une autre nationalité», ce qui excluait de facto Alassane Dramane Ouattara (ADO), l’ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny.
22 octobre: L’élection présidentielle est boycottée par le PDCI d’Henri Konan Bédié et le Rassemblement des républicains (RDR) d’un ADO dont la candidature a été encore une fois invalidée sous prétexte qu’il n’était pas Ivoirien! Provoquant des heurts meurtriers entre partisans du Front populaire ivoirien (FPI) et du RDR. Laurent Gbagbo (chef du FPI) est déclaré nouveau président par la Commission nationale électorale.
Octobre-décembre 2001: Ouverture des travaux d'un «Forum pour la réconciliation nationale». De retour en novembre dans son pays de son exil français, ADO y prend part à côté d’autres leaders politiques. Il gagne la reconnaissance de son «ivoirité» et Gbagbo la légitimité de son cabinet.
Septembre 2002: Dans un contexte délétère, une tentative de coup d'État est déjouée par un pouvoir faisant aussi face à la rébellion des Forces Nouvelles (FN). Des proches de Gbagbo en incriminent ADO, qui se réfugie à l’ambassade française avant de se réfugier au Gabon en novembre. À l’ombre d’une médiation de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), les rebelles nordistes et Gbagbo signent un accord de cessez-le-feu. Dans le cadre de l’opération «Licorne», des unités de l’armée française sont chargées du maintien de la paix en Côte d’Ivoire et de la protection de la sécurité des ressortissants étrangers. Cette opération est complémentaire de la mission de l’ONUCI (Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire). La CEDEAO crée un «groupe de contact» et envoie une force de maintien de la paix dans le pays.
Octobre 2002: Le 17, un accord de cessez-le-feu est signé avec le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) de Guillaume Soro.
Janvier 2003: Sous l’égide du président Jacques Chirac, les accords de Linas-Marcoussis (France) sont signés. Ils prévoient le maintien de Gbagbo au pouvoir en échange notamment d’un gouvernement «de réconciliation nationale» ouvert, entre autres, aux rebelles du mouvement des FN qui obtiennent les postes de Défense et de l’Intérieur, malgré l’opposition de «Jeunes patriotes» proches du président ivoirien. La CEDEAO déploie finalement un contingent militaire.
13 mai: Adoption par l'ONU de la résolution 1479 créant la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI).Avec comme mandat de faciliter la mise en œuvre par les parties ivoiriennes de l’Accord de Linas-Marcoussis comprenant une composante militaire, en complément des opérations menées par les forces françaises et celles de la CEDEAO.
4 juillet 2003: Annonce de la fin de la guerre civile.
5 août: Une tentative de coup d'État est déjouée.
Décembre: Tentative sanglante de prise de contrôle de la radio et télévision ivoirienne (RTI) par des groupes armés.
27 février 2004: Aux termes de la résolution 1528, le Conseil de sécurité remplace, à compter du 4 avril 2004, la MINUCI par une nouvelle mission: l’ONUCI.
Avril: Sous l’égide du président sud-africain Thabo Mbeki, les acteurs de la crise ivoirienne signent, le 6, l’Accord de Pretoria, qui complète celui de Linas-Marcoussis et stipule la fin des hostilités et la reprise du processus de désarmement des rebelles. Le 26, Gbagbo dit accepter la candidature d'ADO à la présidentielle.
29-30 juillet: Le Sommet Accra III (Ghana) de chefs d’État africains (dont celui ivoirien) et du secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, accouche d’un accord qui prévoit un train de réformes politiques et un échéancier du désarmement des milices et des rebelles. À défaut de quoi, le pays s’exposerait à de multiples sanctions onusiennes. Mais dès le 15 octobre, les rebelles des FN refusent de déposer les armes.
Novembre: Reprise des hostilités entre l’armée régulière et les FN en raison de l’échec du lancement du processus de désarmement. En perdant des soldats à Bouaké, les troupes de l’opération Licorne (plus de 5000 soldats) abattent deux chasseurs ivoiriens. Une «chasse aux Blancs» est lancée par des partisans de Gbagbo. Un nouveau raid français détruit les chasseurs ivoiriens. Désormais, la maîtrise de l’espace aérien ivoirien échappe à Gbagbo. Neuf mille étrangers sont évacués du pays. La résolution 1572 de l’ONU instaure l’embargo sur la vente des armes à la Côte d’Ivoire.
Mai 2005: L'armée et les FN signent un accord fixant le calendrier du désarmement des milices et prévoyant leur intégration au sein d'une armée dite «refondée et restaurée». ADO et Bédié concluent en France une alliance inattendue en vue de battre Gbagbo lors de la présidentielle prévue pour le 30 octobre 2005.
24 juin: Le Conseil de sécurité adopte la résolution 1609 renforçant les effectifs de l’ONUCI et prolongeant le mandat de l’opération Licorne jusqu’au 24 janvier 2006.
29 juin: L’accord de Pretoria II fixe le calendrier du désarmement et crée une Commission électorale indépendante (CEI). Permettant la conclusion de l’accord du 9 juillet entre l’armée et les FN relativement au calendrier du désarmement des rebelles.
31 août: L’échec de la médiation d’un Mbeki accusé par les FN de prendre le parti de Gbagbo. D’ailleurs, une semaine plus tôt, celles-ci avaient refusé de cautionner la présidentielle prévue pour le 30 octobre estimant que les conditions d’une élection «libre, démocratique, et transparente» n’étaient pas encore réunies.
6 octobre: Conformément au souhait exprimé le 27 septembre par Gbagbo, l’Union africaine (UA) se déclare favorable à son maintien après le 30 octobre à son poste et appelle à la nomination d'un Premier ministre de transition. Décision approuvée aussitôt par le Conseil de sécurité d’une ONU, dont le secrétaire général avait, le 9 septembre, annoncé le report sine die de la présidentielle. La résolution 1633 adoptée le 21 octobre stipule la limitation de la période de transition à douze mois et la désignation d’un Premier ministre. Charles Konan Banny, directeur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), est chargé, le 4 décembre, de mener cette transition jusqu’à la tenue d’une présidentielle prévue en principe pour le 31 octobre 2006. Il a, le 28 décembre, formé un cabinet où se retrouvent des partisans du président, de l’opposition et des rebelles.
15 janvier 2006: Le Groupe de travail international (GTI) s'oppose à la prolongation du mandat des députés arrivé à échéance en décembre 2005. En vain! Mis sous fortes pressions, les députés d’opposition associés en un Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) retrouvent, en juin, leurs sièges à l’Hémicycle.
28 février: Les «Cinq grands»: Gbagbo, Charles Banny, ADO, Bédié et Guillaume Soro (FN) se réunissent à Yamoussoukro (capitale de la Côte d’Ivoire). Une première depuis 2002. Ils s’y rencontreront de nouveau, le 5 juillet, sous l’égide d’Annan, et accoucheront d’un communiqué final fixant au 15 juillet au plus tard le début des audiences foraines (visant la fourniture des documents d'état civil et d'identité aux nombreux Ivoiriens qui n'en possèdent pas, dont des personnes originaires du nord du pays, tenues pour «étrangers» par les partisans de l'«ivoirité») et demandant, entre autres, «la publication d'un décret présidentiel d'ici le 15 juillet autorisant la CEI à procéder à tout ajustement nécessaire du code électoral en vue des élections», et prévoyant «d'examiner à la mi-septembre une éventuelle prolongation du mandat du président Gbagbo après le 31 octobre».
Juillet: Lancement du processus d'identification des électeurs en vue du scrutin présidentiel prévu avant le 31 octobre, malgré l’opposition des «Jeunes patriotes». Gbagbo déclare, le 6 août, que ces «audiences foraines» ne peuvent pas délivrer de certificats de nationalité, et affirme qu’il demeurera président jusqu'aux prochaines élections. Deux jours plus tard, les FN suspendent leur participation au dialogue militaire. Aussi, lors de leur rencontre le 5 septembre, les «Cinq grands» ne s’entendent point sur les questions du désarmement et de l'actualisation des listes électorales. Trois jours plus tard, le GTI constate l’échec de la mise en œuvre de la Résolution 1633.
1 novembre: À l’instar de l’UA, le Conseil de Sécurité adopte à l'unanimité la Résolution 1721 reportant la présidentielle et reconduisant Gbagbo à son poste pour une période de transition d'un an, et ce à partir du 1 novembre 2006. Aussi, il reconduit le 13 décembre les mandats de l’ONUCI et de Licorne jusqu'au 10 janvier 2007.
4 mars 2007: Signature par Gbagbo et Soro de l'«Accord de Paix de Ouagadougou» (Burkina Faso), qui prévoit la formation d'un nouveau gouvernement de transition, la relance du processus d'identification et d'enregistrement des électeurs en vue des élections prévues fin 2007 et le départ à terme des casques bleus onusiens et des soldats de l’opération Licorne. Suite à la signature le 27 à Ouagadougou du premier Accord complémentaire de l’Accord politique d’Ouagadougou (APO), Soro devient en avril nouveau Premier ministre. Il est chargé du règlement des questions du désarmement, de la réunification et de l'organisation des élections d'ici à la fin de l'année. Une ordonnance d’amnistie est signée le 12 avril. Elle couvre les crimes et délits survenus entre le 17 septembre 2000 et le 4 mars 2007. Signature le 28 novembre des deuxième et troisième Accord complémentaire de l’APO (et le 24 décembre 2008 du quatrième Accord complémentaire).
27 novembre: Suite au nouveau report de l’élection présidentielle, le président et son Premier ministre prévoient la tenir au plus tard à la fin du premier semestre de 2008.
16 avril 2008: Gbagbo confirme devant l’Assemblée générale de l’ONU la date du 30 novembre 2008 pour la tenue de l’élection présidentielle. En vue de cette présidentielle, le FPI, le RDR et le PDCI signent, le 24, un gentleman’s agreement élaboré par la CEI.
15 septembre: Lancement du processus d’identification des populations et du recensement en vue de la mise à jour des listes électorales en vue du scrutin présidentiel.
10 novembre: Nouveau report du premier tour de l’élection présidentielle.
25 décembre: Signature par le président et son Premier ministre d’un accord d’intégration des ex-rebelles au sein de l’armée régulière.
15 mai 2009: La CEI fixe le 30 novembre 2009 comme date de l’élection.
31 octobre: Nouveau (et sixième) report de la présidentielle, en raison encore une fois du retard pris dans l'élaboration des listes électorales.
12 février 2010: Dissolution par le président du gouvernement et de la CEI. Une décision assimilée par l’opposition à un «coup d’État», d’où son insistance à rétablir la CEI. Un membre du PDCI, Youssouf Bakayoko, est, le 26 février, désigné à sa tête.
5 août: L’annonce par Soro du 31 octobre 2010 comme date définitive de la présidentielle. Après cinq ans d’attente.
Octobre: Ouverture le 15 de la campagne électorale du premier tour de la présidentielle. Gbagbo (FPI) fait face à ADO (RDR) et à Bédié (PDCI). Le 31, le président sortant récolte 38% des voix exprimées contre 32% pour ADO et 25% pour Bédié. Celui-ci appelle ses partisans à reporter leurs voix sur son allié ADO.
28 novembre: Lors du second tour de l’élection, Gbagbo affronte ADO.
Décembre: La CEI accrédite, le 2, ADO de 54,1% des suffrages contre 45,9% pour Gbagbo. Mais le 3, un Conseil constitutionnel aux ordres invalide les résultats de la CEI et déclare réélu le président sortant avec 51,45% des suffrages. L'ONU valide l’élection d’Ouattara. Le lendemain, l’UA emboîte le pas à l’ONU, tout comme l’UE et les États-Unis. Devant le refus obstiné du président sortant d’accepter le verdict des urnes, l’UA suspend son pays le 9. Désormais, plusieurs institutions financières internationales et régionales refusent de reconnaître la validité de la signature de son gouvernement. L’UE met en place plusieurs mécanismes de rétorsion contre des personnalités du camp présidentiel réputées être dures. La CEDEAO brandit la menace d’intervenir militairement en Côte d’Ivoire pour chasser Gbagbo du pouvoir. La troïka africaine dépêchée le 28 décembre en Côte d’Ivoire auprès de Gbagbo semble la mission de la dernière chance.
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