par Cedetim, Collectif de solidarité avec les luttes sociales et politiques en Afrique*, Mouvement de la paix, Peuples solidaires, Survie, 9 février 2010
Dans la perspective de l’élection présidentielle, les organisations signataires appellent l’Union européenne et la France à ne pas cautionner une élection qui ne serait pas démocratique et transparente et à prendre des mesures afin de prévenir toute dérive violente du régime en cas de contestations.
Depuis la mort, en 2005, du général Eyadéma resté 42 ans au pouvoir, les Togolais sont appelés aux urnes pour la deuxième fois. La précédente élection, en avril 2005, avait intronisé Faure Gnassingbé (fils du précédent), à l’issue d’un coup d’Etat électoral et d’une répression féroce, faisant selon l’ONU entre 400 et 500 morts et environ 40 000 réfugiés.
La signature, en août 2006, sous la pression de la communauté internationale, d’un Accord politique global (APG) avec les principales formations politiques, avait permis la reprise de la coopération de l’Union européenne, suspendue depuis 1992 pour « déficit démocratique ». Jusqu’ici, aucune des réformes préconisées par l’APG n’a vu le jour. En outre quasiment aucune mesure n’a été prise par le régime pour poursuivre les auteurs des crimes commis en 2005, à part la création en février 2009 d’une Commission vérité, justice et réconciliation qui pour le moment n’a pu travailler ni mener à bien sa mission.
C’est ce même régime qui organise aujourd’hui l’élection présidentielle. Or celui-ci met tout en œuvre afin que Faure Gnassingbé se maintienne au pouvoir. En effet, les conditions d’organisation du scrutin n’offrent manifestement pas toutes les garanties d’une élection démocratique et transparente avec :
- une Commission électorale (CENI) et une Cour constitutionnelle acquises au régime qui, pour des motifs fallacieux et sur ordre du régime, a écarté un des principaux concurrents à la magistrature suprême ;
- un scrutin uninominal majoritaire à un tour, à l’avantage de Faure Gnassingbé qui peut ainsi être élu sans bénéficier de la majorité des suffrages exprimés [1] ;
- une révision des listes électorales bâclée et un fichier électoral fortement contesté ;
- des achats de voix observés.
A cela s’ajoute une dérive autoritaire et sécuritaire du régime à l’approche du scrutin avec :
- une recrudescence des intimidations afin de créer un climat de peur au sein de la population ;
- la nomination du major Kouloum Bilizim à la tête de la milice des Groupes de réflexion et d’appui au parti RPT (GRAP) alors qu’il est cité dans plusieurs rapports comme instigateur et présumé auteur de nombreux actes de violences en 2005 [2] ;
- la nomination du Lieutenant-colonel de gendarmerie Yark Damehane à la tête de la Force Sécurité Election présidentielle 2010 (FOSEP) alors que, selon un témoignage, cet officier “ a dirigé les séances de torture au cours des interrogatoires [pendant la répression de 2005] [3].
L’UE, principal financeur de l’élection dans le cadre d’un “ Projet d’Appui aux Processus Électoraux ” (PAPE), porte une grande responsabilité dans l’organisation et la supervision de celle-ci mais aussi dans les risques de dérive sécuritaire. En effet c’est également elle qui finance le volet « sécurisation de l’élection », mis en œuvre par l’Agence Française de Développement (AFD). En formant et en organisant l’équipement de la FOSEP, la France, indéfectible soutien politique et policier de la dictature Eyadéma depuis plus de 40 ans, conforte quant à elle une position pour le moins trouble.
Les organisations signataires appellent donc l’UE :
- à prendre les mesures nécessaires auprès des autorités togolaises afin de garantir une élection libre, démocratique et transparente, et en cas contraire de suspendre sa coopération ;
- à renforcer les moyens du contingent des 130 observateurs afin d’assurer une observation crédible des 6 000 bureaux de vote ;
- à exiger la révocation du major Kouloum Bilizim et du Lieutenant-colonel Yark Damehane.
En outre, les organisations signataires exigent des autorités françaises :
- qu’elles s’impliquent véritablement dans l’organisation d’une présidentielle démocratique et transparente, et non pas seulement dans sa supervision et sa “ sécurisation ” ;
- qu’elles suspendent toute coopération, bilatérale et multilatérale dans le cadre du PAPE, avec les organes de police et de gendarmerie (notamment la FOSEP) dès lors qu’ils seraient manifestement impliqués dans des violations des droits de l’Homme ;
- qu’elles dénoncent et condamnent toute dérive violente du régime, si tel était le cas.
L’élection présidentielle togolaise constitue une occasion pour les autorités françaises de rompre avec une politique de validation d’élections frauduleuses ou de prise de pouvoir anti-démocratique comme elles l’ont fait durant l’année 2009 avec le coup d’État à Madagascar, l’élection d’un putschiste en Mauritanie, l’élection présidentielle truquée au Congo Brazzaville, le coup d’État électoral au Gabon ou encore le coup d’État constitutionnel au Niger.
Cette année 2010, durant laquelle les autorités françaises entendent achever la rénovation des relations entre la France et l’Afrique, ne peut s’ouvrir sur une nouvelle validation d’un coup d’État électoral au Togo.
Contact presse : Survie : Stéphanie Dubois de Prisque. Tél : 01 44 61 03 25. stephanieduboisdeprisque(a)survie.org
* Collectif regroupant Assez de coup d’Etat, Afrique en luttes (NPA), Cédétim, Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD), Les Verts, Survie, Union des Populations du Cameroun (UPC)].
[1] Bien qu’accepté par les forces politiques d’opposition, ce mode de scrutin est contraire aux dispositions de l’accord politique global du 20 août 2006.
[2] Rapports de l’ONU, de la FIDH, de la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH).
[3] Rapport de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) présenté au Comité contre la torture des Nations unies en mai 2005
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