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samedi 13 février 2010

Deux ou trois choses que je sais de l'Islam

Par Pierre Mistwood, 11 /2/ 2010
Mon propos ici est limité à l’expérience que j’ai de l’Islam au Maroc. Mais c’est mieux que rien. Plus que ceux qui parlent sans aucune expérience du tout. Et compte tenu du niveau des débats en France, j’ai l’impression d’être un islamologue de grande envergure, car tout est relatif.
Le point central de l’Islam vécu au quotidien est le concept de Hchouma, qui se traduit par généralement par « honte », je préfère le mot « scandale », et qui correspond à notre bien classique « atteinte aux bonnes mœurs ».
J’ai mis un certain temps avant de cerner ce concept. Il est, en fait, relativement plus simple à comprendre que nos tabous sexuels occidentaux, car il obéit à une logique explicite.
L’Islam est, avant tout, une religion de la famille. Le paria de la société musulmane est l’enfant sans famille. Tout le système de la Hchouma est construit pour éviter l’apparition de cet être hors social. L’enfant sans famille, typiquement, naît des amours hors mariage.
Le mariage musulman n’est pourtant pas religieux. Il est prononcé par un adoul, lequel joue donc le rôle de notre maire, de notre prêtre, et de notre notaire. Surtout de notre notaire. L’adoul peut procéder, par exemple, à une transaction immobilière. Le mariage musulman est donc un contrat. Ce contrat peut contenir un « chart », c’est-à-dire des clauses particulières, et qui sont fort variées. Par exemple, si la mariée est en cours d’étude, le contrat peut prévoir qu’elle terminera ses études, travaillera. Il peut prévoir des clauses de divorce, interdire une seconde femme. En fait, l’adoul constate le consentement des parties sur n’importe quoi. Dans son principe, le système est donc plus souple qu’en France. Dans la pratique, il est assez conventionnel, mais rien n’y oblige.
La dot est nommée « sadak ». Son montant peut être très varié, et parfois la somme est purement symbolique. Elle est mentionnée dans le contrat. L’existence de cette dot est l’argument allégué pour l’inégalité des parts dans l’héritage, la fille recevant moitié moins que le garçon. La dot existait en France au XIXème siècle en France, mais elle était versée par la famille de la mariée. Elle permettait à un riche bourgeois de marier sa fille à un aristocrate sans le sou, et à nobiliariser ainsi la descendance.
Le mariage musulman est donc, d’une certaine façon, laïque. Il ne constitue pas un sacrement, comme dans la tradition chrétienne. Mais il est essentiel pour que l’enfant ait une famille.
La virginité au mariage est une chose à laquelle le musulman est très attaché. Cela vient du fait que tout doit être fait pour s’assurer que l’enfant qui naîtra est bien celui du père. C’est toujours la même idée : s’assurer que l’enfant est bien de la famille.
En ce qui concerne la polygamie, elle est au Maroc en voie de disparition, car elle exige l’accord de la femme. Elle s’applique, en pratique, dans des cas spécifiques où la solution occidentale serait le divorce. Par exemple, si la femme est stérile, le but du couple étant d’avoir des enfants. Ou encore, si elle est devenue vieille. Ce sont des cas où, en Occident, l’homme aurait une maîtresse ou divorcerait.
Ce qui a le plus bouleversé les mœurs en Occident fut la pilule et le droit à l’avortement. Au Maroc, la pilule est vendue en pharmacie sans ordonnance, ce qui est plus libéral qu’en France. De manière générale, le lobby médical est beaucoup moins puissant au Maroc. Les médecines traditionnelles sont vendues sans délit d’exercice illégal de la médecine.
La séparation des hommes et des femmes est coutumière. Par exemple, les hommes et les femmes mangent séparément, du moins lorsque le groupe est important. Les tables sont séparées, mais peuvent être dans la même pièce.
Cela produit une sorte de féminisme, différent de celui de France. Les femmes, entre elles, abordent les sujets osés qu’elles ne peuvent aborder devant un homme. Elles se racontent la manière dont leurs maris font, ou ne font pas, l’amour. Circulent des blagues grivoises. Elles rigolent bien. Ceci montre que le Hchouma n’est pas du puritanisme. Les bourgeoises françaises entre elles sont beaucoup plus retenues dans leurs propos.
Dans les hammams, les femmes se draguent, ce qui enchanteraient nos féministes portées sur les amours lesbiennes.
Les rôles masculins et féminins sont bien différenciés. Un exemple extrême : les femmes portent leurs enfants sur le dos, mais un jeune homme qui adorait les bébés s’en mit un sur le dos. Cela ne choqua personne, mais quand je voulus photographier cette scène cocasse, une femme me fit comprendre que c’était … Hchouma. Il ne fallait pas immortaliser la scène cocasse.
Les musulmans croient au paradis et à l’enfer, qu’ils nomment le Feu. Ainsi qu’au diable, qu’ils nomment Shitan (Satan). Ainsi qu’aux anges gardiens. Il y en a deux, l’un qui note les bonnes actions, l’autre les mauvaises. Au jugement, les comptes rendus des anges seront examinés. Gare au Feu !
Shitan est très exactement identifié au désir sexuel. Ils disent qu’un homme et une femme ne sont jamais seuls dans une pièce. Ils sont trois : Shitan est là. Un psychanalyste ne dirait pas le contraire.
La chaine de télévision marocaine offre de très nombreux films mexicains ou hindous. Les situations sociales mexicaines ou hindoues sont parfaitement comprises : il s’agit de famille, d’héritage, de mariage, d’argent. C’est à dire les mêmes histoires que dans les films arabes.
Ou encore que dans nos romans du XIXème siècle.
L’antisémitisme est général, mais il est dû à la question palestinienne. Il n’y a pas de mythe antisémite du genre « les Juifs contrôlent tout ». Les marocains aiment beaucoup Chirac et pensent que Sarkozy est juif.
L’Islam est une religion beaucoup plus rationnelle que le christianisme. Il n’y a pas de dogme de la transubstantiation de l’Eucharistie, de résurrection du Christ, de Sainte Trinité. L’Islam ne connaît pas les mystères sacrés de la foi. Mahomet est un homme, un homme plus grand que les autres, le plus grand de tous, mais non un Dieu. Dieu est souvent indiqué en levant un doigt vers le Ciel, à la fois pour désigner son séjour supposé, et l’unité divine. Moïse et Jésus sont des prophètes qui précédèrent Mahomet, inspirés par le même Dieu.
Il ne peut donc y avoir en Islam de caricatures de Moïse ou de Jésus, comme il y peut y avoir des caricatures de Mahomet en Occident. C’est dans ce sens que les musulmans disent que leur religion est tolérante. En fait, elle n’est pas tolérante : le Judaïsme et le Christianisme sont intégrés à l’Islam. Jésus et Moïse en font partie. Ils ne sont pas tolérés. Ce sont les Juifs et les Chrétiens qui sont tolérés, considérés comme infidèles à l’enseignement de leurs prophètes. Mais toutes les valeurs du Judaïsme et du Christianisme font partie intégrante de l’Islam. La charité, par exemple, joue un rôle encore plus grand que dans le christianisme, la famille joue un rôle aussi grand que dans le judaïsme.
Les marocains ont beaucoup de mal à comprendre que les Français ne sont pas « nasranis », c’est-à-dire chrétiens. Je leur explique, pour simplifier, qu’ils sont scientifiques, et que, pour eux, c’est une religion. Mais la plupart n’ont jamais entendu parler de Darwin (je parle du peuple, pas des médecins).
L’Islam est égalitariste. Cet égalitarisme fait que l’Islam est considéré par le peuple comme une protection contre les puissants. Il y a là un point de divergence totale avec l’Occident. Le catholicisme fut la religion de la noblesse. L’Eglise fut le pilier d’une société divisée en ordres (clergé, noblesse, le reste). Chaque ordre avait ses tribunaux et ses privilèges. L’Islam met tout le monde sur le même plan. Il n’y a ni Pape, ni évêque, ni même prêtres. L’imam dirige les prières, et ne reçoit de respect qu’à travers cette fonction.
C’est pourquoi je considère l’Islam comme une religion de gauche, et il me paraît tout à fait naturel que l’on trouve une musulmane au NPA. Celle-ci d’ailleurs, ne voit aucune contradiction entre sa religion et son engagement politique. La contradiction vient du référentiel français, où la religion servit à l’oppression féodale, les rois étant sacrés par l’Eglise à Reims.
L’arabe est la langue sacrée des musulmans. Comme le latin pour l’Eglise, mais encore plus car le premier texte en arabe est le Coran. Toutes les formules de politesse en arabe évoquent Dieu. Aucune proposition au futur qui ne s’achève sur Incha Allah (si Dieu le veut). C’est pourquoi ce serait une grosse erreur d’enseigner l’arabe dans nos lycées. Le fanatisme qui déferla sur l’Algérie suivit, à 20 ans d’écart, l’arabisation de l’enseignement. Mais nos génies politiques qui veulent interdire le voile intégral (marginal), veulent introduire l’arabe au lycée (dont l’effet est massif).
Mais qu’est ce qu’ils veulent ? La guerre civile ?
J’arrête là, je sens que je vais de nouveau entrer dans la polémique.

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