By CIPADH, 21/3/2016
Le
mardi 15 mars, la Fondation Danielle Mitterrand : France Libertés, en
partenariat avec la Fédération espagnole des associations de défense et
de promotion des droits de l’homme a organisé un side event durant la
31ème session du Conseil des droits de l’homme sur la cause Sahraouie
afin de dénoncer l’inertie du processus d’autodétermination de ce peuple
oublié depuis 25 ans par la communauté internationale.
M.
Christian Viret, représentant de France Libertés à Genève et modérateur
du débat, a brièvement rappelé l’historique du conflit du Sahara
occidental, en insistant sur le fait que cette ancienne colonie
espagnole, classée comme « territoire non-autonome » en 1963 était
censée accéder à l’autonomie par le truchement des Nations-Unies. Or ce
droit à l’auto-détermination a été contrecarré par la « Marche Verte »
de 1975 emmenée par 350 000 Marocains et appuyée par des dizaines de
milliers de soldats marocains, qui ont annexé ce territoire en affirmant
la souveraineté du Maroc. Cette invasion s’est établie en violation du
droit international puisque la Cour internationale de justice se
prononçait le 16 octobre 1975 en faveur de l’autodétermination du peuple
Sahraoui. Avec le transfert du contrôle administratif des deux tiers du
Sahara Occidental de l’Espagne au Maroc, la mise en place d’un
référendum populaire pour le peuple sahraoui devient définitivement
lettre morte. Malgré les incessants appels de la communauté
internationale, la proclamation du « statut de territoire occupé » et
l’exhortation de l’ONU au retrait du Maroc, l’espoir d’un état sahraoui
indépendant ne fait que s’amenuiser et la situation des droits de
l’homme dans ces territoires ne va pas en s’améliorant depuis 25 ans.
Les conséquences sur la population civile
Le
modérateur a dénoncé les abus supposés de l’occupation marocaine de ce
territoire en répétant qu’en vertu du droit international, le Maroc
n’avait pas le droit tirer profit de l’exploitation des ressources
naturelles du territoire occupé, pas le droit de conclure des accords
internationaux au nom du peuple sahraoui et que les activités
économiques devaient profiter aux populations locales. Il a rappelé que
nombre d’individus étaient devenus des réfugiés dans des camps en
Algérie. En parallèle, nombre de colons marocains se sont installés et
occupent illégalement des terres. Ces
actions d’occupation illégale s’accompagnent de violations des droits
civils et politiques des Sahraouis qui ont été répertoriées dans un
document émanant du Parlement Européen datant de juin 2015. Ce rapport
fait état d’arrestations sans mandat, de détentions arbitraires y
compris d’enfants, de répression des défenseurs de droits de l’homme, de
cas avérés de torture et de mauvais traitements des prisonniers, de
disparitions forcées.
Inefficacité des procédures juridictionnelles internationales
Il
est à déplorer que nombre de procédures et d’initiatives onusiennes ou
multilatérales n’aient eu aucun effet bénéfique pour la cause sahraouie.
La Commission des Nations-Unies à New York lors de la réunion de 2014
pour l’ECOSOC a réitéré que tous les Etats responsables des territoires
non-autonomes ont le devoir de faire respecter les droits des
populations et d’inclure la participation des représentants de ces
territoires. A côté de cela, Mr Viret a évoqué la possibilité de mettre
en place un mandat de surveillance du Haut-Commissariat aux droits de
l’homme qui pourrait établir un programme d’assistance technique dans
les différentes parties du Sahara occidental.
Il
est également très difficile pour les Rapporteurs Spéciaux sur la
détention arbitraire et la torture d’enquêter sur la situation des
droits de l’homme dans ces territoires puisque ces procédures spéciales
nécessitent l’accord du Maroc pour avoir lieu. De plus, la visite du
Haut-Commissariat pour les droits de l’homme en 2006 n’a débouché sur
aucun rapport, tout comme les deux visites réalisées en 2015. Le
Secrétaire Général Ban-Ki Moon n’a pas eu l’autorisation marocaine de
visiter les camps de réfugiés.
De
la même façon, la création d’ONG sahraouies est subordonnée par la
validation du Maroc. Il est en effet contradictoire que la puissance
administratrice de facto – en non de jure puisque c’est l’Espagne – soit
également la puissance à l’origine des violations des droits de l’homme
dans ce territoire non-autonome.
Mise en danger des défenseurs des droits de l’homme
L’intervention
de Mme El Ghalia Djimi, Vice-Présidente de l’Association Sahraouie des
Victimes des graves violations des Droits de l’Homme commises par l’Etat
marocain, a été retransmise durant le débat car elle n'a pas reçu
l’autorisation de son travail de sortir du territoire et participer au
Conseil des droits de l’homme. La plainte déposée auprès du président de
l’association des droits de l’homme au Maroc n’a eu aucun effet.(CNDH probablement ndlr)
Cette
situation de répression des droits civils et politiques a également été
expérimentée par Mme Nazia El Khalidi, journaliste et activiste. Elle a
expliqué comment le peuple Sarahoui vivait dépourvu de liberté
d’expression. Les territoires du Sahara occidental sont barricadés par
un mur de plus de 2'700 km de long, sécurisé au moyen de mines. Elle
évoque qu’au moins 200 défenseurs des droits de l’homme ont été expulsés
des territoires. Les activistes restants sont contraints de filmer ou
prendre des images en caméra cachée pour appuyer leur cause.
La
situation déplorable des prisonniers politiques et les cas de torture et
d’intimidation dont ils sont victimes les ont conduits à mener des
actions plus médiatiques. En effet, une douzaine de prisonniers
sahraouis détenus à la prison de Rabat-Sale ont entamé une grève de la
faim depuis le 1er mars 2016. Condamnés à des peines allant de 20 ans à
la perpétuité, suite à leur participation au grand rassemblement de
résistance pacifique du peuple sahraoui à Gdeim Izik à l'automne 2010,
ils souhaitent attirer l’attention de la communauté internationale.
Vers l'impasse d'une solution politique ?
Le
manque d’espoir pour une solution politique négociée par les
Nations-Unies a été exprimé par Mme Omeima Abdeslam, représentante du
Front Polisario auprès de l’ONU. Alors que des accords de paix ont été
signés depuis 1991 et que cela fait 25 ans que l’ONU a déployé la
MINURSO (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum
au Sahara occidental), ce référendum d’autodétermination n’a jamais vu
le jour. La représentante du Front Polisario avoue regretter que leur
cause ait été confiée aux Nations-Unies qui n’ont rien fait pour
améliorer leur situation. Elle a insisté sur l’impuissance de la force
MINURSO qui se conforme à son rôle de simple observateur sans pouvoir
agir face à des cas de maltraitance. Elle a véhémentement dénoncé la
complicité de certains états face aux abus présumés commis par le Maroc.
Elle a ainsi déclaré : « C’est honteux que notre peuple veuille une
solution pacifique et que la communauté internationale ne le permette
pas ! »
Certaines
personnes dans l’audience ont salué les initiatives entreprises par le
Maroc comme la mise en place d’une commission
conciliation-réconciliation ou encore les propositions d’indemnisation
des Sahraouis en échange de l’acceptation de la souveraineté marocaine.
La représentante du Front Polisario a fait valoir que le sentiment
d’appartenance de certains Sahraouis à la nation marocaine était reconnu
mais que cela ne devait en aucun cas entraver l’établissement d’un
référendum où la volonté de tous s’exprimerait clairement.
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