par Luk Vervaet
En 2008, le ministère de la Justice et l’Administration pénitentiaire installaient des nouvelles sections de haute sécurité AIBV/QMPSI (Afdeling voor Individuele Bijzondere Veiligheid / Quartier de Mesures de Sécurité Particulières Individuelles) à la prison de Bruges et de Lantin. Officiellement pour pouvoir procurer des soins supplémentaires aux détenus ‘difficilement maîtrisables à cause de leur comportement en prison’ : “Contrairement aux anciens QSR (Quartiers de Sécurité renforcée), qui avaient pour but l’hébergement de prévenus ou condamnés réputés dangereux en raison du délit commis, du risque d’évasion, ou du comportement pendant la détention, les AIBV/QMPSI sont spécifiquement destinés à l’hébergement de détenus masculins condamnés difficilement maîtrisables, parce que présentant des problèmes comportementaux extrêmes et persistants, s’accompagnant d’agressivité envers les membres du personnel et/ou les codétenus »(1).
Ashraf Sekkaki est le premier détenu à dénoncer les conditions de détention inhumaines dans cette section spéciale. En novembre 2008 son témoignage sur “le Guantanamo de Bruges” paraît dans le journal De Morgen et dans la presse internationale. Ces accusations seront niées en bloc par le ministère de la Justice et par la Direction pénitentiaire : “Dans cette section“, disent-ils, ” il s’agit d’une détention réparatrice pour des détenus qui ont des problèmes de comportement extrêmes et agressent le personnel et les co-détenus…” (2)
Mais que constate le Comité européen pour la Prévention de la torture (CPT) lors de son inspection en 2009, c’est-à-dire 18 mois après l’ouverture des AIBV/QMPSI ? Que ces sections sont utilisées exactement comme avant : « Le projet initial – la création d’unités spécialisées pour le traitement des détenus présentant une agressivité extrême…- avait déjà été largement détourné de son objectif. »
Pour prouver sa thèse, le CPT compte les hommes présents dans cette section : « en 2009, sur les 8 détenus se trouvant dans l’AIBV de Bruges, seulement 3 répondent aux critères, et sur les 9 détenus dans le QMPSI à Lantin, seulement 3 répondent aux critères ». Et le CPT conclut : « Le CPT recommande aux autorités belges de mettre immédiatement fin au placement de détenus qui ne correspondent pas aux critères d’admission prévus. A défaut, le projet QMSPI sera, de l’avis du CPT, voué à l’échec».
Cette recommandation n’a servi à rien. Au contraire.
En 2016, la Belgique ne cherche plus des excuses et ne s’en cache plus : la section de soins particuliers a bel et bien été transformée en section de haute sécurité pour les inculpés ou condamnés de terrorisme. “La section était initialement destinée à des détenus qui risquaient de prendre la fuite ou qui rencontraient des problèmes comportementaux dans la section ordinaire. Mais avec le développement des affaires terroristes, de tels dossiers sont également pris en considération“, a expliqué Kathleen Van De Vijver, la porte-parole de l’administration pénitentiaire. Il n’est plus question de se retrouver dans cette section pour des raisons de comportement dans la prison; dorénavant le stigmate de terroriste suffit pour s’y retrouver dès son entrée.
Ainsi, Mehdi Nemmouche s’y retrouve depuis près de deux ans. Quatre personnes arrêtées et inculpées dans les attentats de Paris de novembre dernier y sont également détenues.
Quelles sont les conditions de détention dans cette prison dans la prison ?
J’y ai consacré un chapitre dans mon livre “Guantanamo chez nous ?” (www.antidote.be).
Je publie ici les liens vers quelques articles dans la presse, parus à l’occasion de l’incarcération de Salah Abdeslam dans cette section.
Bienvenue dans le quartier de haute sécurité d’Abdeslam: “On te casse ici”
Abdeslam : première nuit dans le quartier de haute sécurité de la prison de Bruges
Attentats à Paris – Abdeslam soumis à un régime de sécurité “individuel et particulier” à la prison de Bruges
(1) Toutes les citations viennent du Rapport du Comité pour la Prévention de la Torture sur la Belgique (CPT), publié en juillet 2010
(2) www.jusitie.belgium.be 21/11/2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire