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lundi 27 avril 2015

Sahara Occidental - Rôle de la France : une fausse neutralité


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Le texte proposé ici est publié dans le  livre "Lutter au Sahara", sorti mi-avril et disponible sur commande auprès de apsolument@yahoo.fr
Le texte proposé ici, dans une version remaniée et enrichie, est publié dans le livre « Lutter au Sahara », sorti mi-avril et disponible sur commande auprès de apsolument@yahoo.fr

L’implication de la France dans le conflit du Sahara Occidental n’est pas récente et, selon de nombreux observateurs, elle explique en grande partie le statu quo qui touche ce territoire considéré comme non-autonome par l’ONU.
En mai 2013, l’assemblée générale de l’ONU a remis la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser et a affirmé « le droit inaliénable de (sa) population (…) à l’autodétermination et à l’indépendance ». Cet archipel rejoint ainsi le Sahara occidental, sous occupation marocaine depuis 1975… et la Nouvelle-Calédonie. Même si le Sahara Occidental a une histoire qui lui est propre, on peut noter que la France traîne toujours derrière elle cet héritage de pays colonisateur et que cette actualité donne l’occasion de se poser cette question : ce passé n’explique-t-il pas fondamentalement pourquoi la France, qui a établi un protectorat sur le Maroc en 1912, soutient ce dernier dans cette entreprise d’occupation d’un territoire sur lequel aucun pays au monde ne reconnaît une quelconque souveraineté du Maroc ? Car, bien loin de la neutralité affichée depuis le début du conflit, la France soutient la présence du Maroc au Sahara occidental.

Solidarité de pays colonisateurs ?

On peut noter qu’en 1957-1958, la France appuie l’Espagne, qui occupe alors le Sahara Occidental, depuis 70 ans pour une partie de ce territoire, dans sa lutte contre les tribus sahraouies soutenues par… le Maroc, toute jeune nation. Il s’agit alors pour la France de ne pas ajouter une déstabilisation supplémentaire dans une région qui vient de vivre l’indépendance du Maroc et qui connaît le début de la guerre d’Algérie. Le maintien du Sahara Occidental sous le giron franquiste est considéré comme un moyen d’isoler les colonies sub-sahariennes de ce mouvement d’émancipation (la plupart de ces pays obtiendront leur indépendance en 1960) et même expansionniste si l’on considère la position défendue principalement par un parti marocain, l’Istiqlal, qui veut faire du fleuve Sénégal la frontière sud du pays et inclurait une partie du Mali, la Mauritanie, une partie de l’Algérie et, donc, le Sahara Occidental.
Le 10 février 1958, l’opération Écouvillon, décidée par le gouvernement français dirigé alors par Félix Gaillard, est déclenchée et prend fin le 5 mai 1959. 5 000 hommes, 600 véhicules et 70 avions sont engagés contre les Marocains de l’Armée de libération nationale du Sud et plusieurs tribus sahraouies qui enchaînent les attaques contre les 9000 soldats espagnols. La région visée par cette opération militaire est proche des villes de Bechar (appelée alors Colomb-Béchar), distante de 80 km de la frontière avec le Maroc, et de Tindouf, la ville la plus au sud-ouest de l’Algérie. Ces deux localités et leurs environs, devenus des départements français en 1952, sont à ce moment-là directement placés sous l’autorité d’un ministre du Sahara (Max Lejeune). Ce dernier fait également office jusqu’à l’été 1960 de délégué général de l’« Organisation commune des régions sahariennes », une collectivité territoriale instaurée par la France en 1957. Les provinces de Bechar et de Tindouf seront l’objet de revendications de la part du Maroc au lendemain de l’indépendance du voisin, l’Algérie. Elles causeront même, en partie, le déclenchement en octobre 1963 de la guerre dite des sables autour du tracé des frontières héritées du colonialisme.
 
La France au cœur du conflit naissant

Malgré la résolution 2072 adoptée en 1965 par l’Assemblée générale des Nations Unies qui demande à l’Espagne de libérer le Sahara Occidental et qui fait référence à la résolution 1514 sur le droit à l’autodétermination des peuples colonisés, l’Espagne s’accroche, quitte à réprimer les Sahraouis comme en juin 1970, lors d’une manifestation pacifique. Cinq ans plus tard, le pouvoir franquiste finissant est débordé par le tout jeune mouvement politique armé créé deux ans auparavant, le Front Polisario. Son retrait est négocié avec les deux anciennes colonies françaises : le Maroc et la Mauritanie. L’Algérie devenant un acteur engagé dans les discussions sur l’avenir du « Sahara espagnol », la France, prise entre les positions contradictoires de l’Algérie et du Maroc, se retrouve de fait au cœur de ce conflit naissant. La France choisit d’adopter, officiellement, une position relativement équilibrée pour ne froisser aucun de ses trois partenaires historiques, sans oublier son voisin l’Espagne, et, ainsi, assurer les conditions de son maintien dans cette vaste région aux nombreuses richesses naturelles (gaz, pétrole, minerais), alors que le vent de l’indépendance souffle. Ce n’est pas facile. L’« Organisation commune des régions sahariennes » (citée plus haut) a bien été mise en place dans ce but.


Reportage d’une télévision marocaine en 2010.
Mais, l’invasion du Sahara Occidental par Hassan II en novembre 1975 rend plus que délicate la position officielle de la France. Par son action provocante (rappelons ici que trois semaines avant, la Cour internationale de justice de La Haye a considéré que le processus de décolonisation devait aller à son terme au Sahara Occidental et que le jour même, Hassan II prononce son discours qui marquera le début de la mobilisation), le roi du Maroc entend bien s’imposer au Sahara Occidental. C’est le début de ce que l’on pourrait appeler « la politique du fait accompli ». En lançant 350 000 civils en direction de ce territoire, le souverain marocain a parié à la fois sur l’inaction de l’Espagne, qui a d’ores et déjà annoncé qu’elle souhaitait quitter cette région, et sur la « neutralité » bien arrangeante de la communauté internationale, à commencer par celle de la France.

Une sémantique au service d’une occupation
Son pari est gagné. Le président français Giscard d’Estaing est en visite au même moment en Tunisie. Il signe un message commun avec le président tunisien Bourguiba, qui est adressé à Hassan II. Si son contenu n’a semble-t-il pas été divulgué par ce dernier, les autres déclarations laissent penser que le sens de ce texte commun signe le début d’une position officielle ambiguë de la France vis-à-vis du droit international, préférant les formules creuses (on est pour des solutions justes, mutuellement acceptables) qu’un recours franc à l’autodétermination.
Pourtant, c’est bien ici le sujet, la communauté internationale accompagnant le mouvement en cours vers l’indépendance. Ainsi, l’ONU, dans sa résolution 1514 adoptée en 1960, souhaite « aider le mouvement vers l’indépendance dans les territoires sous tutelle et les territoires non-autonomes ». Le départ de l’Espagne, demandé par les Nations Unies, doit, dans ce raisonnement, marquer la fin de la colonisation du Sahara Occidental. Mais, pour que le processus de décolonisation s’achève, il faut qu’il y ait « libre détermination » (la résolution 1514 ne parle pas d’autodétermination) du peuple du Sahara occidental, et, donc, qu’il y ait existence de ce peuple susceptible de se déterminer. Les Sahraouis forment-ils un « peuple » ? C’est un aspect du problème tel qu’il se pose alors -et tel qu’il se pose toujours aujourd’hui.
Il est ici affaire de sémantique. Hassan II et, depuis 1999, Mohamed VI qualifient toujours les Sahraouis de « frères », « séquestrés » dans les camps de Tindouf par le Front Polisario ou « traîtres » quand ils manifestent pour leur indépendance dans les villes du Sahara Occidental. Le « peuple du Maroc », lui, est venu en très grand nombre se porter volontaire pour participer à cette « marche Verte » dans le but de « libérer » ce territoire du joug espagnol et jouir enfin de son « intégrité territoriale ».
La sémantique marocaine (marche « pacifique », « restitution » du Sahara Occidental, « renouer avec nos frères ») séduit et permet de transformer une invasion en combat contre la colonisation, et un peuple en frères de sang. Quant à la lutte menée par le Front polisario avec le soutien de l’Algérie, elle est discréditée : le « Sahara espagnol » n’est qu’un désert sans intérêt ; une poignée de nomades ne peut prétendre à son autodétermination.
Le récit qui est proposé à la population française illustre bien la réussite de la propagande marocaine. Les témoignages de trois reporters, qui ont participé à la couverture médiatique de la « Marche Verte » avec des centaines d’autres journalistes accrédités, ont fait l’objet d’un documentaire pour la chaîne marocaine 2M et rivalisent de superlatifs pour dire qu’ils assistaient alors à une œuvre remarquable. Un d’entre eux, François Ponchelet, reporter pour Europe 1, explique : « c’était vraisemblablement la conquête ou la reconquête la plus légitime de tous les conflits qui ont suivi et qui n’ont pas forcément des motivations aussi nobles ».


Un récit (on dirait aujourd’hui un story telling) repris aussi par les responsables politiques français, qui valorisent l’initiative royale et minimisent la résistance et la légitimité du combat des Sahraouis.
Inexistence du peuple sahraoui, dévalorisation de l’idée même d’autodétermination, « légitimité » de la décision marocaine. Ces trois éléments constituent le socle de la position de la France. Il en va bien sûr de l’équilibre des forces dans cette région du monde où, on l’a vu précédemment, la France entend conserver sa présence et ses intérêts économiques. Une fois rassurée sur le fait que l’Algérie de Boumèdiene ne s’aventurera pas directement dans un nouveau conflit armé avec le Maroc, il ne reste plus qu’à Giscard d’Estaing à laisser faire Hassan II.

La France… « le second ennemi des Sahraouis »
Mais, cette « neutralité » est bien de l’affichage, car sur le terrain, la France s’engage militairement en novembre 1977 dans l’« opération Lamentin ».
Cette implication fait suite à l’attaque menée par le Front Polisario et son chef Lahbib Ayoub de la cité minière de Zouerate en Mauritanie, extrêmement importante pour ses richesses en fer et où les coopérants français sont en nombre. La Mauritanie est alors engagée dans la guerre du Sahara Occidental puisqu’elle a annexé la partie sud du territoire. Deux Français sont tués durant cette attaque de mai 1977 et six autres sont capturés. Cinq mois plus tard, une offensive est lancée ; elle se solde par l’enlèvement de deux nouveaux Français. Le Président Giscard décide le lancement de l’opération Lamentin pour soutenir l’armée mauritanienne qui est débordée par les forces du Polisario et permettre la poursuite de l’exploitation minière. Elle prend fin en juillet 1978, lorsque le pouvoir en place de Moktar Ould Daddah est renversé, ce qui marquera le début du processus de retrait de la Mauritanie du Sahara Occidental un an plus tard. Aujourd’hui encore, cet épisode militaire est dans les esprits des Sahraouis. Un militant me disait dernièrement que « la France était le second ennemi des Sahraouis après le Maroc ! »
Giscard d’Estaing a beau proposer, au lendemain de l’opération Lamentin, les bons offices de la France pour jouer le rôle de médiateur dans le conflit, l’Algérie commence à mettre en doute cette « neutralité » française. Son ministre des affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, l’actuel président de la République algérienne, pointe dans un langage diplomatique, le 1er août 1978, une neutralité « qui n’est pas active en faveur de la paix ». Le dégel amorcé malgré tout à cette période entre la France et l’Algérie n’entraînera pas d’amélioration dans la résolution du conflit.
 
Le changement politique à la tête de la France, avec l’élection de François Mitterrand en mai 1981, n’empêchera pas la guerre de perdurer encore pendant dix années. Le candidat socialiste disait, dans ses « 110 propositions pour la France », soutenir le droit à l’autodétermination du Sahara Occidental. Lors d’un voyage en Algérie en février 1976, il va jusqu’à rencontrer les représentants du Front Polisario. En cela, et conformément à la position du Parti socialiste vis-à-vis des pays non-alignés, ce geste est une nouveauté et un acte fort, en opposition au pouvoir giscardien qui n’a accordé aucune place aux Sahraouis dans la résolution de ce conflit, collant ainsi à la posture marocaine qui a refusé longtemps de mener des négociations directes avec le Front Polisario.
A la fin des années 80 et au début des années 90, la diplomatie internationale est très active sur le Sahara Occidental et aboutira notamment à l’adoption en novembre 1987 par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution demandant la tenue de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario pour parvenir à un cessez-le-feu. Un peu plus tard, en 1989, l’Algérie et le Maroc reprennent langue.
Une de Notre ami le roi (Medium)En France, les relations avec le Maroc se dégradent. L’écrivain Gilles Perrault publie « Notre ami, le roi » en 1990, dans lequel il révèle la réalité cruelle du pouvoir de Hassan II et, entre autres crimes, le sort réservé aux prisonniers politiques sahraouis enfermés souvent depuis l’annexion du Sahara Occidental dans les bagnes du sud marocain. En octobre de la même année, François Mitterrand choisit comme ministre de la Justice Georges Kiejman, jusqu’alors avocat de la famille du général Mohamed Oufkir. Au même moment, Danielle Mitterrand, l’épouse du président français, prévoit un déplacement dans les camps de réfugiés où vivent des dizaines de milliers de Sahraouis. Crise diplomatique et critiques de l’opposition oblige, la Première Dame reporte ce voyage, mais, quelques jours plus tard, accepte de recevoir l’épouse de Mohamed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario et président de la République Arabe Sahraouie Démocratique (créée en 1976, non reconnue par la France). Un geste que l’on aurait bien du mal à imaginer aujourd’hui…
Bouteflika :
« Paris doit assumer une part de responsabilité »
Malgré ces signes, la position française favorable à l’autodétermination semble fléchir. La tenue du référendum d’autodétermination, dont le principe a pourtant été validé par les deux parties en 1988, bloque sur les modalités de composition du corps électoral. Dans un entretien publié dans le journal Le Monde le 20 mai 1992, Mohamed Abdelaziz est, selon le journal, amer vis-à-vis de la France car elle « a soutenu, affirme-t-il, le rapport fait en décembre 1991 par M. Perez de Cuellar (alors secrétaire général de l’ONU), proposant d’élargir très sensiblement le corps électoral sahraoui en intégrant une très large partie des populations déplacées ». « En raison de ses liens avec les pays d’Afrique du Nord, (Paris) doit assumer une part de responsabilité », insiste-t-il, pour que le plan soit appliqué et demander au Maroc « de renoncer à ses positions intransigeantes ». Malgré ses demandes, le responsable sahraoui n’est pas reçu à l’Elysée, ni au Ministère des Affaires étrangères. Il est reçu par le groupe d’étude sur le Sahara Occidental, qui existe à l’Assemblée nationale (comme aujourd’hui, bien qu’il soit très discret sur ses travaux), et par le président de cette assemblée, le socialiste Henri Emmanuelli.
Le courrier de Jean-marc Ayrault
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30 ans plus tard, on retrouve cette dichotomie entre le champ des valeurs et le champ du pragmatisme politique. Quand Jean-Marc Ayrault, en mars 2011, répond par écrit, au nom du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, à l’Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique, il se réclame de la ligne politique du parti et fait même référence à une déclaration de novembre 1975 : « tout doit être fait pour permettre aux Sahraouis d’exprimer librement leur volonté sous le contrôle des organisations internationales ». Toujours dans ce courrier, les termes choisis sont on ne peut plus clair : « les socialistes dans leurs déclarations publiques s’en tiennent depuis l’occupation du territoire par le Maroc à une position privilégiant le respect du droit international et du droit à l’autodétermination des peuples colonisés ».

Malgré cette prise de position, la nomination de ce dernier à la fonction de Premier Ministre n’empêchera pas François Hollande, président de la République, de recevoir Mohamed VI, le 24 mai 2012, et de le rassurer sur le dossier du Sahara Occidental sur lequel le soutien de la France est incontournable pour le royaume. Depuis, les responsables politiques français n’ont jamais manqué de reprendre à leur compte la formule maintes fois prononcée par les gouvernements antérieurs. A titre d’exemple, citons Alain Juppé le 12 mars 2012, alors en charge des affaires étrangères : «nous considérons que le plan d’autonomie marocain est aujourd’hui la seule proposition réaliste sur la table, et constitue la base sérieuse et crédible d’une solution. » Lors de sa visite au Maroc en avril 2013, François Hollande explique devant le parlement marocain : « Le plan présenté en 2007 par le Maroc prévoit un statut de large autonomie pour la population du Sahara Occidental. Je le redis ici : c’est une base sérieuse et crédible en vue d’une solution négociée ».

« La seule proposition réaliste… »
Les faits montrent clairement qu’entre la position défendue par Jean-Marc Ayrault en mars 2011 et celle qu’était allée défendre Martine Aubry, envoyée en émissaire par celui qui n’était alors que candidat à la fonction présidentielle, à savoir la « proposition d’autonomie », c’est bien la seconde qui fait figure de ligne politique. En juillet 2012, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, écrivait dans un courrier au CORELSO (1) que : « La France considère que le plan marocain d’autonomie de 2007 est la seule proposition réaliste aujourd’hui sur la table et constitue la base la plus crédible et sérieuse d’une solution juste et durable ». Et d’ajouter : « (cette proposition) prévoit en outre la consultation des populations des territoires à l’issue des négociations ».
La lecture de ces déclarations peut laisser perplexe. On se réclame de la légalité internationale, mais on ne reprend pas ouvertement, de peur de crisper le Maroc, la fin de la formule consacrée par l’ONU, contenue dans toutes ses résolutions : « qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental ». La « consultation des populations » revient-elle à faire voter toutes les personnes présentes sur place ? Enfin, doit-on proposer aux électeurs sahraouis de se prononcer sur la seule « proposition d’autonomie », sans inclure dans le référendum, comme cela était prévu lors du plan de résolution dit Baker II, en 2003, l’option de l’indépendance ?
En avril 2013, l’initiative des Etats-Unis, qui militait pour la création d’un mécanisme indépendant d’observation des droits de l’Homme, a été refusée catégoriquement par le Maroc qui a pu, une nouvelle fois, s’appuyer sur son amie la France pour convaincre la diplomatie américaine de retirer sa proposition. Il ne s’agirait pourtant pas d’une révolution puisque l’ONU a inclus ce type de dispositif dans la grande majorité de ces missions à travers le monde. Mais, le pouvoir français préfère cautionner le Conseil National des Droits de l’Homme qui, à travers sa section « régionale » qui couvre le Sahara Occidental, entend d’abord prouver la bonne volonté du royaume sur cette question et ensuite contrecarrer toute initiative de la communauté internationale sur cette question.
A force de renonciation sur les principes universels, à force de ménagement d’un pouvoir concentré encore aujourd’hui dans les mains d’un homme et de son cénacle, malgré l’énième réforme de la Constitution du Maroc en 2011, la France socialiste est en tout point comparable à la France UMP, et avant RPR.
 

Un engagement financier de la France
En réalité, la politique du « fait accompli » bloque toute solution qui remettrait en cause la présence du Maroc au Sahara Occidental et permet de poursuivre la colonisation toujours plus intense de ce territoire. La France est le premier partenaire économique du Maroc. Les investissements conséquents sur place, avec le soutien de grandes entreprises françaises (dans la recherche pétrolière, l’équipement, le maraîchage…) et de l’Etat à travers l’Agence française de développement, ne laissent que peu de place à l’idée d’un désengagement du royaume. Le black-out médiatique organisé par des relais marocains en France assure une couverture a minima du sujet par la presse. Fréquemment dénoncée, depuis Gilles Perrault jusqu’à Jean-Pierre Tuquoi (2), la collusion, qui existe bien, entre une partie des élites françaises et le pouvoir royal du Maroc, ne peut expliquer à elle seule les raisons de ce soutien sans faille sur le dossier du Sahara Occidental. La situation au Maghreb et en Afrique de l’ouest donne aussi au Maroc l’occasion de jouer la carte d’un pays « stable », rempart contre le terrorisme. A contrario, l’indépendance du Sahara occidental serait la porte ouverte à une déstabilisation de toute la région…
On a pu le constater début 2015, avec la fin officielle de la crise diplomatique franco-marocaine et les modalités de ce dialogue renoué, allant de la décoration d’un haut responsable policier mis en cause dans plusieurs plaintes instruites en France jusqu’à l’adoption de nouvelles dispositions judiciaires favorables aux desiderata marocains. Victimes collatérales de ce « réchauffement », les Sahraouis ont pu voir au même moment le secrétaire général de l’ONU rassurer Mohamed VI sur la teneur du prochain conseil de sécurité d’avril 2015, contrairement à ce qu’il avait annoncé l’année auparavant.

Ban ki moon au telMi-avril, la lecture du rapport 2015 de Ban Ki-moon semble être en effet bien en-deça de la teneur du rapport 2014.
Retrouvez le rapport 2015 sur le site de l’ONU en français
La libération des peuples ne fait plus recette aujourd’hui et fait figure de combat d’arrière-garde en France, pays -on peut le souligner- dont l’histoire colonisatrice est encore abordée dans la souffrance et la polémique. L’existence d’un peuple sahraoui est sans doute, toujours aujourd’hui, un chantier à poursuivre. Notamment par la connaissance de la réalité de ce peuple.

(1)Comité pour le Respect des Libertés et des Droits humains au Sahara Occidental.
 (2)Auteur de « Paris – Marrakech ; luxe, pouvoir et réseaux », chez Calmann-Lévy.

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