Par Amine
Belghazi, Medias24,
21/12/2014
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Médias 24 a
interrogé les bénévoles qui ont participé aux caravanes de soutien aux victimes
des intempéries au Sud du Maroc. Choses vues.
Loin des
regards, des centaines de milliers de personnes vivent dans des contrées
arides, difficiles d’accès, coupées du monde, et dans l’absence totale des
conditions d’une vie digne.
«Avant de
prendre la route, nous ne nous attendions pas à autant de misère et de
pauvreté», déclare, d’emblée, une militante associative qui a participé à la
campagne de soutien aux populations sinistrées du sud.
«Plusieurs
personnes et organismes ont fait des dons, mais lorsque nous sommes arrivés sur
place, nous avons été choqués de voir que la population n’a bénéficié que de si
peu d’aides,» avant de s’interroger, légitimement, sur le sort réservé aux
aides humanitaires arrivées à destination.
«Les
populations n’ont pas de quoi manger, n’ont pas de quoi se vêtir, et les
inondations n’ont fait qu’aggraver leur situation. Les intempéries n’ont fait
qu’envenimer la situation,» fait savoir Farida Azmi, membre de la Banque
alimentaire du Maroc, et d’ajouter «par endroits, et en réaction à la
pénurie, le prix du pain a grimpé à 10 DH.»
Cette misère
est encore plus frappante au fur et à mesure qu’on s’éloigne des routes
goudronnées (ou ce qu’il en reste). Jugez par vous-même: «lors de nos nombreux
déplacements, j’ai rencontré une vieille dame qui dit rien à se mettre sous la
dent. A tel point qu’elle m’a confié en pleurs que, pour calmer sa faim, elle
n’avait d’autre choix que d’avaler la terre, en buvant de l’eau,» témoigne
Farida Azmi.
Une autre
rencontre a bouleversé notre interlocutrice. « Une jeune fille qui présentait
des symptômes graves de malnutrition. Au début, j’ai pensé que j’avais affaire
à une enfant de 5 ou 6 ans, mais au fil de la discussion, en parlant de sa
scolarisation entre autres, je me suis rendue compte qu’elle en avait 10 ou
11.»
Et à Driss
Bouchentouf, président de l’Office national des cadres pédagogiques de
poursuivre: «Dans chaque douar que nous avons visité, on a remarqué que la
population souffre de maladies et de symptômes semblables. Il peut s’agir de
nanisme, d’anémie…etc. Cela s’explique, entre autres par la malnutrition ou
l’effet du climat aride sur la population, et les enfants en sont les premières
victimes.»
Les enfants,
parlons-en. 40 km de piste à parcourir avant d’atteindre une école délabrée
dans le village d’Alougoum dans la province de Tata. Les restes d’un bâtiment
en pierres, sans toilettes à proximité duquel se tient un internat.
«106 enfants
sont entassés dans une petite construction qui ne peut en contenir que 50» nous
confie Farida Azmi. «Des enfants de différents âges dormant à même le sol, ou
pour les pus chanceux, sur des bouts d’éponges brûlés, dont l’épaisseur ne
protège pas contre le froid,» poursuit Driss Bouchentouf. Ce dernier nous a
également confié que «malgré les appels incessants aux personnes en charge de
l’INDH dans la région, personne n’a daigné donner suite à la requête.»
Fatima Zahra
Ghomari, membre de la Banque alimentaire témoigne à son tour: «les
ambulances se sont transformées en voiture de transport dans la région où nous
nous sommes rendus… Mais il faut savoir aussi que pour se faire soigner, en
temps normal, les habitants d’Alougoum ont besoin de se déplacer à Tata. Dans
le cas où la spécialité n’existe pas dans la ville, les patients doivent se
déplacer jusqu’à Marrakech. En tout, il faut compter 8 heures de route.»
Autant dire
que l’Etat est complètement démissionnaire dans la région, et la population
plongée dans la misère profonde, à la merci de visites des bénévoles ou de
miracles divins!
Dans le
village d’Amniter, à quelques kilomètres de Ouarzazate, dans la commune de
Telouat, la seule route qui relie les villageois au reste du monde est
traversée, en temps normal, chaque mercredi par un bus qui transporte les
vivres.
«Depuis que
les intempéries se sont abattues sur la région, le village est complètement
coupé du monde. La route est impraticable, et sans la solidarité de la
population, des personnes seraient mortes de faim… près de 90% des terres
cultivées ont été ravagées dans la région,» nous déclare Driss Bouchentouf, qui
a remarqué également que «de nombreuses, pour ne pas dire toutes les écoles de
la région ont fermé. Et plusieurs instituteurs ont quitté les zones
sinistrées.»
A Sidi Ifni
même, plusieurs quartiers sont restés sans eau et ni nourriture durant
plusieurs jours.
Dans un
Maroc à deux vitesses, les habitants des régions oubliées n’ont, de fait, aucun
droit à la citoyenneté. Farida Azmi constate que «ces populations sont oubliées
des autorités. On ignore, aujourd’hui, le nombre exact des douars qui vivent
dans les mêmes conditions. La Banque alimentaire a d’ailleurs dépêché un
responsable des opérations accompagné d’un bénévole, pour faire l’inventaire
des patelins dans lesquels les populations vivent dans des conditions
comparables à celles que nous avons rencontrées. »
Pour finir,
il est évident que l’Etat doit veiller au grain à la vie de l’ensemble de ses
citoyens.. Et on pensait, à l’échelle darwinienne de l’évolution, que l’homme
était immunisé contre les aléas du climat et du temps. C’était sans compter sur
l’absence d’une variable de taille, qui est celle du respect de la vie et
la considération de la dignité humaine. Les inondations ont mis à nu les
intolérables disparités entre classes sociales et entre régions.
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