Par Ali Fkir, 28/12/2014
Depuis 1956 et surtout depuis l’intronisation du tyran Hassan II
en
1961, l’Histoire du Maroc est essentiellement caractérisée par
l’inséparable duo :
oppression/résistance.
Un régime sanguinaire d’un
côté, un peuple en lutte de l’autre. Entouré des officiers formés dans
les écoles des armées coloniales française et espagnole, forgés dans les
luttes impérialistes contre les peuples indochinois, peuples dirigés
par les forces communistes révolutionnaires, entouré des bourgeois
compradores, des grands propriétaires terriens et autres colabos du
colonialisme, épaulé par les états français et américains, financé par
les monarchies du golf, HassanII avait fait du Maroc une véritable
citadelle carcérale, un archipel parsemé de bagnes (Tazmamart, derb
Moulay Cherif, Maison centrale de Kénitra, Klaât Mgouna, Agdés, centre
de Courbès…). Des milliers d’innocents, de combattants de liberté ont
payé de leur vie la facture de la résistance à la tyrannie du «
commandeur des croyants ». Du sang, beaucoup de sang a coulé.
Le
mouvement ittihadi a sacrifié des centaines, des milliers de ses
meilleurs militants pour la liberté, pour la libération et ce , depuis
1958/59. Pour la juste cause, la cause des déshérités, la cause des
travailleurs, la cause du peuple marocain, le mouvement marxiste
léniniste a contribué au sacrifice depuis sa naissance en 1970.
Sous la direction des femmes, le mouvement des familles des prisonniers
politiques a vu le jour au lendemain des arrestations des marxistes
léninistes en 1972. Les épouses telles Jocyline, Khadija, Latifa,
Leila…les sœurs telles Badia, Rabea…les mères telles celles d’Assidon,
de Khotbi , d’Amine… ont pris le flambeau de la marche sur le sentier de
la VERITE, la marche sur chemin de la SOLIDARITE. Faire connaître la
vérité, dévoiler le hideux visage du régime sanguinaire. Porter le
soutien aux prisonniers. Exprimer la solidarité des familles avec les
leurs.
Les familles des prisonniers marxistes léninistes (procès
de janvier 1977) sont venues renforcer ce mouvement et ce, depuis les
premières arrestations de novembre 1974.
Après l’avortement de la
première tentative de créer une association des droits humains au Maroc
au début de 1972 sous la direction d’Amine Abdelhamid (ILAL AMAM), d’Aït
Kaddour (UNFP)…, des démocrates ittihadis, à leurs têtes, Aberrahman
Ben Ameur, El Hihi, Ali Oumlil et de dizaines d’autres…fondent avec les
familles des prisonniers politiques et d’autres démocrates indépendants
l’AMDH en juin 1979.
Depuis cette date l’AMDH n’a pas cessé de
dénoncer la répression et l’étouffement politique qui règnent au Maroc.
Avec le temps, en plus de la défense des droits politiques, la grande
AMDH a étendu avec raison ses activités à la défense des droits
économiques, sociaux et culturels des citoyens.
L’AMDH a mis la vraie nature du régime à nu, aussi bien avant 1999, qu’après cette date. La continuité étant de rigueur.
Symbole de la défense des droits humains, la colombe AMDH est
ciblée/traquée comme « gibier » par les prédicateurs de tous poils.
A la veille de l’année 2015, empêtré dans ses échecs diplomatiques,
empêtré dans ses constrictions, pataugeant dans les sables mouvants des
scandales à répétition et à tous les niveaux… l’Etat marocain tente de faire supporter la responsabilité de ses malheurs à l’AMDH et à toutes les
forces de résistance. L’échec de la tentative est inéluctable. Ce n’est
pas la première fois que le régime essaie de liquider l’AMDH.
Rappelons-nous la tentative de 1983
Au lendemain de ma première sortie de prison en 1982, je rejoignis
immédiatement les rangs de l’AMDH. Au cours d’une assemblée générale
j’osai poser le problème du bagne de Tazmamart. Ce qui m’a causé des
ennuis par la suite. La police ne pouvait pas admettre tel comportement
surtout que le tyran Hassan II avait prétendu, que les bagnes de
Tzamamart, d'Agdès, Klaât Mgouna , n’existaient que dans l’imagination
de certains journalistes étranger.
Pour domestiquer l’AMDH, l’Etat
avait misé alors sur l’USFP (tendance bureau politique), sur le PPS et
sur d’autres éléments louches. Le 2ème congrès de l’AMDH devrait avoir
lieu en été 1983. L’Etat profita des luttes intestinales que connaissais
alors l’USFP, lutte entre le courant de droite sous la houlette du
bureau politique d’un côté et le courant de gauche ayant la majorité au
sein de la commission administrative (devenu PADS par la suite). Les
arrestations arbitraires de 8 mai 1983 dont étaient victimes des
dizaines de camarades de Ben Ameur et d’El Hihi, avaient porté un coup
dur à l’AMDH.
A la veille du congrès (juillet 1983), la
composition des congressistes se présentait ainsi (classement selon
l’importance de l’effectif) : futur PADS, USFP (droite), « proches du
mouvement marxiste léniniste », PPS, « indépendants ». Le congrès
devrait avoir lieu au centre « La Belle Vue» à Agdal (Rabat). Aucun
courant n’avait la majorité. Les enjeux étaient vitaux pour la survie de
l’AMDH. L’Etat avait misé sur l’alliance USP-PPS et autres «
indépendants » et sur la « division » des proches du mouvement marxiste
léniniste et ce, pour mettre en minorité les futurs padsistes.
Les congressistes « ML » ont vécu une nuit difficile à un jour de
l’ouverture du congrès. Des éléments, très minoritaires mais virulents,
avaient tout fait pour nous pousser à nous allier avec l’USFP-PPS et
consorts. J’étais scandalisé. On était infiltré. Au levé de soleil, la
décision de s’allier avec les camarades de Ben Ameur fut prise à une
écrasante majorité. Ouf ! J’avais vraiment chaud.
Au jour « j »,
tout le monde était au centre « La Belle Vue ». Vers 22h, et
certainement après le comptage des congressistes selon la « couleur »
par des services occultes, le directeur du centre nous fit part de la
décision du ministère de l’intérieur d’interdire le congrès. Le centre
fut entouré des forces de répression. Les congressistes furent chassés
du centre où devrait se dérouler normalement le congrès.
Incapable de la domestiquer, l’Etat avait choisi d’empêcher l’AMDH de
«fonctionner » et ce, pendant quelques années. Une interdiction de
fait.
Il fallait attendre le retour de Ben Ameur, de Ben Abdeslam,
l’arrivée d’Amine, de Khadija Ryadi et de centaines d’autres
militant-es pour que l’AMDH relève de nouveau la tête, et s’anime de
plus de vitalité.
QUE REPROCHE-T-ON A L’AMDH ?
A la veille de
2015, l’Etat cherche à «assassiner » lâchement l’AMDH. L’assassinat de
tout ce qui est vivant/opposant fait partie des pratiques du régime
marocain et ce, depuis des siècles.
L’Etat marocain reproche à
l’AMDH de ne pas cautionner les positions officielles. L’Etat (de non
droit) exige de l’AMDH de se renier. Le makhzen veut que l’AMDH troque
son essence, sa raison d’être contre le « gilet anti-balles » du régime,
contre les largesses des potentats.
L’AMDH dérange plus d’un.
L’AMDH dérange par son rayonnement national et international, par la
fiabilité de ses données, par l’honnêteté et le dévouement des ses
milliers de millitant-es, par sa solidarité avec les victimes des
violations, par sa dénonciation des abus. Si la «nouvelle ère » est
toujours vierge comme le prétendent les « marieuses » telles celles du
CNDH et autres courtisans de la Cour. A quoi sert de nier, épée à la
main, l’évidence quand la preuve, pardon les preuves, du contraire sont
là. La dizaine des martyrs du Mouvement du 20 février est là pour
témoigner. Des martyrs de l’UNEM, des frachas…sont là aussi pour
témoigner. Des centaines de prisonniers politiques, des prisonniers des
mouvements sociaux végètent dans les geôles du régime. Ces victimes de
l’arbitraire sont là pour témoigner des crimes et violations commis
depuis 1999.
C’est difficile de tromper les prétendants et autres observateurs.
Je tiens à dédier cet écrit à la prisonnière de l’AMDH, Wafae
Charaf, condamnée arbitrairement à deux ans de prison ferme pour avoir
exprimé sa solidarité avec des ouvrières, ouvrières victimes d’abus, à
tous les prisonniers de l’UNEM, des mouvements sociaux, du mouvement de
20 février, aux prisonniers « islamistes » qui n’ont pas commis de
crimes contre des innocents. Ces derniers sont des centaines à être
victimes de procès iniques comme l’ont souligné (à juste titre) des
organisations nationales et internationales de la défense des droits
humains.
NB : Je ne me suis
jamais présenté aux élections pour faire partie d’un bureau de section,
ni participé à un congrès de l’AMDH, à l’exception de la participation
au congrès interdit en 1983. En 1983, c’était une question de «vie ou de
mort».
Aujourd’hui, je suis heureux de voir que «l’armée» de
l’AMDH est constituée essentiellement de milliers de femmes et de
jeunes.
C’est la force de cette adorable ONG. C’est la fierté des
démocrates marocain-es.
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