Par Narjis Rerhaye, 8/10/2014
« Le gouvernement doit avoir le courage politique de supprimer la peine de mort »
Le combat pour l’abolition de
la peine de mort pèse de plus en plus lourd au Maroc. Après la
coalition marocaine contre la peine de mort, le Réseau des
Parlementaires contre la peine de mort au Maroc, celui
des avocats contre la peine de mort est venu s’adjoindre à la liste des
abolitionnistes. Aux 220 députés et conseillers se sont ajoutés les
hommes et les femmes à la robe noire dont le réseau compte déjà des
sections à travers six barreaux du Maroc.
Les trois partenaires,
résolument impliqués dans le droit à la vie, font désormais front commun
pour que la peine capitale soit abolie en terre marocaine. C’est
ensemble donc que la coalition marocaine contre la peine de mort, le
réseau des parlementaires contre la peine de mort et le Réseau des
avocats contre la peine de mort ont tenu, mercredi 8 octobre à Rabat,
une conférence de presse pour annoncer leur plan d’action alors
qu’approche l’échéance d’un nouveau vote sur le moratoire relatif aux
exécutions devant l’Assemblée générale des Nations Unies.
Au Maroc comme dans le reste
du monde, les activistes ont choisi de se faire rappeler au bon souvenir
des décideurs en rencontrant la presse à la veille de la journée
mondiale contre la peine de mort, célébrée tous les 10 octobre.
Cette année, la coalition
marocaine a placé sa mobilisation sous le thème de : « Protégez ceux qui
souffrent de troubles mentaux, ne les exécutez pas ». « Pour nous, il
est important d’attirer l’attention sur la gravité de la situation inhumaine, de personnes souffrant de maladies ou de troubles mentaux et qui risquent une
condamnation à mort ou une exécution », explique le bâtonnier
Abderrahim Jamaï, coordonnateur de la coalition marocaine contre la
peine de mort. Mais pas seulement. Les abolitionnistes marocains n’ont
de cesse de tirer la sonnette d’alarme devant les conditions de
détention de ceux et celles condamnés à mort au Maroc. Dans les couloirs
de la mort des prisons marocaines –essentiellement à Kénitra-, font
valoir les activistes de la coalition marocaine, « les condamnés à mort
vivent dans des conditions inquiétantes et souffrent de graves troubles
mentaux et psychiques ». D’ailleurs les trois partenaires –coalition
marocaine, réseau des parlementaires et réseau des avocats- comptent
présenter plus longuement et plus en détail la question de la santé
mentale et la peine de mort au cours d’une journée d’études qui sera
organisée ce 17 octobre.
Du lobbying au parlement et à l’ONU
En attendant, les
abolitionnistes marocains vont de nouveau interpeller le chef de
gouvernement à travers un mémorandum qu’ils vont lui adresser vendredi
10 octobre. « Il faut que cet Exécutif assume ses responsabilités et
fasse montre d’une volonté politique forte pour se mettre en conformité
avec la nouvelle dynamique enclenchée par l’article 20 de la
constitution qui proclame le droit à la vie. Il faut que Benkirane et
son gouvernement aient ce courage !» s’exclame Me Jamaï. Et de
poursuivre : « nous rappelons au chef de gouvernement qu’au Maroc la loi
pénale ne procède pas de la charia’a mais du droit positif. Des pays musulmans
comme la Turquie qui elle est dirigée par les islamistes du PJD ou
encore la Somalie ont bel et bien aboli la peine de mort. Aujourd’hui,
environ 160 Etats sur les 193 États membres de l’ONU, ont soit aboli
soit décrété un moratoire sur la peine de mort, en adoptant une législation
dans ce sens ou en instaurant un moratoire de fait », rappelle le
coordonnateur de la coalition marocaine contre la peine de mort.
Les abolitionnistes marocains
ne vont pas s’arrêter au mémorandum adressé au chef de gouvernement.
Des actions de lobbying vont être menées par la Coalition, le réseau des
parlementaires ainsi que celui des avocats contre la peine de mort.
Dans la perspective de la présentation devant le parlement du projet de
code pénal, les activistes ont bien l’intention de se mobiliser et
faire du lobbying auprès des groupes parlementaires. « Il y a quelques
semaines, ne l’oublions pas, le
code de justice militaire a été adopté de manière consensuelle par le
parlement alors qu’il maintient la peine de mort dans six cas », précise
ce fervent défenseur de la suppression de la peine capitale.
Et en décembre prochain, ceux
et celles de la coalition marocaine ainsi que des deux réseaux contre
la peine de mort vont faire le voyage à New York pour faire du lobbying
–encore et toujours- au moment du vote concernant les résolutions
relatives au moratoire sur les exécutions qu’abritera l’assemblée
générale des Nations-Unies. « Le Maroc s’est abstenu de voter lors de sa 62ème, 63ème ,65ème et
67ème session de l’AG de l’ONU. Nous avons toutes les raisons de nous
en inquiéter. Le Maroc n’a pas appliqué la peine de mort depuis plus de
21 ans, ce qui montre qu’il est capable de l’abolir, s’il y a une
volonté politique. Son soutien à la résolution onusienne sera considérée
comme une déclaration officielle et universelle de ne pas rompre le
moratoire en vigueur depuis 1993 », conclut A. Jamaï.
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