ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la
torture)
Communiqué de presse
Lundi 20 octobre, la cour d’appel de Tanger a condamné à
deux ans de prison ferme Wafaa Charaf, une militante du mouvement du 20 février
[1] et de l’AMDH [2] accusée d’allégation mensongère de torture. Selon l’ACAT,
les autorités marocaines, qui affirment qu’elles luttent activement contre la
torture, tentent dans les faits d’imposer la loi du silence en poursuivant les
victimes.
Selon Hélène Legeay, responsable Maghreb et Moyen-Orient à
l’ACAT, « Le Maroc fait preuve d’une hypocrisie effarante. En façade, il
communique sur l’organisation, le mois prochain, du Forum mondial des droits de
l’homme avec une place importante réservée aux problématiques de torture et de
justice. Dans l’arrière-scène, il poursuit les personnes qui disent avoir été
victimes de torture. Sous couvert de lutte contre l’impunité, Rabat entend
perpétuer l’omerta. »
Le 27 avril 2014, Wafaa Charaf a participé à Tanger à une
manifestation de soutien à des syndicalistes licenciés. En rentrant chez elle,
elle a été enlevée par deux hommes qui lui ont bandé les yeux et l’ont embarquée
de force dans une voiture et conduite en dehors de la ville. Pendant plusieurs
heures, ils l’ont frappée, insultée et menacée en évoquant ses engagements
politiques. Puis ils l’ont abandonnée sur place. Elle est allée faire constater
ses blessures par un médecin et, le 30 avril, a porté plainte contre X pour
torture et enlèvement auprès du procureur de Tanger. Cela lui a valu d’être
arrêtée le 8 juillet dernier, placée en détention provisoire et poursuivie pour
dénonciation calomnieuse et outrage à agent.
En dissuadant ainsi les victimes de porter plainte, le
Maroc se rend coupable d’une violation flagrante de l’article 13 de la
Convention contre la torture, selon lequel l’Etat doit garantir aux victimes le
droit de porter plainte [3].
L’ACAT est aussi poursuivie devant la justice marocaine
pour dénonciation calomnieuse alors que les plaintes pour torture qu’elle a
déposées aux côtés de plusieurs victimes sont sérieuses et
circonstanciées.
Le 4 mars 2014, le Maroc s’est joint au Chili, au
Danemark, au Ghana et à l’Indonésie pour lancer l’initiative mondiale pour la
ratification de la Convention contre la torture. Cette initiative, saluée par
l’ACAT, doit se traduire par des actes. Au même moment, le royaume chérifien
multipliait les mesures de rétorsion à la suite de la convocation par la justice
française du patron de la DST marocaine concernant des plaintes pour torture
déposées par l’ACAT et plusieurs victimes.
Selon Hélène Legeay, « Avant d’appeler les autres pays
à ratifier la Convention contre la torture, le Maroc devrait balayer devant sa
porte, en s’assurant que ce texte, ratifiée par le pays en 1993, soit
appliquée. »
Le 23 juillet, Oussama Hassan, autre militant de l’AMDH et
du mouvement du 20 février, a été condamné à trois ans d’emprisonnement et
10 000 dirhams d’amende lui aussi pour dénonciation calomnieuse pour avoir
dénoncé les tortures qui lui ont été infligées par des inconnus à l’issue d’une
manifestation à laquelle il venait de participer, le 2 mai
dernier.
Contact presse :
Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
Notes aux rédactions :
• [1] Dans le sillage des mouvements sociaux nés du Printemps
arabe, des protestataires marocains venant de différentes tendances
idéologiques, mais partageant les revendications pour plus de démocratie et la
fin de la corruption se sont fédérés au sein du « Mouvement du 20
février » et ont organisé à partir de cette date une série de manifestations
pacifiques dans plusieurs villes du pays.
• [2] Association marocaine des droits humains
• [3] Selon l’article 13 de la Convention contre la torture,
« Tout Etat partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la
torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte
devant les autorités compétentes dudit Etat qui procéderont immédiatement et
impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la
protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute
intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition
faite. »
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