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mardi 21 octobre 2014

Mr Crazy, encore un rappeur marocain en prison pour une chanson!

Au Maroc, le rap engagé peut mener en prison. Mouad Belghouate (Lhaqed) n’est pas le seul artiste à l’avoir appris à ses dépens. Un rappeur d’âge mineur de Casablanca vient d’en faire l’amère expérience. Dans l’étonnement de plusieurs. Lui le premier. Cette affaire éclate alors que le pays s'apprête à organiser le mois prochain le Forum mondial des droits de l’Homme.

Le rap n’a pas bonne presse au Maroc. Cette composante du mouvement culturel hip-hop dérange les milieux conservateurs. La police marocaine ne semble pas non plus l’apprécier surtout quand il livre un message critique. Plusieurs artistes critiques de la société ou du régime politique en place se sont retrouvés derrière les barreaux suite à un de leurs clips YouTube. Le dernier des leurs à en faire les frais est un dénommé Mr Crazy.
Trois mois de prison ferme pour deux clips

Othmane Atik est un lycéen (cégépien) marocain. Il est âgé de 16 ans. Il est connu dans les milieux du hip-hop local sous son nom de scène Mr Crazy.
Il a été arrêté le 8 août dernier et placé en état de détention provisoire. Son délit?
Les autorités l’ont accusé de quatre délits: "détournement des paroles de l'hymne national", "insulte à corps constitué", "propos immoraux" et "incitation à la consommation de drogue" (AFP, 12 octobre 2014). Le caractère gravissime des accusations et l’âge mineur de l’accusé ont enflammé les réseaux sociaux marocains. Une page Facebook de soutien a été créée à cette occasion pour sensibiliser l’opinion publique et défendre sa cause. Elle s'est attirée les faveurs de 32 306 ''like''. Plusieurs Marocains l’ont découvert à cette occasion et partagé ses clips en signe de désapprobation de son arrestation.

En fait, l’adolescent avait diffusé sur YouTube des clips critiques de la situation politique et sociale de son pays. Il raconte à cet effet, dans "Hiyati naqsa" (visionné 32.294 fois), le quotidien difficile et le mal-être des habitants de quartiers défavorisés de la métropole du Maroc et plus généralement les inégalités, la marginalisation, l’absence de liberté et la torture routinière pratiquée en centres de détention pour délit d'opinion.
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Dans le clip "3aqliya mhabsa" (visionné 1.085.744 fois au moment où nous mettions en ligne), Mr Cazy raconte, à travers l’histoire de vie d’un adolescent de Casablanca, les violences urbaines, le mal-être et les espoirs déçus des couches sociales défavorisées. On y voit des acteurs d’un jour, des désœuvrés, consommer de la drogue, boire de l’alcool, simuler des scènes d’agression en plein jour et montrer également le butin de leurs "exploits".
La critique de Mr Cazy de la situation politique et sociale de son pays n’a donc pas plu aux autorités.
Le vendredi 17 octobre, soit neuf semaines après son arrestation, le tribunal de première instance d’Aïn Sebaa à Casablanca a condamné le lycéen (cégépien) à 3 mois de prison ferme. Ayant déjà passé la majeure partie de sa peine en préventive, il devra être en principe libéré le mois prochain.

Le lycéen Othmane Atik a donc été condamné, non pas pour un crime quelconque, mais tout simplement par ce qu’il a dépeint l’état précaire des jeunes des catégories sociales marginalisées de la métropole telle qu’il le perçoit. Sans oublier sa critique au passage de l’état des libertés dans son pays.
Au lieu de condamner Mr Crazy, les autorités auraient dû ne pas oublier que le fait de dépeindre la vie difficile d’une partie de la jeunesse urbaine ne revient pas à l'inciter à commettre des délits. Elles auraient dû également y voir un cri de détresse d’un adolescent enragé par l'état criant des inégalités sociales et les espoirs déçus de sa génération. Au lieu de chercher à l'empêcher de s'exprimer librement, elles auraient mieux fait de le laisser servir d'exutoire des frustrations des gens de sa génération. N'oublions pas que faute d'exutoire, l'éventualité d'explosion ''sauvage'' des frustrations augmente sensiblement.
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Cette affaire s’ajoute à d’autres. Elle montre l’état réel de la liberté d’expression au Maroc. Elle sape au passage cette campagne de relations publiques menée tambour battant en Occident pour "vendre" l’image d’un régime qui se démocratise. Elle montre en fait l’allergie du pouvoir à toute critique de l'état réel des libertés et des inégalités sociales dans ce pays, surtout quand cette critique est formulée dans le parler marocain, la "darija".
20 octobre 2014


* Mr Crazy, source de la photo: la page Facebook créée pour sensibiliser l'opinion à sa cause.

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