Abdeslam Loumadi (Photo HRW) |
Un tribunal ferme les yeux sur des allégations de torture.
Le Maroc devrait agir pour les activistes politiques emprisonnés à la
suite de procès inéquitables, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch
dans une lettre adressée au chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane.
Le gouvernement devrait s’attaquer au problème de l’inéquité des procès
de civils menés par des tribunaux militaires ou civils, tout en
continuant de s’engager dans des réformes visant à mettre un terme à la
compétence des tribunaux militaires à l’égard de civils.
Human Rights Watch a notamment cité le cas d’Abdeslam Loumadi, un
Sahraoui de Laâyoune, qui a été jugé par un tribunal civil. Le tribunal
n’a pas enquêté sur les allégations de Loumadi, selon lesquelles il
aurait été torturé par des policiers pendant son interrogatoire. Le
tribunal l’a ensuite condamné sur la base d’une déposition à la police
qu’il avait dénoncée comme fausse, et qu’il affirmait ne pas avoir
signée. Cette affaire est typique d’un système qui voit les tribunaux
condamner des accusés en s’appuyant sur des preuves qui pourraient avoir
été obtenues sous la torture ou les mauvais traitements.
« Il est réjouissant de constater le Maroc semble prêt à mettre
fin à la compétence des tribunaux militaires à l’égard des personnes
civiles », a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Mais
qu’ils soient militaires ou civils, les tribunaux ne peuvent pas rendre
justice s’ils ferment les yeux sur les allégations indiquant que les
aveux de certains accusés ont été extorqués sous la torture. »
Un deuxième exemple est celui de 21 autres Sahraouis – parmi lesquels
des défenseurs des droits humains – qui purgent actuellement de longues
peines de prison pour leur rôle présumé dans le meurtre de membres des
forces de sécurité, alors que celles-ci démantelaient un camp de
protestataires érigé à Gdeim Izik, au sein du territoire contesté du
Sahara occidental. Un tribunal militaire les a condamnés en 2013 sur la
base d’ « aveux » préliminaires à la police, pourtant
contestés, et alors qu’aucune enquête sérieuse n’avait été menée sur
leurs allégations d’actes de torture.
Le 23 juillet 2014, la Chambre des représentants (chambre basse) du
Parlement marocain a adopté à l’unanimité une série de réformes du code
de la justice militaire. Ces réformes doivent encore être approuvées par
la Chambre des conseillers (chambre haute), pour avoir force de droit.
Parmi les dispositions du Code de procédure pénale qui nuisent aux
droits des accusés dans les tribunaux civils figure l’article 290, qui
autorise les tribunaux, dans les affaires concernant des infractions
punies par des peines inférieures à cinq ans de prison, à présumer
fiables les dépositions préparées par la police judiciaire, à moins que
l’accusé ne puisse prouver le contraire.
En juillet, la Cour d’appel de Laâyoune a confirmé la condamnation
d’Abdeslam Loumadi, qui avait participé régulièrement à des tentatives
de manifestations pour l’auto-détermination du Sahara occidental, en
dépit de l’interdiction de tels rassemblements publics. Les charges
retenues contre Loumadi incluent entre autres la participation à un « rassemblement armé », et l’agression d’agents de police.
Human Rights Watch a pressé les autorités marocaines d’annuler les
verdicts dans ces deux affaires, ou d’autoriser l’ouverture de nouveaux
procès au civil. Dans le cadre de ces nouveaux procès, aucune déposition
contestée faite à la police ne devrait pouvoir être admise comme
preuve, tant que le tribunal n’aura pas enquêté de façon approfondie sur
toute allégation d’actes de torture ou de falsification formulée par
les accusés.
HRWURL courte: http://www.demainonline.com/?p=34374
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