50 000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale européenne ce vendredi pour dire « stop » au dumping social et à l’austérité. Un cortège coloré et très diversifié. Avec comme point commun le désir d’une vraie Europe sociale pour les travailleurs.
Des travailleurs sont venus des quatre coins de l’Union. Des
drapeaux slovaques, autrichiens, allemands, hollandais, français,
polonais, etc. ont flotté sur Bruxelles, capitale de cette Europe
néolibérale que les manifestants entendaient bien contester. Côté belge,
les dockers anversois et gantois, les ouvriers de Saint-Gobain, de
Heinze et d’autres délégations importantes, comme Caterpillar, ont fait
du bruit.
« Jusqu’à 50 % des jeunes sont sans emplois dans les pays les plus
durement touchés par l’austérité. Et 121 millions d’Européens sont sous
le seuil de pauvreté. Voilà tout ce qu’ont rapporté 6 ans d’austérité !
Mais les dettes publiques n’ont pas bougé. L’austérité ne marche pas.
Elle casse les jeunes et ne fait que des dégâts. Elle creuse aussi les
inégalités », dénonçait la FGTB dans son communiqué de presse. Les
militants des trois syndicats belges ont répondu massivement à l’appel
de la CES (Confédération européenne des syndicats). Comme David, de la
CGSP : « On n’est pas d’accord avec le dumping social, ni avec
l’austérité, ni avec l’expulsion de 55 000 jeunes des allocations de
chômage. Pour moi, c’est un tout. C’est une catastrophe sociale, en
Belgique et partout en Europe. Pas seulement en Grèce ou en Espagne,
mais dans tous les autres pays aussi. »
Parmi les thèmes abordés par les manifestants, l’Europe revenait
souvent, bien sûr, mais la politique locale était aussi dans le viseur.
Monique (CSC Services publiques) : « Je suis là pour soutenir les
travailleurs qui ne trouvent plus de travail et surtout contre le fait
de payer moins les travailleurs étrangers. Ces gens sont sous-payés
alors qu’ils font souvent des métiers pénibles. C’est dans la logique du
diviser pour mieux régner des dirigeants politiques et du patronat.
Même moi, qui travaille dans une administration, je vois qu’on oppose
les employés nommés aux non-nommés. Ailleurs, c’est les travailleurs
belges contre les étrangers, les hommes contre les femmes… Marre ! »
« Je suis là pour défendre l’emploi. Il faut une harmonisation vers le
haut à l’échelle de l’Union pour éviter le dumping social. Et je suis en
colère sur le gouvernement belge qui défend les patrons et laisse
tomber les ouvriers. Comme beaucoup d’autres gouvernements européens »,
réagit André, de la Centrale générale (FGTB).
Le docker (CSC) Yvan Heyligen était aussi en colère : « Les hommes
politiques doivent le savoir : s’ils continuent à libéraliser le port,
dans ce cas, les dockers franchiront un pas de plus. C’est pourquoi,
messieurs les politiciens, pensez un peu à ce qui s’est passé à
Strasbourg, pensez aux dockers. Si vous vous asseyez sur nos salaires,
nous ne serons pas d’accord ! Fernand Huts a déjà commencé, en
remplaçant les dockers logistiques, qui gagnent déjà 30 % de moins que
les dockers du contingent général, par des intérimaires encore meilleur
marché. Maintenant, la Commission européenne veut poursuivre sur cette
voie, mais nous ne l’accepterons pas ! »
« L’Europe détricote ce que nos grand-parents ont construit »
Pascale, CSC Namur-Dinant : « Je suis mère célibataire de deux jeunes
filles. Une fait des études supérieures, l’autre débutera l’année
prochaine. Je n’arrive plus à suivre. On nous prend pour des cons ! Les
dirigeants politiques européens détricotent ce que nos grands-parents
ont construit. Il faudrait vraiment que les ministres passent un mois
avec nous sur le terrain. Et toutes les mesures d’austérité visent les
plus précaires, donc les femmes, en premier. Le 25 mai, il faut voter
pour d’autres personnes car elles sont au pouvoir depuis trop longtemps.
Elles sont totalement déconnectées de la réalité. De notre réalité. »
Un thème mis en avant était l’avenir des jeunes. Katrien Mus (CSC
Anvers) : « L’Europe a aujourd’hui un énorme chômage des jeunes et, pour
les gens qui ont encore du travail, les conditions ont fortement
régressé. Surtout pour les femmes. L’Europe crée une élite riche et
beaucoup de pauvreté. Ca doit changer. C’est pourquoi nous essayons
d’impliquer les jeunes et de les informer. Nous informons les jeunes
aussi sur la vision des différents partis à propos de l’Europe, de sorte
que, le 25 mai, ils sachent pour quoi ils voteront. »
Le président de la CSC, Marc Leemans, a mis en avant l’importance du
25 mai : « Cette manifestation est un signal aux hommes politiques
qu’ils doivent faire suivre un autre cap à l’Europe, qu’ils doivent
opter pour une Europe sociale. Et elle est également un message aux
travailleurs : le choix qu’ils feront le 25 mai aura des conséquences
qui iront très loin. Ce n’est pas un conseil de vote, mais une direction
de vote. Nous le disons clairement aux gens : pensez aux conséquences.
Si vous ne voulez pas d’un pays en friche et si vous voulez encore
donner toutes les chances à vos enfants et petits-enfants, alors, on ne
peut démanteler à aucun prix la sécurité sociale et la protection
sociale. Alors, nous devons nous engager dans des investissements afin
que ce soit possible. Nous le disons très clairement : votez social. »
« Pour un plan d’investissement européen »
Rudy De Leeuw, son homologue de la FGTB se montrait satisfait de la
mobilisation. « Les responsables des syndicats de la CES réclament à
nouveau ensemble une Europe plus humaine et sociale. Concrètement, ils
réclament un ambitieux plan d’investissement pour créer 11 millions
d’emplois en Europe. C’est dans ce cadre que se situe aussi l’action de
nos jeunes. Ils s’opposent à la discrimination et à l’exclusion et
réclament un avenir pour eux. Il y a aujourd’hui des pays avec 50 % de
chômage parmi les jeunes et ça ne peut plus continuer. »
Un podium qui se trouvait au bord du cortège a particulièrement
retenu l’attention. Sur scène, Peter Mertens et Raoul Hedebouw,
président et porte-parole du PTB, venus soutenir les manifestants ont
reçu un accueil chaleureux. Benjamin Pestieau, président du PTB
Bruxelles : « On dit que les travailleurs de veulent plus se mobiliser.
Une nouvelle fois, ils ont prouvé l’inverse. Selon l’Eurobaromètre
publié début avril, la moitié des Européens voit comme principal défi de
notre continent le développement de l’égalité sociale et de la
solidarité. On en a vu un échantillon aujourd’hui. Comme parti de
gauche, être là dans la rue aujourd’hui, comme hier et demain, comme
dans les usines ou aux piquets de grève est important. »
Une campagne de SETCa s’intitule « C’est todi li p’ti qu’on spotch »
(c’est toujours les plus petits qu’on écrase, en wallon). Mais quand
les « petits » s’unissent, comme aujourd’hui, il est beaucoup plus
difficile de les « spotcher »…
(Propos recueillis par Jonathan Lefèvre et Gaston Van Dyck)
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