La culture est le prolongement de la politique par d’autres moyens.
Les militants du 20-Février l’ont
compris quand leur mouvement a commencé à s’effriter et qu’ils se sont
mis à se recycler dans les associations culturelles. Jusque-là, les
autorités ne réagissaient que de manière occasionnelle pour contrer
certaines de leurs activités. Mais récemment, une tendance de fond se
dessine : on cherche à bâillonner les artistes qui se déclarent proches
du mouvement.
En l’espace de deux semaines, trois cas de censure de manifestations
culturelles sont à déplorer. D’abord l’interdiction, le 13 février, de
la conférence de presse du rappeur et militant Mouad L7a9ed. Un
dispositif sécuritaire impressionnant avait été déployé pour dissuader
les propriétaires d’une librairie casablancaise d’abriter cet événement
« non autorisé ». Une semaine plus tard, les organisateurs du festival
Résistance & Alternatives se sont vu refuser l’accès aux anciens
abattoirs de Casablanca. Les portes de ce qui est censé être une
fabrique culturelle sont restées fermées au nez des acteurs qui font
vivre cet espace, sous prétexte qu’une autorisation de la ville était
nécessaire. Troisième cas et non des moindres, le festival Étonnants
voyageurs vient de déprogrammer la projection du film My Makhzen and me ainsi
qu’une table ronde avec le collectif Guerilla Cinéma. Cette fois-ci, le
coup de pression serait venu des gestionnaires du centre culturel
Renaissance à Rabat, appartenant à la famille royale, sous prétexte que
les débats politiques sont bannis des lieux.
Le chanteur Lhaqed (L7a9ed) |
Mais il ne faut pas compter sur les faucons du régime pour avoir
cette vision des choses. Leur démarche sonne comme une vendetta contre
le Mouvement du 20 février. On veut lui asséner le coup de grâce en
exterminant jusqu’à sa dernière branche. C’est son aile culturelle qui a
su le mieux s’organiser et s’est montrée des plus efficaces et des plus
prolifiques. Ce processus de « containment » a, malgré tout, ses
limites. Au lendemain de l’interdiction de sa conférence de presse,
L7a9ed a pu monter sur scène dans un club de Casablanca. Les activistes
du festival Résistance & Alternatives ont pu délocaliser une partie
de leur activité ailleurs. Enfin, les œuvres de Guérilla Cinéma sont
disponibles en un double clic sur le Web. Si le régime croit pouvoir
siffler la fin de la récréation à coups de censure pour makhzéniser la
culture à sa guise, il se trompe de combat. Pire, il ne fait que
redonner du souffle à un mouvement en voulant l’étouffer.
Fahd Iraqi Telquel
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