Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moonavec son envoyé special Christopher Ross
Alifpost-Pedro Canales -
20 يناير، 2014
Le diplomate américain
Christopher Ross, Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki
Moon, dans le conflit au Sahara occidental, veut réussir là où son
compatriote James Baker a échoué. Ross cherche une formule pour faire
avancer les négociations et sortir de l’impasse un conflit de faible
intensité et secondaire pour la communauté internationale, mais qui
constitue néanmoins un facteur potentiel de déstabilisation et une
menace pour la sécurité dans la région de la Méditerranée occidentale.
Ross veut à tout prix réunir
directe et officiellement, autour de la table de négociations, les deux
protagonistes du conflit, à savoir le gouvernement marocain et le Front
Polisario. Ce ne serait pas la première fois que les deux parties se
rencontrent, car ils l’ont fait régulièrement depuis le milieu des
années 1990, mais cette fois-ci le diplomate tient à conférer à la
rencontre un caractère officiel.
En fait, Christopher Ross a
plusieurs objectifs. Amener d’abord le Front Polisario à sortir de
l’ambiguïté qu’il utilise vis-à-vis de l’opinion publique internationale
en parlant de la « République arabe sahraouie démocratique RASD». Ross
voudrait que le Polisario apparaisse sous son vrai visage politique,
celui d’un mouvement indépendantiste qui représente une frange
importante de la population sahraouie et qui conteste au Maroc la
souveraineté sur le Sahara occidental.
En deuxième lieu, Ross vise
également à ce que le gouvernement marocain donne une légalité à sa
rencontre avec l’autre partie au conflit, le Front Polisario. Pour
cela, il doit cesser de traiter ce dernier de qualificatifs
diffamatoires tels que «mercenaire», «groupuscule manipulé par Alger»,
«gang séparatiste» et autres termes insultants. Après tout, le Maroc et
le Polisario sont considérés par les Nations Unies depuis le cessez-le
feu proclamé dans la région en 1991, comme les deux parties en conflit.
La non-participation de l’Algérie
et de la Mauritanie dans ces futures négociations directes parrainés
par Ross, a ses avantages et ses inconvénients pour chacune de deux
parties. Ainsi, la délégation marocaine peut traiter directement avec le
Polisario, sans la crainte que les autorités d’Alger exercent une
quelconque influence ou dictent dans les couloirs à leur «protégé» la
conduite à tenir. Rabat de ce fait montrerait publiquement qu’elle
accepte de négocier avec les représentants d’une partie importante de la
population sahraouie qui conteste la souveraineté marocaine et veut
l’autodétermination. Juridiquement, cela revient à admettre l’existence
politique d’un mouvement qui aspire à l’indépendance, et qui a son
prolongement naturel dans le territoire du Sahara occidental.
La formule des négociations
directes, en l’absence de l’Algérie et de la Mauritanie, comporte aussi
des avantages pour le Front Polisario, en particulier celui de la
recherche d’une solution au conflit, à moyen et à long terme, qui soit
fondée uniquement sur les intérêts de la population sahraouie, qu’elle
soit résidente au Sahara ou dans les camps de Tindouf. Aux yeux du
monde, les leaders du Polisario ne seront plus perçus comme de simples
guérilleros mais en tant qu’«hommes d’État ».
Si le Maroc accepte le principe
des négociations directes officielles, il admettra en même temps la
légitimité de l’autre partie, le Front Polisario, qui à son tour doit
se débarrasser de son bouclier protecteur, la RASD. Certains pays comme
le Panama, le Paraguay et l’Ile Maurice ont retiré dernièrement leur
reconnaissance diplomatique à la RASD, ce qui ne constitue en réalité ni
un triomphe pour Rabat ni une défaite pour le Polisario. Il s’agit
plutôt d’une mise en conformité avec la réalité telle qu’elle est
reconnue par l’ONU. D’ailleurs, aucun de ces pays, ni ceux qui les ont
précédés dans cette démarche, n’a retiré sa reconnaissance du Front
Polisario, mais seulement de la RASD, qui est plutôt une fiction
proclamée dans les camps de Tindouf, et qui a échoué à être acceptée par
les organisations internationales, à l’exception de l’Union Africaine.
De même, elle n’a pas pu arracher une reconnaissance d’aucun membre
permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, ni de l’OCDE.
Le Front Polisario gagnerait en
confiance et crédibilité auprès d’une population soumise à un exil
lacérant, s’il acceptait les conséquences qui découlent de cette
situation, et se débarrassait d’une «bureaucratie administrative», qui
jouit de privilèges dont ne peut rêver le citoyen sahraoui ordinaire.
Ce sera aussi l’occasion pour le Front d’ouvrir les vannes de la
démocratisation et du rajeunissement de ses structures.
De son côté, le Maroc doit
également faire son aggiornamento et accepter que le fait de gérer le
territoire n’est pas suffisant pour gagner le cœur de ses habitants.
Aucune formule de solution adoptée par les parties, maintenant ou dans
l’avenir, ne sera viable que si elle emporte l’adhésion massive des
populations concernées.
Les autres parties concernées
directement ou indirectement, comme les États-Unis, l’Espagne, la
France, l’Union Européenne, l’Algérie et la Mauritanie, peuvent soutenir
ou non les accords qui seraient conclus entre Rabat et le Front
Polisario, mais ces accords ne seront possibles toutefois que si la
population elle-même les adopte.
En un mot, le conflit du Sahara a
surtout besoin d’une bonne dose de confiance et d’enthousiasme.
Malheureusement, les doses actuelles de ces ingrédients sont bien
maigres.
Pedro Canales est un
journaliste espagnol qui a travaillé longtemps comme correspondant en
Algérie puis au Maroc de grands médias espagnols, dont El Pais et La
Razon.
Traduction en Français : Ahmed Benseddik
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