2122 Jours de détention
Lettre postée le 19/1/2014
« Les autorités utilisent-t-ils mon
action humanitaire à des fins politiques et personnelles ? » se demande
Ali Aarrass dans une lettre du 11 janvier 2014 sur la distribution
des vêtements aux prisonniers à Salé II .
"Après ma première lettre (voir http://www.freeali.eu/?p=5106 ) où j’avais décrit la manière cruelle avec laquelle on m’a empêché
(durant 3 mois) de faire aboutir un projet humanitaire visant à
améliorer les conditions de vie des prisonniers et les sortir de leur
isolement... je vous écris cette deuxième lettre pour vous mettre au
courant des derniers rebondissements au cours des trois derniers jours
et ainsi vous transmettre une image complète du déséquilibre flagrant de
la politique de réinsertion et de réhabilitation dans les prisons en
général et celle de Salé II en particulier.
Après avoir interdit l’accès aux
différents sacs (de vêtements, chaussures et le nécessaire de toilette )
aux prisonniers pendant trois mois, la prison leur a enfin ouvert ses
portes, mais dans des circonstances mystérieuses puisque la direction a
bien permis à l’Observatoire Marocain des Prisons (OMP) d’assister à l’entrée des sacs mais pas à la distribution de leur contenu aux prisonniers.
Ce
qui fait planer une ombre sur cette distribution qui s’est faite donc
sans aucune garantie ni aucun contrôle à part une promesse de la
direction de transmettre un procès verbal détaillé.
Selon une source fiable, la
distribution a exclu d’office les prisonniers de nationalité marocaine
alors qu’ils font partie de la tranche la plus pauvre. On a donc
privilégié les autres nationalités alors que la plupart d’entre eux n’en
ont pas besoin. (Des africains emprisonnés dans le cadre d’affaires de
drogues dures et des européens condamnés dans des affaires de drogues et
autres)
Je
tiens à préciser que les lignes précédentes n’ont aucune connotation
xénophobe mais la distribution devrait avoir lieu sur base de critères
objectifs et non politiques.
Ce qui est encore plus étrange est que la
direction a filmé la distribution, ce qui pose de multiples questions
sur le but de cet enregistrement puisque cela ne fait pas partie des
procédures légales, surtout en plein débat national sur l’immigration
des sub-sahariens.
Il est aussi à noter qu’on ne m’a pas
informé de l’entrée des sacs et de leur distribution (alors que je suis à
l’origine de cette action) mais l’information m’est parvenue de
personnes extérieures.
Cette distribution injuste a provoqué
l’indignation chez les prisonniers pauvres qui continuent à jouer au
football pieds nus ou avec des sandales déchirées. En plus de la
pauvreté et de l’éloignement de leur famille, ils viennent de subir une
injustice supplémentaire en voyant cette aide tant attendue leur passer
sous le nez sans qu’ils puissent rien y faire.
D’une
autre part, certains ensembles et quelques belles paires de chaussures
n’ont pas été distribués mais dérobés par les fonctionnaires qui ont
procédé à la distribution (selon une source proche de la direction).
Et dans une mesure de transparence, cette
même source explique que le directeur de prison et le (président de
détention) n’étaient pas présents lors de cette distribution.
Un des prisonniers qui ont bénéficié de cette action, nous a cité les noms des fonctionnaires qui ont géré cette distribution :
- Fouad Zamrani
- Abdellah Hibbi
- Hamid El Allali, l’infirmier dans l’enceinte de prison ;
- Bouazza El Onki, adjoint du directeur.
J’avais d’ailleurs déposé plainte contre les deux derniers auprès de Monsieur Juan Mendes rapporteur spécial de l’ONU.
Il reste plusieurs zones d’ombre autour
de cette affaire, notamment pourquoi avoir exclu les détenus pauvres
(tous marocains) de bénéficier de telles initiatives caritatives? Et
jusqu’à quand allons nous donner l’image d’une diplomatie propre sur le
dos de l’être humain ?
Le
meilleur moyen d’illustrer la crise de réhabilitation et l’injustice
sociale répandue dans le milieu carcéral est bien l’augmentation des
comportements irresponsables qui détruisent automatiquement toute
ambition visant à aider ces détenus au lieu de marcher d’un pas certain
vers le changement.
En attendant le changement de ce genre
de comportements contraires à la logique sociale, la question de la
réinsertion reste d’actualité face à une réalité régie par les intérêts
personnels."
Fait le 11/01/2014
Prison Salé II
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