Par Abdellah Tourabi, Goud, 10/9/2012
La photo est choquante et insupportable. Elle heurte, bouleverse
et révolte. Mais, passés l'effroi, l'embarras et le choc, essayez de
bien regarder cette photo, fixez-la et ne la quittez pas des yeux : vous
verrez dans le corps de ce nourrisson plus qu'un fait divers, un crime
et une image abominable et répugnante, vous y apercevrez surtout la
lâcheté d'un pays, l'hypocrisie d'une société entière et une misère
sociale sombre et violente. Le corps de cet enfant est un parchemin sur
lequel on peut déchiffrer notre duplicité, notre intolérance et nos
sentences morales, rigides et intransigeantes, qui poussent au désespoir
et à la plus horrible violence qu’une mère, un être humain, peut
s’affliger : se débarrasser de la chair de sa chair et la jeter à la
poubelle.
De combien de photos comme celle-ci avons-nous besoin pour comprendre et admettre que nous vivons au Maroc dans la tartufferie la plus grotesque et la plus absurde? Combien faut-il de drames et d'horreurs pour accepter la réalité et oser la regarder en face?
Quand est-ce qu'on va se rendre compte qu'une loi qui réglemente l'avortement est une nécessité humaine et sociale pour sortir, enfin, du mensonge et du déni de réalité?
Tout le monde sait que l'avortement est un fait, une réalité existante au Maroc: plus de 600 opérations sont réalisées quotidiennement dans la clandestinité et l'illégalité totale, selon les chiffres fournis par des médecins et des associations. Des milliers de femmes mettent leurs vies et santés en danger, en préférant avorter dans des conditions périlleuses et insalubres, pour ne pas avoir à subir la honte et l'opprobre de donner naissance à un « Hrami », un enfant né en dehors du mariage. Les discours moralisateurs, les sermons hautains et arrogants, et les prêches déconnectés de la réalité, qui s'adressent à des anges asexués sans désir et sans pulsions charnelles, participent à cet aveuglement général qui frappe notre société. Dans un pays où les Marocains et les Marocaines se marient de plus en plus tard, par choix ou par contrainte, il est absurde et saugrenu de ne pas admettre que les gens ont des rapports sexuels libres et consentis, et que les femmes ont le droit de ne pas subir une grossesse qu'elles ne souhaitent pas et qu'elle ne peuvent pas assumer. Il est irresponsable de proposer comme unique solution et remède à cette situation, des appels à la chasteté et à la vertu, et des homélies sans effets et sans impact réel.
De cette photo suinte aussi une misère noire, une détresse et un désespoir qui nous informent sur l'ampleur des inégalités sociales au Maroc. Car même sur la question de l'avortement et de la contraception, ces sont les pauvres et les démunis qui payent le prix fort de leur chair et de leur humanité. Beaucoup d'entre nous ont jugé la femme qui a jeté son nourrisson à la poubelle, en y voyant une criminelle, une mère indigne, un monstre, car, selon ces juges implacables, même les animaux ne tuent pas leurs petits et ne leur réservent pas un tel sort. Mais avait-elle d'autres choix et possibilités pour éviter cet acte violent? Les femmes aisées ou bénéficiant d'un revenu confortable peuvent éviter le cauchemar et le scandale de porter un enfant en dehors du mariage, en recourant à l'avortement chez un médecin. Mais pour cela, il faut débourser de 3000 à 5000 dirhams, et il faut surtout être suffisamment informée pour s'adresser à un praticien qui accepte de le faire.
Mais dans nos quartiers populaires, nos bidonvilles, nos douars, combien de femmes peuvent trouver cette somme? Par quel réseau ou par quel miracle dénicheront-elles l'adresse d'un médecin qui consentira à les aider et les accompagner dans cet avortement? La misère, l'ignorance et la peur du regard inquisiteur d'une société impitoyable avec les faibles poussent souvent ces femmes à attendre, déployer mille ruses pour dissimuler leurs grossesses, et quand elles accouchent, il ne leur reste que la honte ou le crime, dont elles sont les auteurs et les victimes. Même la pilule du lendemain, vendue au Maroc, après maintes tergiversations, reste inaccessible par son prix ( 94 dirhams) à beaucoup de femmes et demeure mal connue à cause d'une éducation sexuelle défectueuse et d'une culture faite d'interdits, de tabous et de silence. Si d'autres nourrissons sont jetés à la poubelle ou dans des ruelles sombres de nos villes, il ne faut pas lancer la pierre à leurs mères, car nous sommes tous coupables et complices par notre hypocrisie, notre aveuglement et notre médiocrité collective, qui privent ces femmes d'un autre choix que le crime
De combien de photos comme celle-ci avons-nous besoin pour comprendre et admettre que nous vivons au Maroc dans la tartufferie la plus grotesque et la plus absurde? Combien faut-il de drames et d'horreurs pour accepter la réalité et oser la regarder en face?
Quand est-ce qu'on va se rendre compte qu'une loi qui réglemente l'avortement est une nécessité humaine et sociale pour sortir, enfin, du mensonge et du déni de réalité?
Tout le monde sait que l'avortement est un fait, une réalité existante au Maroc: plus de 600 opérations sont réalisées quotidiennement dans la clandestinité et l'illégalité totale, selon les chiffres fournis par des médecins et des associations. Des milliers de femmes mettent leurs vies et santés en danger, en préférant avorter dans des conditions périlleuses et insalubres, pour ne pas avoir à subir la honte et l'opprobre de donner naissance à un « Hrami », un enfant né en dehors du mariage. Les discours moralisateurs, les sermons hautains et arrogants, et les prêches déconnectés de la réalité, qui s'adressent à des anges asexués sans désir et sans pulsions charnelles, participent à cet aveuglement général qui frappe notre société. Dans un pays où les Marocains et les Marocaines se marient de plus en plus tard, par choix ou par contrainte, il est absurde et saugrenu de ne pas admettre que les gens ont des rapports sexuels libres et consentis, et que les femmes ont le droit de ne pas subir une grossesse qu'elles ne souhaitent pas et qu'elle ne peuvent pas assumer. Il est irresponsable de proposer comme unique solution et remède à cette situation, des appels à la chasteté et à la vertu, et des homélies sans effets et sans impact réel.
De cette photo suinte aussi une misère noire, une détresse et un désespoir qui nous informent sur l'ampleur des inégalités sociales au Maroc. Car même sur la question de l'avortement et de la contraception, ces sont les pauvres et les démunis qui payent le prix fort de leur chair et de leur humanité. Beaucoup d'entre nous ont jugé la femme qui a jeté son nourrisson à la poubelle, en y voyant une criminelle, une mère indigne, un monstre, car, selon ces juges implacables, même les animaux ne tuent pas leurs petits et ne leur réservent pas un tel sort. Mais avait-elle d'autres choix et possibilités pour éviter cet acte violent? Les femmes aisées ou bénéficiant d'un revenu confortable peuvent éviter le cauchemar et le scandale de porter un enfant en dehors du mariage, en recourant à l'avortement chez un médecin. Mais pour cela, il faut débourser de 3000 à 5000 dirhams, et il faut surtout être suffisamment informée pour s'adresser à un praticien qui accepte de le faire.
Mais dans nos quartiers populaires, nos bidonvilles, nos douars, combien de femmes peuvent trouver cette somme? Par quel réseau ou par quel miracle dénicheront-elles l'adresse d'un médecin qui consentira à les aider et les accompagner dans cet avortement? La misère, l'ignorance et la peur du regard inquisiteur d'une société impitoyable avec les faibles poussent souvent ces femmes à attendre, déployer mille ruses pour dissimuler leurs grossesses, et quand elles accouchent, il ne leur reste que la honte ou le crime, dont elles sont les auteurs et les victimes. Même la pilule du lendemain, vendue au Maroc, après maintes tergiversations, reste inaccessible par son prix ( 94 dirhams) à beaucoup de femmes et demeure mal connue à cause d'une éducation sexuelle défectueuse et d'une culture faite d'interdits, de tabous et de silence. Si d'autres nourrissons sont jetés à la poubelle ou dans des ruelles sombres de nos villes, il ne faut pas lancer la pierre à leurs mères, car nous sommes tous coupables et complices par notre hypocrisie, notre aveuglement et notre médiocrité collective, qui privent ces femmes d'un autre choix que le crime
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