Par Salah Elayoubi, demainonline 17/9/2012
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Une autre réalité que le régime marocain aura du mal à camoufler
est, sans aucun doute, son acharnement coupable contre les militants du
mouvement du vingt février.
Le tribunal d’Ain Sebaa est devenu le symbole de cet acharnement
judiciaire, depuis les condamnations des deux plus célèbres d’entre eux,
Mouad Lhaqed et de Younes Belkhdim.
Ses murs résonnent encore des protestations des familles et des cris
des militants au prononcé des peines à l’encontre de Samir Bradley,
Tariq Rochdi, Abderrahman Assal condamnés à dix mois fermes, Youssef
Oubella, Nour Essalam Kartachi condamnés à huit fermes et Laila
Nassimi à six mois avec sursis.
Pourtant, pendant un court moment, dans cette salle d’audience d’Ain
Sebaa, les « six de Bernoussi » ont cru entrevoir un moment d’humanité
et une lueur d’espoir, lorsqu’ils ont pu psychanalyser leur douleur en
racontant leur calvaire, au cours des interrogatoires. Une abomination
où se mêlent la barbarie et le vice. Une affaire aux antipodes de toute
procédure judiciaire, avec pour seuls objectifs, imprimer la terreur
dans l’esprit des militants, venger l’humiliation qu’ils infligent au
makhzen depuis plus de dix-huit mois et leur confectionner des
procès-verbaux « téléphonés ».
Même lorsque le juge a feint d’afficher une curiosité paternaliste
pour le « modus operandi » de la manifestation, il ne s’est pas écoulé
grand temps, avant que le public ne comprenne qu’il instruisait à la
recherche du détail qui tue, comme la concordance entre l’heure de la
manifestation et celle de la prière, dont l’accusation a prétendu
qu’elle était préméditée pour inciter les fidèles à se joindre aux
militants ! Argument hilarant pour qui sait qu’avec cinq prières
quotidiennes, il est difficile de ne pas empiéter sur l’une ou l’autre
d’entre elles !
Dans ce tribunal où la justice n’a jamais eu droit de cité, » les
Six » ont eu affaire avec la dictature, dans ce qu’elle a de plus
brutal. Les thuriféraires qui galvaudent le terme démocratie seraient
bien inspirés de se convaincre que dans les pays où celle-ci a cours,
les salles d’audience sont propres et empreintes d’une solennité qui
confine au sacré, car on y juge des humains. Le respect qu’on leur doit
est à ce prix.
A Ain Sebaa, à écouter les vitupérations de cet avocat du diable,
celui de la police, on jugeait des animaux, des bêtes sauvages. Une
justice d’abattage à pas d’heure, dans le désordre, le brouhaha, la
saleté, et la présence massive des forces de l’ordre.
L’état pourtant, si prodigue envers sa police se montre bien
pusillanime à équiper ses salles d’audience piètrement conçues, d’un
matériel de sonorisation, afin de rendre audible les débats et de leur
donner la plus large publicité. Mais il est vrai que la justice
marocaine n’en a cure. Elle déteste la publicité et lui préfère le
secret des complots et les chuchotements des « Taalimates », ces
instructions venues d’en haut ! Des micros auraient diffusé les
échanges et les auraient vulgarisé jusque dans la salle des pas perdus,
démontant le mécanisme de la fraude judiciaire et de l’injustice qui ont
emporté tant de nos compatriotes et brisé à tout jamais leur destin.
Tout dans ces journées interminables, aura été déployé pour se venger
des vingtfévriétistes et rien n’aura dérangé ce juge qui se sera
contenté de juger sur la base de procès-verbaux truqués et d’aveux
extorqués dans des conditions qui relèvent du secret de Polichinelle. Ni
la violence délibérée de la police contre une manifestation pacifique,
ni la procédure policière entachée de tortures abominables, ni les
témoins de l’accusation aux abonnés absents, ni les témoignages
concordants des militants, ni le brio des plaidoiries de la défense, ni
même la honte ou la décence, n’auront réussi à renverser la marche de
l’injustice et convaincre les magistrats que le procès prenait les
allure louches de règlement de comptes.
Autant de manigances qui n’auront pas entamé d’un iota la
détermination des uns et des autres. Pour preuve, cette lettre rédigée
du fond de sa cellule expiatoire numéro 8, dans l’aile 7, de la prison
locale de Oukacha, par Younes Belkhdim, « Le poéte du peuple » qui a
entamé une grève de la faim le 4 septembre.
Il s’est invité au débat se rappelant au souvenir de ceux qui pensent
à tort, avoir mis le mouvement marocain de contestation à genou. Des
lignes qui en disent plutôt long sur la détermination de nos militants,
leur courage et leur soif de dignité :
-« Je reste honoré et fier de payer, derrière les barreaux, le
prix de la liberté. Et je considère que le feuilleton des intimidations,
des enlèvements, des tortures, des procès montés et des incarcérations
n’est qu’un aveu de la légitimité des objectifs du Mouvement du 20 Février que nous essayons d’atteindre par des actions de protestations non-violentes et civilisées. »
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