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dimanche 27 novembre 2011

Pourquoi les élections législatives au Maroc sont un échec


Par Jad Siri, Avocat, Tribune 27/11/2011

Abdelillah Belkirane
Les élections législatives qui se sont déroulées au Maroc vendredi sont les troisièmes depuis que Mohamed VI est roi du Maroc, les premières depuis le Printemps arabe et l'adoption de la nouvelle constitution, en juillet.
Le taux de participation officiel à ces élections est de 45% des Marocains inscrits sur les listes électorales.
A l'issue de ce scrutin, le parti de la justice et du développement (le PJD), regroupant des islamistes dits « modérés », sort vainqueur.

Le PJD est le premier parti en nombre de suffrages recueillis et en nombre de sièges de députés à la chambre des représentants ; L'analyse des premiers résultats de ces élections appelle plusieurs commentaires.

1Le taux de participation annoncé est décevant

Tout d'abord, constatons que ces élections ont été organisées comme d'habitude par le ministère de l'Intérieur, le même qui a organisé le référendum constitutionnel du 1er juillet dernier qui a connu un taux de participation officiel de plus de 72% pour un oui à plus de 99%. Cinq mois après, ce score laisse toujours quelque peu songeur.

Dès lors, bien que le taux de participation officiel pour ces élections législatives peut à première vue paraître plausible, on est cependant pas toujours rassuré sur sa fiabilité.

Contrairement à ce qu'on lit et on entend dans les médias marocains et les médias français, ces élections, par le taux de participation, sont un échec. 45% de participation pour des élections législatives, c'est peu !

Même si ce taux est plus élevé que les 37% des dernières législatives de 2007, il reste faible pour l'enjeu du scrutin. Il reste inférieur au taux de participation des législatives de 2002 et surtout au taux de participation officiel au dernier réferendum constitutionnel.

Quasiment 30% de moins qu'il y a cinq mois, c'est beaucoup ! La chute est brutale, même si ce n'est pas le même type de scrutin !

Cette faible participation constitue d'abord un échec pour le roi et pour la réforme constitutionnelle qu'il a contrôlée de bout en bout en ne renonçant qu'à très peu de prérogatives qu'il détenait dans la précédente constitution.

En ne participant que faiblement à ces législatives, les Marocains disent, notamment, qu'ils ne croient pas dans la nouvelle organisation des institutions, telles qu'elles sont prévues dans la nouvelle constitution.

2 Les principaux partis ont obtenu des scores décevants

Ensuite, ce taux de participation et les résultats obtenus par les partis politiques constituent un échec pour ces derniers. Il s'agit d'un échec pour ceux qui étaient la locomotive de la coalition du G8, laquelle fédérait huit formations, dont les principales dites du « Palais » :

le RNI, conduit par le ministre des Finances sortant ;
le PAM, créé il y a trois ans à l'initiative de l'ancien ministre de l'Intérieur et proche du roi

Ces deux partis fédèrent des personnalités opportunistes et particulièrement dociles vis-à-vis du Palais, et sont arrivés troisièmes et quatrièmes.

Ce taux et le résultat obtenu par l'autre coalition, la Koutla, composée des trois « vieux » partis, dont l'Istiqlal, premier parti marocain et parti ayant mené la lutte pour l'indépendance, et l'USFP (socialiste) marquent un échec de ces derniers.

Ils sont certes respectivement deuxième et cinquième de ce scrutin mais ils ont perdu, depuis longtemps, quasiment toute crédibilité, ayant participé notamment aux deux précédents gouvernements qui ne faisaient qu'appliquer la politique dictée par le roi (le gouvernement sortant était d'ailleurs conduit par le responsable du parti de l'Istiqlal).

De même, ce taux de participation, faible, mais pas suffisamment faible, ne constitue qu'un demi-succès pour le mouvement du 20 février et pour les partis qui appelaient au boycott.

Toutefois, ce taux reste trop « élevé » pour délégitimer complètement le résultat de ces élections.

Enfin, le résultat de ces élections n'est qu'un succès en trompe l'œil pour le PJD. Certes, il est aujourd'hui le premier parti, mais pour un parti qui normalement mobilise son électorat, il n'obtient que 30% des suffrages sur 45% de participation.

Concrètement, le PJD ne pèse en réalité qu'environ 15% des inscrits ! Sa légitimité est donc toute relative.

3 Pour le PJD, les alliances possibles restent floues

Si les résultats de ce scrutin sont fiables, plusieurs questions se posent et plusieurs conséquences doivent être tirées.

Tout d'abord, en application de la nouvelle constitution, le roi est obligé d'appeler comme Premier ministre un membre du PJD. Ce dernier sera donc un intégriste « modéré ».

Ensuite, ne disposant pas de majorité absolue et devant formellement obtenir la confiance de la chambre des représentants, le PJD va devoir trouver des partis alliés pour former un gouvernement et avoir une majorité au parlement.

Avec qui va-t-il pouvoir s'allier ? Avec l'Istiqlal, dont une frange conservatrice dit ne pas être en incompatibilité avec le PJD, ce qui risquerait de créer de très fortes tensions avec son aile plus progressiste, notamment sur les questions de société, de droit des femmes, droit à l'avortement, le rapport à l'alcool etc.

Va-t-il trouver un allié avec l'USFP, parti qui se déclare progressiste mais aujourd'hui discrédité ?

Ou va-t-il trouver des alliés parmi les partis politiques du G8, dont le RNI et le PAM, les partis du « palais » ?
Quel rôle pour le palais dans l'après-scrutin ?

Par ailleurs, le roi (et le palais) va-t-il s'immiscer dans la formation d'une majorité et d'un gouvernement ? Va-t-il imposer des ministres ? Auquel cas, on aura bien la preuve que toute la réforme constitutionnelle pour démocratiser le système politique n'aura été qu'une mascarade.

Dans tous les cas, il ne faut surtout pas un gouvernement d'union nationale avec cinq ou six partis ! Ça empêcherait la structuration du champ politique marocain, avec une opposition qui serait en réalité factice. Surtout, cela signerait la continuation du système qui a eu cours depuis des décennies.

Enfin, les partis politiques vont devoir tirer les enseignements de ce scrutin. Les dirigeants de ces partis vont devoir accepter, pour certains, d'entrer dans l'opposition, de faire leur travail d'opposition, de renouveler le personnel, de reconstruire un projet politique cohérent et non pas se contenter d'être des courtisans d'une monarchie qui contrôle tout.
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