par Omar Brousky (A.F.P.)
"Moi je ne voterai pas. Les élections passées ne nous ont rien apporté", affirme Aziz, un commerçant à Tiddas. Comme nombre d'habitants de ce village berbère démuni du Moyen Atlas, il compte s'abstenir aux élections législatives marocaines de vendredi.
La plupart des habitants de ce village de montagne de 3.500 habitants (quelque 100 km à l'est de Rabat), interrogés par l'AFP, se disent indifférents et parlent d'abstention aux législatives qui ne changeront pas, pensent-ils, leur quotidien difficile.
Sous une pluie battante, le souk hebdomadaire du lundi, est un moment très convoité par les candidats qui viennent faire la chasse aux voix. Mais comme d'autres, Aziz se montre désabusé.
"Les élections de vendredi, c'est mon dernier souci, dit-il. Les élections précédentes ne nous ont rien apporté. Regardez autour de vous, on patauge dans la boue, il n'y a pas routes, pas d'infrastructures. Moi je ne voterai pas".
Quelques mois après une réforme constitutionnelle, les législatives vont permettre aux forces politiques de mesurer enfin réellement leur poids respectif mais, juge Omar, un marchand de quatre saisons, "il y a beaucoup de partis, on ne sait pas si on peut leur faire confiance" et certains sont inconnus.
Des petits groupes d'une dizaine de militants, se forment à l'entrée du marché et passent d'une tente à l'autre pour distribuer des tracts appelant à voter pour leurs candidats.
"Notre candidat est quelqu'un de sérieux. Il est d'ici, de notre tribu. Il est des nôtres. S'il vous plait, votez pour lui", lancent des militants en sillonnant les allées du souk. Mais les marchands et clients de Tiddas semblent méfiants. "Tout ça ce sont des mensonges. Tout ce qui est écrit ici, sur ces papiers, ils ne vont jamais l’appliquer", affirme Nezha, une femme d'une trentaine d'années. "Ils mangent l'argent de l'Etat. Ils prennent l'argent et ensuite ils ne font rien".
D'autres habitants de ce village parlent d'abstention: "En fait, tu as peur d’aller voter et de te faire arnaquer. On s’est déjà fait arnaquer une fois, deux fois, alors pourquoi voter encore ?", s'emporte Mohammed, âgé d'une vingtaine d'années.
"Moi je ne vais pas aller voter, et je le dis la tête haute. Celui pour qui tu votes, il gagne, puis il s’en va et il t’oublie. Ici on n’a rien", s'indigne pour sa part Aïcha, une mère de famille. "Même les ampoules des lampadaires dans la rue ne marchent pas, et personne ne les réparent", poursuit-elle.
Assis en tailleur sous une tente au milieu du souk, un vieux commerçant reçoit les tracts sans y jeter un oeil, tout en servant les clients qui se pressent autour de lui.
"Je ne sais pas ce que je vais faire de tous ces papiers. Pour arriver au souk, les gens ont dû nager dans la boue. La route a été mal faite dès le début. Je ne fais plus confiance à ces candidats", dit Mohammed, la soixantaine.
Le taux d'analphabétisme au Maroc atteint 54% en milieu rural. Et selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, au moins 200 candidats députés (sur près de 7000) ne savent ni lire ni écrire, et 862 d'entre eux ont le niveau du primaire.
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