Les autorités néerlandaises ont décidé de poursuivre en justice Redouane Lemhaouli, ancien commissaire de police de Rotterdam. En juillet dernier, le fonctionnaire d’origine marocaine a été démis de ses fonctions car soupçonné “d’avoir transmis des informations issues des registres de police au gouvernement marocain entre 2006 et mai 2008”.
Deux personnes en poste à l'ambassade du Maroc aux Pays-Bas avaient été rappelées par Rabat après des protestations du ministre néerlandais des Affaires étrangères à ce sujet, qu'il avait qualifié d'"affaire fâcheuse".
L’espion de sa Majesté
L’affaire du “Policier de Rotterdam”, commissaire néerlandais d’origine marocaine, accusé d’espionnage en faveur de Rabat, inquiète l’importante communauté marocaine des Pays-Bas.
Redouane Lemhaouli n'a rien d'un James Bond. À 38 ans, dont près de la moitié dans les rangs de la police, ce Néerlandais d’origine marocaine symbolisait l’intégration réussie. Dans la ville portuaire de Rotterdam, il formait aussi de jeunes immigrés marocains pour intégrer le staff de l’aéroport. Et pourtant. celui qui se faisait appeler “Ré” serait un espion au service du royaume chérifien. C’est ce qu’a avancé, il y a près de quinze jours, la télévision publique hollandaise.
Tout commence le 15 septembre, la très populaire émission Nova relatait l’histoire, étouffée par les autorités, de ce commissaire renvoyé en juillet dernier pour “manquement grave à ses devoirs”, soupçonné d’avoir livré des informations confidentielles aux services secrets marocains et il ne serait pas le seul . D’autres fonctionnaires de police ont affirmé aux médias locaux avoir été également approchés par les “services” marocains. C'est le cas de Fouad El Haji, aujourd'hui conseiller municipal du Parti travailliste à Rotterdam, qui a confié avoir été sollicité, à son tour, par les services secrets marocains. Selon lui, des parlementaires et des élus locaux sont régulièrement contactés dans le même sens. “Et certains auraient même accepté l’offre”, déclare-t-il, sans donner de noms.
Un choc pour les MRE
“Cette révélation a été un choc pour la communauté marocaine. Avec le nouveau règne de Mohammed VI, l’ouverture du dossier des années de plomb, on ne croyait plus au contrôle policier des MRE. On imaginait plus le Maroc en train d’embaucher des gens pour vérifier les secrets de ce pays”, analyse Jamal Ryane, militant associatif aux Pays-Bas. Sur fond de tensions raciales et religieuses, l’inquiétude s’accentue chez les quelque 300 000 ressortissants marocains à mesure que la polémique enfle. Le ministre des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, a été interpellé au Parlement quelques jours plus tard sur le sujet. Il a confirmé le licenciement de Lemhaouli, ajoutant que “des explications ont été demandées au Maroc” et que, en réponse, deux diplomates en poste à l’Ambassade de La Haye “ont été rappelés il y a des mois par le gouvernement marocain”. Mais le Parlement néerlandais ne s’en satisfait pas, réclamant davantage de détails sur l’enquête toujours en cours, pour déterminer l'identité des personnalités concernées et les informations transmises à Rabat. Pour calmer le jeu, le ministre des Affaires étrangères néerlandais déclare donner “une importance particulièrement grande” à cette affaire. Les couloirs de l’ONU ont dû lui donner l’opportunité de s’entretenir avec son homologue Taïb Fassi Fihri, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, pour préparer le débat à l’Assemblée nationale néerlandaise prévu dans les jours à venir. Du côté marocain, l’affaire ne semble pas prendre autant d’envergure au sein du gouvernement. Une rencontre entre les deux ministres des Affaires étrangères ou le rappel des diplomates restent des “questions techniques” sans commentaires pour Khalid Naciri, le porte-parole du gouvernement.
Du pain bénit pour l’extrême droite
“L’affaire du policier va compliquer la vie de la communauté marocaine. Elle va être utilisée par les partis politiques pour faire passer la proposition de loi interdisant la double nationalité”, prédit Jamal Ryane. La polémique est en effet du pain bénit pour l’extrême droite locale. Le leader populiste, Geert Wilders, a affirmé, avant ces révélations, que la double nationalité des hauts fonctionnaires et de certains membres du gouvernement d'origine étrangère pouvait poser des “problèmes de loyauté”. Car nombre de néerlandais d’origine marocaine ont accédé à des responsabilités administratives ou politiques. Ahmed Aboutaleb, secrétaire d’Etat à la Justice, possède par exemple un passeport rouge et un passeport vert. Quatre députés ont également une ascendance marocaine. Le Parti travailliste avait d’ailleurs débattu de la compatibilité du mandat de Khadija Arib, députée néerlandaise, avec son rôle de membre du CCDH, dépendant de l’Etat marocain. Le texte, proposé par l’extrême droite au printemps, est actuellement dans le circuit législatif et devrait être voté avant la fin de l’année. L’objectif des élections européennes, en juin 2009, participe à la surenchère du leader populiste. De quoi dégrader davantage les relations entre le Maroc et les Pays-Bas.
Source Tel Quel n°340, Oct. 2008
Deux personnes en poste à l'ambassade du Maroc aux Pays-Bas avaient été rappelées par Rabat après des protestations du ministre néerlandais des Affaires étrangères à ce sujet, qu'il avait qualifié d'"affaire fâcheuse".
L’espion de sa Majesté
L’affaire du “Policier de Rotterdam”, commissaire néerlandais d’origine marocaine, accusé d’espionnage en faveur de Rabat, inquiète l’importante communauté marocaine des Pays-Bas.
Redouane Lemhaouli n'a rien d'un James Bond. À 38 ans, dont près de la moitié dans les rangs de la police, ce Néerlandais d’origine marocaine symbolisait l’intégration réussie. Dans la ville portuaire de Rotterdam, il formait aussi de jeunes immigrés marocains pour intégrer le staff de l’aéroport. Et pourtant. celui qui se faisait appeler “Ré” serait un espion au service du royaume chérifien. C’est ce qu’a avancé, il y a près de quinze jours, la télévision publique hollandaise.
Tout commence le 15 septembre, la très populaire émission Nova relatait l’histoire, étouffée par les autorités, de ce commissaire renvoyé en juillet dernier pour “manquement grave à ses devoirs”, soupçonné d’avoir livré des informations confidentielles aux services secrets marocains et il ne serait pas le seul . D’autres fonctionnaires de police ont affirmé aux médias locaux avoir été également approchés par les “services” marocains. C'est le cas de Fouad El Haji, aujourd'hui conseiller municipal du Parti travailliste à Rotterdam, qui a confié avoir été sollicité, à son tour, par les services secrets marocains. Selon lui, des parlementaires et des élus locaux sont régulièrement contactés dans le même sens. “Et certains auraient même accepté l’offre”, déclare-t-il, sans donner de noms.
Un choc pour les MRE
“Cette révélation a été un choc pour la communauté marocaine. Avec le nouveau règne de Mohammed VI, l’ouverture du dossier des années de plomb, on ne croyait plus au contrôle policier des MRE. On imaginait plus le Maroc en train d’embaucher des gens pour vérifier les secrets de ce pays”, analyse Jamal Ryane, militant associatif aux Pays-Bas. Sur fond de tensions raciales et religieuses, l’inquiétude s’accentue chez les quelque 300 000 ressortissants marocains à mesure que la polémique enfle. Le ministre des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, a été interpellé au Parlement quelques jours plus tard sur le sujet. Il a confirmé le licenciement de Lemhaouli, ajoutant que “des explications ont été demandées au Maroc” et que, en réponse, deux diplomates en poste à l’Ambassade de La Haye “ont été rappelés il y a des mois par le gouvernement marocain”. Mais le Parlement néerlandais ne s’en satisfait pas, réclamant davantage de détails sur l’enquête toujours en cours, pour déterminer l'identité des personnalités concernées et les informations transmises à Rabat. Pour calmer le jeu, le ministre des Affaires étrangères néerlandais déclare donner “une importance particulièrement grande” à cette affaire. Les couloirs de l’ONU ont dû lui donner l’opportunité de s’entretenir avec son homologue Taïb Fassi Fihri, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, pour préparer le débat à l’Assemblée nationale néerlandaise prévu dans les jours à venir. Du côté marocain, l’affaire ne semble pas prendre autant d’envergure au sein du gouvernement. Une rencontre entre les deux ministres des Affaires étrangères ou le rappel des diplomates restent des “questions techniques” sans commentaires pour Khalid Naciri, le porte-parole du gouvernement.
Du pain bénit pour l’extrême droite
“L’affaire du policier va compliquer la vie de la communauté marocaine. Elle va être utilisée par les partis politiques pour faire passer la proposition de loi interdisant la double nationalité”, prédit Jamal Ryane. La polémique est en effet du pain bénit pour l’extrême droite locale. Le leader populiste, Geert Wilders, a affirmé, avant ces révélations, que la double nationalité des hauts fonctionnaires et de certains membres du gouvernement d'origine étrangère pouvait poser des “problèmes de loyauté”. Car nombre de néerlandais d’origine marocaine ont accédé à des responsabilités administratives ou politiques. Ahmed Aboutaleb, secrétaire d’Etat à la Justice, possède par exemple un passeport rouge et un passeport vert. Quatre députés ont également une ascendance marocaine. Le Parti travailliste avait d’ailleurs débattu de la compatibilité du mandat de Khadija Arib, députée néerlandaise, avec son rôle de membre du CCDH, dépendant de l’Etat marocain. Le texte, proposé par l’extrême droite au printemps, est actuellement dans le circuit législatif et devrait être voté avant la fin de l’année. L’objectif des élections européennes, en juin 2009, participe à la surenchère du leader populiste. De quoi dégrader davantage les relations entre le Maroc et les Pays-Bas.
Source Tel Quel n°340, Oct. 2008
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