par Bruno Lecoq
Il a suffit qu’un jeune prostitué fantasque accuse le maire de Marrakech d’homosexualité, pour qu’une rafle soit organisée dans le milieu interlope de la ville ocre. Tandis que certains titres de la presse marocaine ont dénoncé un coup politique tordu porté contre Omar Jazouli en pleine période électorale, cela fait plus d’un mois qu’une dizaine de jeunes innocents sont détenus dans la prison de Marrakech. Coups, tortures… Tout a été bon pour contraindre ces jeunes, forcément étrangers à cette affaire montée de toutes pièces, à signer des dépositions qui les accablent, dépositions qu’ils ont aussitôt réfutées devant les juges… sans être entendus. Aucune preuve, aucun flagrant délit, ne peut être retenue contre eux : Ils ont pourtant été condamnés lundi dernier à des peines allant de deux , trois et huit ans de prison comme s’il s’agissait de justifier le démantèlement d’un authentique réseau de prostitution.
Rappel des faits
Le 10 mai dernier, circule dans Marrakech une information qui indique que la police de Marrakech a arrêté un prostitué travesti du nom de Haïfa. Ce dernier, dont le prénom rappelle étrangement une autre affaire ayant défrayée la chronique municipale, aurait affirmé avoir vendu, pour 500 dirhams, ses services à de nombreuses personnalités de la ville, dont –on ne le sait pas encore- le maire de Marrakech, Omar Jazouli. Ce jeune homme signe une déposition qui l’accable et engage la complicité d’un prétendu réseau. Il aurait notamment affirmé à la police, premier fait étrange, avoir été mis en relation avec le maire par le biais d’un autre marocain dont il donne le prénom, l’âge et décrit l’aspect physique. Un marocain au prénom identique est prévenu de cette recherche. On l'invite à se cacher. N’ayant rien à se reprocher dans cette affaire dont il ignore tout, il refuse. Le 15 mai, alors qu’il ne correspond pas à la description physique faite initialement par le prostitué accusateur, il est arrêté, frappé et conduit à signer une déposition qu’il va récuser quelques heures plus tard devant le juge. Une dizaine d’autres marrakchis, issus du monde de la nuit et gays , sont arrêtés lors de ce coup de filet qui vise manifestement à conforter les accusations portées contre Omar Jazouli. La presse arabophone, qui tient –fait étrange- les dépositions faites par les jeunes prévenus sous la torture, publie dans le même temps la nouvelle : Omar Jazouli, l’actuel maire de Marrakech, aurait eu des relations sexuelles avec un jeune prostitué masculin à son domicile de Marrakech. L’affaire fait scandale à la veille des élections municipales, même si, très vite, la presse « sérieuse » dénonce une machination politique grossièrement montée à des fins électorales. Interrogé sur les faits, Omar Jazouli dément formellement les accusations. Elles sont grotesques : le prostitué accusateur est un mythomane notoire : il affirme que les faits se seraient déroulés au domicile du maire : Omar Jazouli y vit avec sa mère, sa femme et ses trois enfants. Aurait-il eu des relations extra conjugales, il n’aurait pas choisi son domicile familial ! Mais tous ses démentis ne servent à rien. Tout est affaire de rumeur et, comme s’il s’agissait d’éviter un règlement rapide du dossier, le maire ne sera même pas entendu par la police et la justice. Le prostitué accusateur maintient seul sa déposition et aucune des déclarations des autres jeunes détenus (qui ne connaissent ni le maire ni, pour certains, leur accusateur!) ne sont prises en compte. Le tribunal, au dire de tous les avocats présents sur ce dossier, est sous pression. Et ce sont les dépositions obtenues sous la torture au commissariat de Marrakech qui sont retenues. Ces mêmes juges, en privé, ne cachent pourtant pas savoir le mauvais coup qui se trament et sont convaincus de l’innocence de ceux qu’ils s’apprêtent à condamner ! Nous sommes le 2 juin. Une dizaine de jeunes est encore en prison et tout permet de penser qu’ils ne vont pas bénéficier d’un procès équitable. Les avocats plaident dans l’indifférence d’un juge qui n’écoute pas leurs arguments. Ce dernier, « fatigué » décalera même d’une semaine (au lendemain des élections) l’annonce du verdict. Les accusés seront tous coupables, l’affaire semble ficelée d’avance. Appelés à l'aide en cours d’instruction, d’éminents avocats refusent de se saisir de ce dossier qu’ils savent perdus et disent être piloté à des fins électorales.
Une jeune femme, prénommée Souade, fait partie des prévenus. Accusée à tort par Haïfa d’avoir participé à des parties fines, elle souffre d’un cancer et est privée depuis plus d’un mois de son traitement chimiothérapique. Alors que rien de sérieux ne conforte cette accusation, la justice va rester insensible à son cas : a-t-il le mérite d’enjoliver le scenario sordide offert en pâture à l’opinion publique ? Lundi dernier, elle a été condamné à deux ans de prison ! Le prévenu présenté initialement comme l’intermédiaire, sera pour sa part, finalement disculpé par Haïfa qui reconnait, lundi, devant le juge qu’il ne le connait par et qu’il l’a désigné à la demande des policiers. Plus aucune charge ne repose sur lui mais l’indifférence est la même : deux ans de prison ! L’atteinte aux droits de l’homme est ici flagrante et elle touche à l’évidence des minorités sexuelles, forcément coupables aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique. Mais comme elle met en scène un élu dont on cherche à se débarrasser, et des jeunes (dont les noms sont jetés en pâture dans la presse) elle n’a aucune importance. Torture, emprisonnements arbitraires, parodies de justice… Des innocents vivent aujourd’hui un véritable drame dans l’indifférence générale. Leur vie risque de se retrouver brisée à tout jamais. Les élections sont aujourd’hui terminées, il est urgent que ce cauchemar cesse. C’est une affaire de dignité.>
Voilà le témoignage qui permettra de comprendre l'implication accidentelle de Souad dans cette affaire :
"Mon cher Bruno,> Ma semaine au Maroc s'est achevée hier et durant ces jours, sans le vouloir, j'ai approché le "scandale". Figure-toi que j'ai une amie pharmacienne (marocaine) dont la sœur, jeune mais cancéreuse, est depuis un mois en prison... pour la même affaire ! Elle, il y a plus d'un an avait loué un appartement à une femme. A Marrakech, ce genre de location s'appelle "une clé". On donne une somme au départ puis chaque mois un faible loyer. La sœur de mon amie, prénommée Souade, a donné 100.000 dirhams à cette femme puis versait son loyer jusqu'au jour où une autre femme lui a dit être la propriétaire des lieux et qu'elle ne lui avait jamais rien loué ! Quelques jours plus tard, tous ses meubles disparurent et Souade s'est retrouvée à la rue... sans même pouvoir récupérer ses 100.000 dirhams empochés par le première femme volatilisée. Survient alors une personne appelée "Haïfa", très beau garçon paraît-il, qui vient la voir pour lui dire que sa sœur est une salope ; qu'il sait ce qu'elle lui a volé et qu'il veut l'aider. Confiante, Souade l'écoute et se lie d'amitié avec lui malgré ses tendances efféminées... Ils sortent quelques fois dans des boîtes gaies de Marrakech...""
Puis arrive le scandale du maire. Le jeune homme qui fait des « révélations » sur ses relations avec Jazouli, c'est "Haïfa". Pire, il a dit aux policiers qu'il allait se travestir chez une amie, Souade, qui lui prêtait des perruques. Souade, perdant ses cheveux à cause de la chimiothérapie, l'a laissé s'amuser avec ses perruques... lorsqu'ils se voyaient. Pire encore, il a aussi affirmé que Souade participait à ses ébats avec Jazouli... Depuis, Souade est en prison ! Son cancer se développe dangereusement. Son père milliardaire l'a bannie et ne veut plus entendre parler d'elle. Sa mère et sa sœur, mon amie pharmacienne, ne savent plus quoi faire. Des amis, des avocats, des gens très introduits ont tenté de faire quelque chose pour elle mais en vain. Il parait que le dossier est sulfureux et personne n'ose s'en approcher...Un ami que tu connais est cité aussi, ai-je appris par cette voie. D'après moi, ils veulent faire tomber Jazouli qui, paraît-il, serait réélu. Je crois savoir que les jugements seront rendus... après les élections ! (…)
bruno.lecoq@wanadoo.fr
Il a suffit qu’un jeune prostitué fantasque accuse le maire de Marrakech d’homosexualité, pour qu’une rafle soit organisée dans le milieu interlope de la ville ocre. Tandis que certains titres de la presse marocaine ont dénoncé un coup politique tordu porté contre Omar Jazouli en pleine période électorale, cela fait plus d’un mois qu’une dizaine de jeunes innocents sont détenus dans la prison de Marrakech. Coups, tortures… Tout a été bon pour contraindre ces jeunes, forcément étrangers à cette affaire montée de toutes pièces, à signer des dépositions qui les accablent, dépositions qu’ils ont aussitôt réfutées devant les juges… sans être entendus. Aucune preuve, aucun flagrant délit, ne peut être retenue contre eux : Ils ont pourtant été condamnés lundi dernier à des peines allant de deux , trois et huit ans de prison comme s’il s’agissait de justifier le démantèlement d’un authentique réseau de prostitution.
Rappel des faits
Le 10 mai dernier, circule dans Marrakech une information qui indique que la police de Marrakech a arrêté un prostitué travesti du nom de Haïfa. Ce dernier, dont le prénom rappelle étrangement une autre affaire ayant défrayée la chronique municipale, aurait affirmé avoir vendu, pour 500 dirhams, ses services à de nombreuses personnalités de la ville, dont –on ne le sait pas encore- le maire de Marrakech, Omar Jazouli. Ce jeune homme signe une déposition qui l’accable et engage la complicité d’un prétendu réseau. Il aurait notamment affirmé à la police, premier fait étrange, avoir été mis en relation avec le maire par le biais d’un autre marocain dont il donne le prénom, l’âge et décrit l’aspect physique. Un marocain au prénom identique est prévenu de cette recherche. On l'invite à se cacher. N’ayant rien à se reprocher dans cette affaire dont il ignore tout, il refuse. Le 15 mai, alors qu’il ne correspond pas à la description physique faite initialement par le prostitué accusateur, il est arrêté, frappé et conduit à signer une déposition qu’il va récuser quelques heures plus tard devant le juge. Une dizaine d’autres marrakchis, issus du monde de la nuit et gays , sont arrêtés lors de ce coup de filet qui vise manifestement à conforter les accusations portées contre Omar Jazouli. La presse arabophone, qui tient –fait étrange- les dépositions faites par les jeunes prévenus sous la torture, publie dans le même temps la nouvelle : Omar Jazouli, l’actuel maire de Marrakech, aurait eu des relations sexuelles avec un jeune prostitué masculin à son domicile de Marrakech. L’affaire fait scandale à la veille des élections municipales, même si, très vite, la presse « sérieuse » dénonce une machination politique grossièrement montée à des fins électorales. Interrogé sur les faits, Omar Jazouli dément formellement les accusations. Elles sont grotesques : le prostitué accusateur est un mythomane notoire : il affirme que les faits se seraient déroulés au domicile du maire : Omar Jazouli y vit avec sa mère, sa femme et ses trois enfants. Aurait-il eu des relations extra conjugales, il n’aurait pas choisi son domicile familial ! Mais tous ses démentis ne servent à rien. Tout est affaire de rumeur et, comme s’il s’agissait d’éviter un règlement rapide du dossier, le maire ne sera même pas entendu par la police et la justice. Le prostitué accusateur maintient seul sa déposition et aucune des déclarations des autres jeunes détenus (qui ne connaissent ni le maire ni, pour certains, leur accusateur!) ne sont prises en compte. Le tribunal, au dire de tous les avocats présents sur ce dossier, est sous pression. Et ce sont les dépositions obtenues sous la torture au commissariat de Marrakech qui sont retenues. Ces mêmes juges, en privé, ne cachent pourtant pas savoir le mauvais coup qui se trament et sont convaincus de l’innocence de ceux qu’ils s’apprêtent à condamner ! Nous sommes le 2 juin. Une dizaine de jeunes est encore en prison et tout permet de penser qu’ils ne vont pas bénéficier d’un procès équitable. Les avocats plaident dans l’indifférence d’un juge qui n’écoute pas leurs arguments. Ce dernier, « fatigué » décalera même d’une semaine (au lendemain des élections) l’annonce du verdict. Les accusés seront tous coupables, l’affaire semble ficelée d’avance. Appelés à l'aide en cours d’instruction, d’éminents avocats refusent de se saisir de ce dossier qu’ils savent perdus et disent être piloté à des fins électorales.
Une jeune femme, prénommée Souade, fait partie des prévenus. Accusée à tort par Haïfa d’avoir participé à des parties fines, elle souffre d’un cancer et est privée depuis plus d’un mois de son traitement chimiothérapique. Alors que rien de sérieux ne conforte cette accusation, la justice va rester insensible à son cas : a-t-il le mérite d’enjoliver le scenario sordide offert en pâture à l’opinion publique ? Lundi dernier, elle a été condamné à deux ans de prison ! Le prévenu présenté initialement comme l’intermédiaire, sera pour sa part, finalement disculpé par Haïfa qui reconnait, lundi, devant le juge qu’il ne le connait par et qu’il l’a désigné à la demande des policiers. Plus aucune charge ne repose sur lui mais l’indifférence est la même : deux ans de prison ! L’atteinte aux droits de l’homme est ici flagrante et elle touche à l’évidence des minorités sexuelles, forcément coupables aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique. Mais comme elle met en scène un élu dont on cherche à se débarrasser, et des jeunes (dont les noms sont jetés en pâture dans la presse) elle n’a aucune importance. Torture, emprisonnements arbitraires, parodies de justice… Des innocents vivent aujourd’hui un véritable drame dans l’indifférence générale. Leur vie risque de se retrouver brisée à tout jamais. Les élections sont aujourd’hui terminées, il est urgent que ce cauchemar cesse. C’est une affaire de dignité.>
Voilà le témoignage qui permettra de comprendre l'implication accidentelle de Souad dans cette affaire :
"Mon cher Bruno,> Ma semaine au Maroc s'est achevée hier et durant ces jours, sans le vouloir, j'ai approché le "scandale". Figure-toi que j'ai une amie pharmacienne (marocaine) dont la sœur, jeune mais cancéreuse, est depuis un mois en prison... pour la même affaire ! Elle, il y a plus d'un an avait loué un appartement à une femme. A Marrakech, ce genre de location s'appelle "une clé". On donne une somme au départ puis chaque mois un faible loyer. La sœur de mon amie, prénommée Souade, a donné 100.000 dirhams à cette femme puis versait son loyer jusqu'au jour où une autre femme lui a dit être la propriétaire des lieux et qu'elle ne lui avait jamais rien loué ! Quelques jours plus tard, tous ses meubles disparurent et Souade s'est retrouvée à la rue... sans même pouvoir récupérer ses 100.000 dirhams empochés par le première femme volatilisée. Survient alors une personne appelée "Haïfa", très beau garçon paraît-il, qui vient la voir pour lui dire que sa sœur est une salope ; qu'il sait ce qu'elle lui a volé et qu'il veut l'aider. Confiante, Souade l'écoute et se lie d'amitié avec lui malgré ses tendances efféminées... Ils sortent quelques fois dans des boîtes gaies de Marrakech...""
Puis arrive le scandale du maire. Le jeune homme qui fait des « révélations » sur ses relations avec Jazouli, c'est "Haïfa". Pire, il a dit aux policiers qu'il allait se travestir chez une amie, Souade, qui lui prêtait des perruques. Souade, perdant ses cheveux à cause de la chimiothérapie, l'a laissé s'amuser avec ses perruques... lorsqu'ils se voyaient. Pire encore, il a aussi affirmé que Souade participait à ses ébats avec Jazouli... Depuis, Souade est en prison ! Son cancer se développe dangereusement. Son père milliardaire l'a bannie et ne veut plus entendre parler d'elle. Sa mère et sa sœur, mon amie pharmacienne, ne savent plus quoi faire. Des amis, des avocats, des gens très introduits ont tenté de faire quelque chose pour elle mais en vain. Il parait que le dossier est sulfureux et personne n'ose s'en approcher...Un ami que tu connais est cité aussi, ai-je appris par cette voie. D'après moi, ils veulent faire tomber Jazouli qui, paraît-il, serait réélu. Je crois savoir que les jugements seront rendus... après les élections ! (…)
bruno.lecoq@wanadoo.fr
kelle sordide histoire quand meme hein!!
RépondreSupprimerc encore et toujours la préhistoire au maroc
Le verdict définitif concernant cette sordide affaire qui profite clairement au PAM vient de tomber, peine maximale pour tous les accusés. Omar Jazouli n’a pas été entendu pour des raisons d’immunité parlementaire et il reste sénateur après avoir collaboré avec ses oppresseurs, mais son chauffeur, qui n’a pas j’imagine la même protection- ne l’a pas été davantage. Les avocats que j’ai croisé sur ce chemin –Mohammed Ziane par exemple- se sont tous débinés et le juge –il faudrait inventer un autre mot pour désigner la fonction de cet individu- a tranché. Sans le moindre début de preuve, sans le plus petit élément probant, le plus petit flagrant délit et alors même que le dénommé Haïfa a reconnu avoir accusé ses co-détenus à tort et à la demande de la police, des innocents -dont une jeune fille cancéreuse- viennent de prendre deux ans de prison sans que cela mobilise vos associations chargées de défendre les droits de l’homme-. J’ai toutes les preuves de ce que j’annonce, des heures d’enregistrement et je les réserve pour la presse française. Mais franchement cette mascarade est répugnante. Et ce qui me fait le plus de peine, c’est que j’ai découvert une population dans la terreur. Je ne sais plus combien d’amis du roi j’ai approché, combien de personnages soit disant indépendants… mais ce que je peux vous dire c’est qu’ils étaient tous terrorisés à la seule évocation de cette affaire. Franchement je les plains. Leur lâcheté fait le lit de leur guillotine. Si vous n’êtes pas capables de dire à celui qui vous gouverne qu’il va trop loin en bafouant les droits de l’homme et en emprisonnant, en toute connaissance de cause, des innocents pour le seul confort politique d’un chef de partie qui pense n’avoir aucun compte à rendre à la communauté internationale, c’est que vous êtes un peuple perdu. La seule erreur d’estimation, c’est que ce scandale humanitaire ne passera pas inaperçu. Qu’on se le dise… On ne peut pas priver de liberté des innocents sans avoir des comptes à rendre un jour ou l’autre….
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