La
presse a rapporté que le Secrétaire Général des Nations Unies a publié,
récemment, un rapport sur le Sahara Occidental, la considérant comme un
territoire non autonome relevant d’une question de décolonisation.
Quelques éclairages
Ce bref rapport (6 pages) publié le 27 juillet 2015
sous le symbole A/70/201 est un document de travail de la 70ème
session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, prévue à partir du 15
septembre 2015 à New York.
La publication de ce rapport intervient en application
des dispositions de la résolution A/69/101 du 14 décembre 2014 de l’AG,
intitulée Question du Sahara Occidental, qui, à travers le 7ème
paragraphe de son dispositif « Invite
le Secrétaire général à lui présenter, à sa soixante-dixième session, un
rapport sur l’application de la présente résolution (A/69/101) ».
L’examen de ce rapport, ainsi que des travaux de la 4ème
Commission, donnera lieu à l’adoption par l’AG d’une résolution sur le Sahara
Occidental vers le mois de décembre 2015.
La logique
des Nations Unies avec « les conflits de basse intensité »
Revenant à cette résolution A/69/101. Elle émane de
l’AG et est basée sur les travaux de sa 4ème Commission (Commission
des questions politiques spéciales et de la décolonisation). La tyrannie du
consensus a fait que cette résolution appuie le droit des peuples coloniaux à
l’autodétermination et à l’indépendance, tout en « Considérant que toutes les formules possibles
d’autodétermination des territoires sont valables », allusion faite, à
mon sens, aux visions marocaines relatives à la mise en œuvre du droit à
l’autodétermination (Autonomie).
La résolution 69/101 se réfère aux résolutions du
Conseil de Sécurité adoptées jusqu’à 2007, donc avec une référence claire au
référendum d’autodétermination, mais elle rappelle, en même temps, celles
adoptées à partir de 2007, avec la référence à l’initiative marocaine, et d’un
degré moindre, à celle du Front Polisario.
La résolution se félicite et appuie le processus de
négociation, engagé entre les deux parties depuis 2007, et les encourage à
aller de l’avant dans ce sens. Elle ne précise toutefois pas si les
négociations devraient avoir pour base les propositions de l’une ou des deux
parties, ou alors se dérouler sans condition préalable.
À l’image des résolutions du Conseil de Sécurité et
des rapports du SG de l’ONU, l’AG tente également de « Couper la poire en
deux », ou de « Tenir le bâton par le milieu », en produisant
des textes mi-figues/mi-raisins, qui apportent satisfaction aux deux parties,
consensus oblige. Cela sera toujours valable, du moment ou la communauté
internationale ou alors les grandes puissances continuent de considérer le
conflit latent relatif au Sahara Occidental comme un conflit secondaire,
marginal où le statu quo est la meilleure solution pour l’instant, en
attendant de régler les questions prioritaires (syriennes, libyenne, iranienne
et j’en passe) et en tournant le dos à la souffrance
« quadragénaire » de tout un peuple.
Rapport
A/70/201 du SG : Tentative d’analyse
Ce rapport passe en revue les développements relatifs
au conflit sur le Sahara Occidental, opérés depuis l’adoption de la résolution
69/101 (décembre 2014).
Une bonne partie de ce document reprend les idées
principales du rapport du SG S/2015/246 et de la résolution du CS qui l’a suivi
(2218).
D’emblée, cette tentative d’analyse posera plus de
questions qu’elle n’apportera de réponses.
Les nouveaux développements soulevés par le rapport :
-
Le 2ème paragraphe du rapport est, pour le moins,
ambigu. « Le Conseil de sécurité
examine la situation concernant le Sahara occidental dans le cadre des
questions relatives à la paix et à la sécurité (…) La Quatrième Commission
de l’Assemblée générale et le Comité spécial chargé d’étudier la situation en
ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance
aux pays et aux peuples coloniaux l’examinent au titre des points de l’ordre du
jour qui concernent les territoires non autonomes et dans le cadre des
questions relatives à la décolonisation ».
-
Devrait-on comprendre que le CS ne considère pas le conflit
sahraoui comme une question de décolonisation ? Pourquoi le SG tient-il à
apporter cette précision au début de son rapport ? Est-ce une répartition
des rôles approuvée par les Nations Unies ?
-
Ceci implique t-il que le CS s’intéresse uniquement au
maintien de la paix et de la sécurité, et non pas de la décolonisation qui
ressort des attributions de l’AG à travers sa 4ème commission ?
Donc le CS ne sera jamais en mesure d’œuvrer à la décolonisation du Sahara
Occidental ?
-
Les rédacteurs du document donnent du crédit à la version
marocaine relative aux événements ayant précédé l’installation et la prise de
fonctions de Mme Kim Buldoc. Paragraphe 6 : « Le 22 janvier 2015, le Roi Mohammed VI et le Secrétaire général
se sont parlés au téléphone et sont convenus de la marche à suivre. Le
Secrétaire général a donné l’assurance que le plus grand soin serait apporté à
l’établissement de ses futurs rapports et qu’il ne chercherait pas à modifier
le mandat de la MINURSO ».
-
Le SG « Ne chercherait pas à modifier le
mandat de la Minurso ». L’élargissement de cette OMP aux droits de l’Homme
est-il encore d’actualité sous Ban Ki Moon ?
-
Les Nations Unies
nous disent clairement et sans équivoque qu’elles se sont pliées à la volonté
du Maroc qui a pratiqué « La théorie du pire », en guise de
représailles aux nouvelles orientations introduites par le rapport du SG de
2014 et les déclarations de M. Ross qui les ont suivies.
-
Ce constat est
conforté par le paragraphe 13 du document, qui évoque la mission technique
conduite par le HCDH dans les deux parties du Sahara Occidental, en précisant
que « Ces missions et d’autres
futures formes de coopération devraient contribuer à une compréhension
indépendante et impartiale de la situation des droits de l’homme au Sahara
occidental et dans les camps, dans le but d’assurer la protection de tous, et à
une mise en oeuvre intégrale et durable des normes internationales relatives
aux droits de l’homme par les parties ». De quelles « D’autres
formes » parle t-on ?
-
Le document
« souffle le chaud et le froid » et n’échappe pas donc au constat sus
établi (Arranger les deux parties). Le SG évoque les activités de son envoyé
spécial, et précise, dans un même paragraphe (10) « Il (Ross) a souligné les dangers de la situation qui régnait dans la
région sahélo-saharienne (idée défendue par le Maroc) et rappelé que la colère montait dans les camps de réfugiés (constat
en faveur de la partie sahraouie) et
qu’il importait de régler rapidement le conflit du Sahara occidental ».
-
Le rapport évoque
les opérations de la Minurso dans les territoires libérés, en précisant que le
Front Polisario avait imposé des règles similaires à celles observées par le
Maroc, ce qui serait tout à fait compréhensible, en ajoutant que cette OMP a
repris ses missions « le 9 mai,
après que le Front Polisario eut provisoirement suspendu l’imposition de
cette obligation ». Peut-on
conclure que cette affirmation sous-entend des reproches à la cohérence des
décisions du Front Polisario ? (Prendre une décision pour l’annuler juste
après), ou que le Front Polisario n’a pas les moyens d’exercer une pression sur
les Nations Unies (se trouve dans une position de faiblesse dans le
conflit) ?
-
Le paragraphe 17
du document précise que « Le mandat
de la MINURSO est défini par les résolutions successives du Conseil de
sécurité ». Le terme : « Successives » donne, en toute
logique, la primauté aux résolutions les plus récentes (qui consacrent depuis
2007 le droit à l’autodétermination, certes, sans évoquer explicitement la
tenue d’un référendum). Donc selon les Nations Unies : la MINURSO est
devenue la MINUSO (Sans la lettre R).
-
Le paragraphe 17
n’a pas fini de nous surprendre. « Parallèlement,
la bonne exécution du mandat des opérations des Nations Unies, partout dans le
monde, repose sur des activités ordinaires de maintien de la paix qui
consistent notamment à évaluer ce qui, localement, pourrait avoir des
incidences sur l’activité de la Mission et sur la situation politique, et à
rendre compte des faits constatés ». Donc, la Minurso doit se
contenter du « Service minimum » consistant à évaluer le
cessez-le-feu : Ni référendum, ni monitoring des droits de l’Homme… on
nous le dit clairement ici.
-
M. Ross engage, à juste titre, à travers le paragraphe 20, la
responsabilité de la communauté internationale en cas de potentiels changements
des attitudes et des voies de revendication des Sahraouis. « Insistant sur la nécessité de progresser rapidement en vue de
trouver une solution à la crise, il (Ross) a estimé que la communauté
internationale ne saurait se dérober alors que des dizaines de milliers de
réfugiés, perdant leur foi en une solution politique, envisagent d’emprunter
des voies belliqueuses ».
-
Enfin, s’agissant
toujours de la vision des Nations Unies à la solution du conflit sur le Sahara
Occidental, le paragraphe 7 du rapport avance : « Il (Ross) a souligné qu’il importait de négocier sans
conditions préalables et de bonne foi, et exhorté les parties à aller
au-delà de leurs propositions respectives en cherchant de nouveaux
moyens de progresser vers « une solution politique mutuellement acceptable
qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Par
l’emploi de l’expression : « De nouveaux moyens », peut-on
comprendre que les Nations Unies n’accordent pas beaucoup de crédit au plan
d’autonomie, certes ? Mais abandonne également et définitivement la tenue
d’un référendum ?
Conclusion
La logique du consensus
et du statu quo sera dépassée le jour ou les grandes puissances décideront de
pousser les choses, dans un sens ou dans l’autre. Ceci est envisageable en cas
ou des conditions favorables se réunissent, aux niveaux de l’ensemble des
capitales influentes et en même temps, ce qui est difficile à atteindre comme
on peut l’imaginer.
La deuxième supposition
est celle que le conflit sur le Sahara Occidental devienne « Une situation
prioritaire », avec l’émergence de nouveaux développements sur le terrain,
qui pousseraient la communauté internationale à prendre ses responsabilités.
Ross a insinué que la communauté internationale devrait prendre ses
responsabilités en cas ou le « Langage » des Sahraouis changerait.
Enfin,
le paragraphe 7 du document susmentionné nous rappelle que « Le processus de négociation était régi par le Chapitre VI de la
Charte des Nations Unies (Intitulé règlement pacifique des différends) et que chacune des parties était donc libre
d’accepter ou de rejeter les propositions de l’autre ». Peut-on
comprendre, a contrario, que si on veut qu’une solution soit imposée par les
Nations Unies, il faut transférer le conflit au Chapitre 7 ? Qui, comme
nous le savons tous, s’intitule : « Action en cas de menace contre la
paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression », et ne s’applique
qu’en cas de menace ou de rupture de la paix, comme son nom l’indique.
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