Chama Mechtaly, jeune artiste autodidacte marocaine et héritière d’une identité judéo-amazighe exprime à travers son art un Maroc pluriel. Il n’est malheureusement pas du goût de tous.
Quand Chama Mechtaly nous reçoit dans son atelier éphémère, le temps semble presque suspendu. Assise entourée de ses toiles, une blouse maculée de tâches multicolores pour bleu de travail, on est encore loin d’imaginer que la jeune peintre autodidacte participe avec vigueur à briser le mur des différences entre juifs et musulmans d’origine nord-africaine. Plus qu’un travail de peintre, la jeune femme, qui poursuit ses études à Boston aux Etats-Unis en Relations internationales et résolution des conflits, nous livre également un travail d’historienne, d’anthropologue, avec beaucoup de sensibilité et de témérité.« Drapeau marocain revisité » : une œuvre frappée par la censure
En offrant un panorama de l’identité judéo-amazighe unique en son genre au public marocain, la jeune femme a cependant dû faire face à un obstacle de taille. Le jour de son vernissage, Chama a en effet reçu l’injonction de retirer l’un de ses tableaux de la part du directeur du complexe. Le tableau en question s’intitule « Drapeau marocain revisité », une toile sur fond rouge, avec en son centre, une étoile de David, verte, en référence à l’étoile de David qui existait sur le drapeau de nombreuses confréries chérifiennes et sur le drapeau marocain de la zone du Protectorat espagnol avant l’arrivée du Maréchal Lyautey qui procéda à son retrait.
L’œuvre en question avait pourtant reçu l’aval du Directeur bien avant son exposition. Ce dernier indique ainsi à la jeune femme que l’étoile de David présente sur ces toiles « pouvait choquer le public et provoquer des réactions extrémistes ». « J’ai expliqué que l’étoile de David est un symbole présent partout au Moyen-Orient et en Méditerranée et que ce n’est pas qu’un symbole du judaïsme. C’est un symbole que juifs, musulmans et chrétiens partagent, pour moi c’est vraiment un symbole unifiant », souligne la jeune femme qui interpelle également le directeur sur sa présence. « Choquée par sa demande je lui ai affirmé que s’il me forçait à les enlever, qu’il m’enlève aussi et qu’on annule mon exposition parce que je porte une Khamsa avec l’étoile de David également », ajoute-t-elle.
Après de longues négociations, Chama se voit finalement dans l’obligation de retirer son œuvre sur le motif suivant : déformation d’un emblème national. Un outrage passible de six mois à trois ans de prison selon le Code Pénal et d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams. « Ce que je trouve absurde, c’est une œuvre d’art, il faut savoir que dans ce tableau j’ai mis le tifinagh, l’hébreu et l’arabe. Donc toutes les composantes de l’identité marocaine selon la constitution de 2011 », s’étonne-t-elle.
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