Un militant et son amie ont été jugés dans le cadre d’un procès
inéquitable (Rabat,
le 2 juin 2015)
– Des peines de dix mois de prison ferme prononcées contre un homme et une femme pour adultère, confirmées en appel le 27 mai 2015, sont le résultat inquiétant d'une loi marocaine sur l'adultère qui viole les droits fondamentaux, ainsi que de poursuites judiciaires qui semblent avoir été engagées pour des motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Cette affaire est la dernière illustration en date d'une tendance relevée au Maroc à la tenue de procès à connotation politique, qui présentent des lacunes en matière de respect de garanties judiciaires et de normes de procès équitables.
La chambre d'appel du Tribunal de Grande instance de Rabat a confirmé le verdict et la sentence prononcés par le même tribunal le 30 mars à l'encontre de Hicham Mansouri, âgé de 34 ans, qui travaille pour une organisation de défense du journalisme d'investigation, pour complicité d'adultère, et sa co-accusée, une femme de 30 ans, pour adultère. Le tribunal avait écarté d’importants éléments de preuve qui étaient apparus pendant le procès et qui semaient le doute sur la version du « crime » présentée par la police. Le tribunal a ordonné aux accusés de verser un total de 40 000 dirhams (4 140 dollars US) de dommages et intérêts au mari de la femme.
« La condamnation de Mansouri et de sa co-accusée est un exemple déprimant de tout ce qui est inadéquat dans le système judiciaire pénal marocain », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Au-delà de l'injustice et de la motivation politique qui sont en jeu dans l'affaire Mansouri, celle-ci illustre également le problème posé par la pénalisation de l'adultère au Maroc. »
Les accusés n'ont pas indiqué s'ils avaient l'intention de se pourvoir devant la Cour de Cassation, dernière procédure d'appel à leur disposition. La Cour d'appel n'a pas encore rendu publique sa décision écrite expliquant son raisonnement.
Le Maroc devrait décriminaliser l'adultère, mesure qui serait conforme à son obligation de protéger le droit à la vie privée inscrite dans sa constitution de 2011 et dans le droit international en matière de droits humains. Il devrait également assurer le droit des accusés à des procès équitables, pour que les tribunaux ne donnent pas automatiquement davantage de poids aux comptes-rendus de la police qu'aux preuves à décharge présentées par la défense, a affirmé Human Rights Watch.
Le code pénal marocain, dans son article 491, prévoit une peine de prison de un à deux ans pour adultère. Il stipule que l'adultère ne peut faire l'objet de poursuites judiciaires que si le conjoint de l'une des parties porte plainte. Dans ce cas précis, le mari a déposé plainte pour déclencher la procédure judiciaire, mais seulement après que la police l'eut informé qu'elle aurait pris sa femme en flagrant délit.
La manière dont la police a traité cette affaire, y compris sa surveillance de Mansouri sur une longue période, laisse à penser que des motifs autres que l'application neutre des lois sur l'adultère ont pu inspirer son arrestation et son procès, a relevé Human Rights Watch. Mansouri travaille pour l'Association marocaine pour un journalisme d'investigation, une petite organisation dont le président, le Pr. Maati Monjib, a suscité des controverses en critiquant directement le Palais royal. Monjib a cofondé d'autres associations telles que Freedom Now (« Liberté maintenant »), une organisation de défense de la liberté d'expression que les autorités ont refusé de reconnaître et dont les activités publiques ont été empêchées par la police.
Le tribunal a fondé son verdict sur un compte-rendu écrit des événements fourni par la police et sur des aveux contestés de la femme à la police, sur lesquels elle est ensuite revenue. La défense a présenté de nombreux éléments de nature à contester la version des événements présentée par la police.
Human Rights Watch a analysé de nombreux procès dans lesquels les tribunaux marocains avaient prononcé des verdicts de culpabilité sans accorder aux accusés leur droit à un procès équitable.
Se baser sur des déclarations compromettantes consignées dans des procès-verbaux préparés par la police, par des témoins ou par des plaignants sans exiger qu'ils soient cités à témoigner devant le tribunal, où les accusés ou leurs représentants peuvent les interroger à leur tour, constitue également une violation des droits des accusés. Ceci se produit fréquemment dans des affaires où sont encourues des peines de prison de moins de cinq ans. L'article 290 du Code de procédure pénale marocain stipule : « Les procès-verbaux ou rapports dressés par les officiers de police judiciaire pour constater les délits et les contraventions font foi jusqu’à preuve contraire. » Human Rights Watch a exhorté depuis longtemps à la suppression de cette disposition, qui dénie « une égalité des armes » aux deux camps opposés dans l'affaire.
Mansouri n'est pas le seul citoyen marocain doté d'un profil politique à avoir été récemment arrêté pour un prétendu adultère. Le 13 mars, la police de Casablanca a arrêté El-Mostafa Erriq, un membre de haut rang du mouvement islamiste d'opposition Justice et Spiritualité (Adl wa’l Ihsan), et une femme à qui il rendait visite. La police a maintenu Erriq et la femme en détention pendant trois jours et a informé la femme d'Erriq, mais elle les a libérés quand l'épouse d'Erriq a refusé de porter plainte.
Erriq, comme Mansouri, affirme que la police lui a tendu un piège et a fabriqué les preuves de l'adultère, y compris en le déshabillant de force et en le photographiant sur place. Dans les deux cas, la police n'a pas arrêté les accusés sur la base d'une plainte déposée par un conjoint. Plutôt, la police a affirmé avoir pris le couple en flagrant délit d'adultère, puis a invité le conjoint à déposer une plainte. Les deux affaires illustrent également le caractère intrusif des enquêtes de police sur les prétendues infractions d'adultère. La criminalisation de relations sexuelles consensuelles entre adultes, quel que soit leur statut marital, est une violation du droit au respect de la vie privée, a déclaré Human Rights Watch.
Le ministère de la Justice, dirigé par Moustapha Ramid du Parti islamiste de la Justice et du Développement (PJD), a émis le 31 mars un projet de révision du code pénal qui alourdirait la peine encourue pour adultère, en ajoutant une amende à une peine de prison. Le gouvernement marocain ne publie pas de statistiques sur le nombre de procédures judiciaires engagées pour adultère, à notre connaissance.
« Les personnes qui, au Maroc, soutiennent la pénalisation de l'adultère devraient réfléchir à ce que cela signifie », a affirmé Sarah Leah Whitson. « Les Marocains veulent-ils vraiment vivre dans un pays où la police place le téléphone des gens sur écoute et les prend en filature, fait irruption chez eux, confisquent des objets et les envoient pour expertise légale – tout cela au nom de la lutte contre l'infidélité? »
Pour consulter d'autres communiqués ou rapports de Human Rights Watch sur le Maroc, veuillez suivre le lien:http://www.hrw.org/fr/middle-eastn-africa/morocco/western-sahara
Pour de plus amples informations, veuillez contacter:À Washington, Eric Goldstein (anglais, français): +1-917-519-4736 (portable): ou goldstr@hrw.org. Suivez-le sur Twitter: @goldsteinricky
À Rabat, Brahim Elansari (arabe): +1-212-666-081-207 (portable); ou elansab@hrw.org
– Des peines de dix mois de prison ferme prononcées contre un homme et une femme pour adultère, confirmées en appel le 27 mai 2015, sont le résultat inquiétant d'une loi marocaine sur l'adultère qui viole les droits fondamentaux, ainsi que de poursuites judiciaires qui semblent avoir été engagées pour des motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Cette affaire est la dernière illustration en date d'une tendance relevée au Maroc à la tenue de procès à connotation politique, qui présentent des lacunes en matière de respect de garanties judiciaires et de normes de procès équitables.
La chambre d'appel du Tribunal de Grande instance de Rabat a confirmé le verdict et la sentence prononcés par le même tribunal le 30 mars à l'encontre de Hicham Mansouri, âgé de 34 ans, qui travaille pour une organisation de défense du journalisme d'investigation, pour complicité d'adultère, et sa co-accusée, une femme de 30 ans, pour adultère. Le tribunal avait écarté d’importants éléments de preuve qui étaient apparus pendant le procès et qui semaient le doute sur la version du « crime » présentée par la police. Le tribunal a ordonné aux accusés de verser un total de 40 000 dirhams (4 140 dollars US) de dommages et intérêts au mari de la femme.
« La condamnation de Mansouri et de sa co-accusée est un exemple déprimant de tout ce qui est inadéquat dans le système judiciaire pénal marocain », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Au-delà de l'injustice et de la motivation politique qui sont en jeu dans l'affaire Mansouri, celle-ci illustre également le problème posé par la pénalisation de l'adultère au Maroc. »
Les accusés n'ont pas indiqué s'ils avaient l'intention de se pourvoir devant la Cour de Cassation, dernière procédure d'appel à leur disposition. La Cour d'appel n'a pas encore rendu publique sa décision écrite expliquant son raisonnement.
Le Maroc devrait décriminaliser l'adultère, mesure qui serait conforme à son obligation de protéger le droit à la vie privée inscrite dans sa constitution de 2011 et dans le droit international en matière de droits humains. Il devrait également assurer le droit des accusés à des procès équitables, pour que les tribunaux ne donnent pas automatiquement davantage de poids aux comptes-rendus de la police qu'aux preuves à décharge présentées par la défense, a affirmé Human Rights Watch.
Le code pénal marocain, dans son article 491, prévoit une peine de prison de un à deux ans pour adultère. Il stipule que l'adultère ne peut faire l'objet de poursuites judiciaires que si le conjoint de l'une des parties porte plainte. Dans ce cas précis, le mari a déposé plainte pour déclencher la procédure judiciaire, mais seulement après que la police l'eut informé qu'elle aurait pris sa femme en flagrant délit.
La manière dont la police a traité cette affaire, y compris sa surveillance de Mansouri sur une longue période, laisse à penser que des motifs autres que l'application neutre des lois sur l'adultère ont pu inspirer son arrestation et son procès, a relevé Human Rights Watch. Mansouri travaille pour l'Association marocaine pour un journalisme d'investigation, une petite organisation dont le président, le Pr. Maati Monjib, a suscité des controverses en critiquant directement le Palais royal. Monjib a cofondé d'autres associations telles que Freedom Now (« Liberté maintenant »), une organisation de défense de la liberté d'expression que les autorités ont refusé de reconnaître et dont les activités publiques ont été empêchées par la police.
Le tribunal a fondé son verdict sur un compte-rendu écrit des événements fourni par la police et sur des aveux contestés de la femme à la police, sur lesquels elle est ensuite revenue. La défense a présenté de nombreux éléments de nature à contester la version des événements présentée par la police.
Human Rights Watch a analysé de nombreux procès dans lesquels les tribunaux marocains avaient prononcé des verdicts de culpabilité sans accorder aux accusés leur droit à un procès équitable.
Se baser sur des déclarations compromettantes consignées dans des procès-verbaux préparés par la police, par des témoins ou par des plaignants sans exiger qu'ils soient cités à témoigner devant le tribunal, où les accusés ou leurs représentants peuvent les interroger à leur tour, constitue également une violation des droits des accusés. Ceci se produit fréquemment dans des affaires où sont encourues des peines de prison de moins de cinq ans. L'article 290 du Code de procédure pénale marocain stipule : « Les procès-verbaux ou rapports dressés par les officiers de police judiciaire pour constater les délits et les contraventions font foi jusqu’à preuve contraire. » Human Rights Watch a exhorté depuis longtemps à la suppression de cette disposition, qui dénie « une égalité des armes » aux deux camps opposés dans l'affaire.
Mansouri n'est pas le seul citoyen marocain doté d'un profil politique à avoir été récemment arrêté pour un prétendu adultère. Le 13 mars, la police de Casablanca a arrêté El-Mostafa Erriq, un membre de haut rang du mouvement islamiste d'opposition Justice et Spiritualité (Adl wa’l Ihsan), et une femme à qui il rendait visite. La police a maintenu Erriq et la femme en détention pendant trois jours et a informé la femme d'Erriq, mais elle les a libérés quand l'épouse d'Erriq a refusé de porter plainte.
Erriq, comme Mansouri, affirme que la police lui a tendu un piège et a fabriqué les preuves de l'adultère, y compris en le déshabillant de force et en le photographiant sur place. Dans les deux cas, la police n'a pas arrêté les accusés sur la base d'une plainte déposée par un conjoint. Plutôt, la police a affirmé avoir pris le couple en flagrant délit d'adultère, puis a invité le conjoint à déposer une plainte. Les deux affaires illustrent également le caractère intrusif des enquêtes de police sur les prétendues infractions d'adultère. La criminalisation de relations sexuelles consensuelles entre adultes, quel que soit leur statut marital, est une violation du droit au respect de la vie privée, a déclaré Human Rights Watch.
Le ministère de la Justice, dirigé par Moustapha Ramid du Parti islamiste de la Justice et du Développement (PJD), a émis le 31 mars un projet de révision du code pénal qui alourdirait la peine encourue pour adultère, en ajoutant une amende à une peine de prison. Le gouvernement marocain ne publie pas de statistiques sur le nombre de procédures judiciaires engagées pour adultère, à notre connaissance.
« Les personnes qui, au Maroc, soutiennent la pénalisation de l'adultère devraient réfléchir à ce que cela signifie », a affirmé Sarah Leah Whitson. « Les Marocains veulent-ils vraiment vivre dans un pays où la police place le téléphone des gens sur écoute et les prend en filature, fait irruption chez eux, confisquent des objets et les envoient pour expertise légale – tout cela au nom de la lutte contre l'infidélité? »
Pour consulter d'autres communiqués ou rapports de Human Rights Watch sur le Maroc, veuillez suivre le lien:http://www.hrw.org/fr/middle-eastn-africa/morocco/western-sahara
Pour de plus amples informations, veuillez contacter:À Washington, Eric Goldstein (anglais, français): +1-917-519-4736 (portable): ou goldstr@hrw.org. Suivez-le sur Twitter: @goldsteinricky
À Rabat, Brahim Elansari (arabe): +1-212-666-081-207 (portable); ou elansab@hrw.org
Lire aussi :
http://www.h24info.ma/maroc/societe/la-justice-marocaine-critiquee-par-une-importante-ong-des-droits-de-lhomme/33522
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire