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samedi 6 juin 2015

En Europe, l’horreur du marché de la torture


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SURVEILLANCE DE L’INTERNET : LA SOCIÉTÉ SOUS CONTRÔLE ?
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Par Anna Demontis, 28/5/2015
À partir du 28 mai 2015, les députés européens étudient une réforme du règlement communautaire sur le commerce des technologies pouvant être utilisées à des fins de torture ou de peine capitale. À cette occasion, Amnesty International France et la Fondation Omega publient leur quatrième rapport sur ce marché qui a représenté 1,1 milliard d’euros en 2011. Il devrait tripler d’ici 2020. Chargé de campagne Armes et Impunité pour Amnesty International France, Aymeric Elluin explique pourquoi ce commerce de l’horreur continue de prospérer en Europe.
Comment fonctionne la réglementation des technologies pouvant être utilisées à des fins de torture dans l’Union européenne (UE) ?
Depuis 2014, Amnesty International pilote la campagne Stop torture qui vise à faire reculer les mauvais traitements qui persistent malgré la ratification de la Convention des Nations Unies contre la torture, en 1984.
Le règlement européen existe depuis 2005. C’est le seul instrument juridique régional qui régule le commerce des équipements permettant la peine de mort ou la torture. Ces technologies sont classées en deux listes. L’annexe II interdit systématiquement le commerce de certains biens considérés comme n’ayant pas d’autre utilité que d’infliger la peine de mort ou des actes de torture, comme la guillotine ou la potence. L’annexe III concerne les biens qui font l’objet d’une réglementation, c’est-à-dire d’un contrôle à l’exportation. Ces produits peuvent servir légitimement, en étant, par exemple, utilisés par des forces de maintien de l’ordre (menottes, appareil à décharge électrique), mais ils sont susceptibles de concourir à des actes de torture ou d’exécution. Ces listes ont été une première fois modifiées en 2011, sous la pression des ONG. Puis, elles ont été largement complétées en 2014, avec notamment l’interdiction de la chaise de contrainte qui permet d’immobiliser les individus, des poucettes ou autres menottes qui servent à immobiliser les doigts, des boucliers munis de pointes en métal etc.

Malgré ces restrictions, le commerce de ces technologies prospère et s’accroît au sein de l’UE. Comment l’expliquez-vous ?
Le courtage pour détourner les normes européennes
Beaucoup d’entreprises européennes ont recours au courtage, qui permet d’organiser le transfert de matériel de torture en contournant les restrictions juridiques du territoire de l’Union européenne. Dans un premier cas de figure, l’équipement est produit au sein de l’UE et c’est un courtier basé basé dans l’UE qui fait le lien entre le producteur/vendeur et le client implanté dans un pays non communautaire. Autre possibilité, le courtier est un ressortissant ou une entreprise européenne, mais agit depuis l’étranger pour établir un contrat entre deux parties situées dans des États non membres sans que les équipements ne touchent le territoire européen. Parfois, il va lui-même encadrer la vente en mettant en place des systèmes de transport, de financement ou d’assurance.
L’UE a du mal à faire vivre ce règlement. Un comité devait être mis en place dès 2005, mais on constate qu’il vivote. C’est pourquoi nous demandons une réunion bi-annuelle interne à l’UE pour suivre la mise en œuvre et l’application des textes. Le règlement comporte aussi des failles qui entretiennent ce marché et qui font prospérer un certain nombre de fournisseurs européens. Déjà, il ne concerne que le commerce des équipements. Les entreprises peuvent donc produire, de façon tout à fait légitime, et faire la promotion d’outils de torture tombant sous le coup de la réglementation, à travers des foires commerciales, des catalogues et des boutiques en ligne sur Internet. Également, le fait que le courtage ne soit pas contrôlé encourage les producteurs et les vendeurs à continuer leur business. Il faut vraiment que l’activité des courtiers, qu’ils soient des personnes physiques ou morales, soit encadrée car, de fait, ils contribuent à violer le règlement en faisant transiter des produits relevant des annexes II ou III pour fournir des pays non communautaires, sans même demander d’autorisation.
Enfin, un certain nombre de produits ne sont pas intégrés dans le règlement alors qu’ils sont connus pour faciliter les actes de torture. Il y a une réelle difficulté à appréhender ces produits, alors que le marché est de plus en plus innovant dans l’optique de fournir des équipements non-létaux, mais qui sont détournés de leur objectif d’origine afin de commettre des actes atroces.
Quelles sont vos recommandations ?
Nous soutenons la réforme du règlement qui est en discussion dès le 28 mai au Parlement européen, notamment les propositions qui concernent le contrôle du courtage et du transit des technologies sur le territoire communautaire. Nous exhortons également les États membres à agir au niveau national pour intégrer en droit interne les sanctions appropriées et aller plus loin que le règlement si celui-ci n’est pas suffisamment amélioré. Il s’agit aussi de mieux diffuser l’information. Lorsque l’Europe reçoit les acteurs mondiaux du marché des équipements de torture dans le cadre de foires commerciales, les États doivent informer toutes les entreprises présentes et pas seulement les sociétés européennes.

document
Le rapport d'Amnesty Grasping the nettle: Ending Europe’s Trade in Execution and Torture Technology (ENG)


 http://www.altermondes.org/en-europe-lhorreur-du-marche-de-la-torture/

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