Par AUDE MARCOVITCH CORRESPONDANTE À
TEL-AVIV 12
/9/2014
Une
quarantaine d'anciens combattants israéliens d'une unité d'élite du
renseignement publient une lettre de révolte contre les méthodes de
l'armée.
Ce sont
les refuzniks de l’Unité 8200. Un groupe d’une quarantaine d’Israéliens ayant
servi dans cette unité de renseignement qui dépend d’Aman (le renseignement
militaire) a rédigé une lettre, envoyée au Premier ministre, au chef de
l’état-major, au commandant d’Aman et au commandant de l’Unité 8200, pour
annoncer leur refus d’effectuer leur service de réserve pour des raisons
morales. Ils estiment que leur travail de renseignement ne vise pas seulement à
protéger des attaques contre les Israéliens mais à prolonger l’occupation
militaire des Territoires palestiniens.
L’Unité
8200 est spécialisée dans les systèmes d’origine électromagnétique (Sigint) et
de déchiffrement de codes. Elle récolte les informations sur les réseaux
téléphoniques, Internet et enregistre les messages cryptés qui seront utilisés
après analyse par les capacités de renseignement d’attaque. Elle est considérée
comme une unité d’élite de Tsahal et de nombreux talents de la high-tech
israélienne y ont fait leurs premiers pas.
Voici la
traduction française de la lettre :
«Nous,
anciens combattants de l’Unité 8200, soldats réservistes par le passé et
aujourd’hui, déclarons refuser de participer aux actions contre les Palestiniens
et refuser de continuer à servir comme outils dans l’affermissement du contrôle
militaire sur les Territoires occupés.
«Il est
généralement admis que la conscription dans les renseignements militaires
échappe aux dilemmes moraux et contribue uniquement à la réduction de la
violence et des dommages envers des personnes innocentes. Néanmoins, notre
service militaire nous a démontré que le renseignement est une partie intégrale
de l’occupation militaire israélienne sur les territoires.
«La
population palestinienne sous régime militaire est complètement exposée à
l’espionnage et la surveillance des services de renseignement israéliens. Alors
qu’il existe des limitations drastiques de la surveillance des citoyens
israéliens, les Palestiniens ne bénéficient pas de cette protection. Il n’existe
pas de distinction entre les Palestiniens qui sont ou qui ne sont pas impliqués
dans des violences. L’information qui est recueillie et conservée fait du tort à
des personnes innocentes. Elle est utilisée dans le but d’une persécution
politique et pour créer des divisions au sein de la société palestinienne en
recrutant des collaborateurs et en entraînant des parties de la société
palestinienne contre elle-même. Dans de nombreux cas, les services de
renseignement empêchent les accusés de recevoir un procès équitable dans les
tribunaux militaires, alors que les preuves les concernant ne sont pas révélées.
Le renseignement autorise un contrôle continu sur des millions d’individus à
travers une surveillance approfondie et intrusive et envahit la plupart des
secteurs de la vie d’un individu. Ce qui ne permet pas aux gens de mener des
vies normales et incite à plus de violence, nous distançant toujours davantage
de la fin du conflit.
«Des
millions de Palestiniens vivent sous le régime militaire israélien depuis plus
de quarante-sept ans. Ce régime nie leurs droits fondamentaux et exproprie de
larges étendues de terre pour les colonies juives qui sont soumises à des
systèmes légaux séparés et différents et à l’application de lois différentes.
Cette réalité n’est pas un résultat inévitable des efforts de l’Etat pour se
protéger mais plutôt le résultat d’un choix. L’expansion des colonies n’a rien à
voir avec la sécurité nationale. De même en est-il des restrictions à la
construction et au développement, à l’exploitation économique de la Cisjordanie,
à la punition collective des habitants de la bande de Gaza, et du tracé actuel
de la barrière de séparation.
«Au vu de
tout cela, nous avons conclu qu’en tant que personnes ayant servi dans l’Unité
8200, nous devons assumer la responsabilité de notre participation à cette
situation et qu’il est de notre devoir moral d’agir. Nous ne pouvons pas
continuer à servir le système en bonne conscience, en niant les droits de
millions de personnes. A cet effet, ceux d’entre nous qui sont réservistes
refusent de prendre part aux actions de l’Etat contre les Palestiniens. Nous
appelons tous les soldats servant dans les unités de renseignement, passé et
présent, de même que tous les citoyens d’Israël, à dénoncer ces injustices et à
prendre des actions pour y mettre fin. Nous croyons que l’avenir d’Israël en
dépend.»
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