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samedi 12 juillet 2014

Melilla, un mur au parfum de trahison pour toute diplomatie

 par Salah Elayoubi, 9/7/2014

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La carte des têtes de pont espagnoles en territoire marocain
Depuis plusieurs mois, des titres récurrents barrent la une de certains journaux marocains. Ils évoquent l’inquiétude que susciterait auprès de l’Espagne, l’acquisition par le Maroc, de certains équipements militaires. Submersible AMUR 1650 russe ou UBOOT 209/1100 allemand, corvettes Sigma, chasseurs-bombardiers F16 et F5, frégate FREMM, base navale de Ksar Sghir, satellites espions Thales et Airbus ou  missiles air-air Raytheon, tout est bon pour susciter l’attention et faire dans le sensationnel. Les mêmes journaux en rajoutent, évoquant une augmentation extraordinaire du budget de la défense espagnole, en riposte à la menace marocaine.
Dictature rime avec géant de papier
Ce florilège où il est question de puissance militaire et qui semble, à tout le moins, avoir été soufflé, prête à sourire, car même si l’on devait croire le dernier classement réalisé par la revue britannique « Air Forces Monthly », donnant le Maroc, meilleure force aérienne d’Afrique du nord, n’importe quel  spécialiste des questions militaires vous le dira: la supériorité numérique n’a jamais suffi à défaire l'ennemi. D’autres ingrédients s'imposent pour faire la différence, comme de fins stratèges à l’Etat-major, une chaîne de commandement transparente et logique, des officiers intègres, du personnel qualifié technologiquement, une liberté d’appréciation et d’initiative et des soldats instruits. En un mot, tout ce qui fait cruellement défaut à l’armée marocaine et qui fait la différence avec le camp des démocraties dont fait résolument partie l’Espagne. Ce qui vaut pour le Maroc vaut, au demeurant, pour tous les autres pays de la région, sous la coupe de dictateurs corrompus, s’accommodant bien peu d’un entourage intègre et compétent. Un cocktail qui valut aux armées arabes leurs défaites successives, contre Israël qui, sur le papier, alignait des troupes et des équipements en infériorité numérique, mais disposait d’officiers talentueux, formés dans les meilleures écoles occidentales, de soldats aux niveaux d’instruction et de conscience élevés, le tout, sous la férule d’un commandement, dont la culture principale est à l’encouragement de l’initiative individuelle et au respect de la vie des hommes engagés sur le terrain.
Silence coupable et messages subliminaux
Les achats d’armes relèvent, en principe, du secret-défense, sauf à vouloir faire dans la démonstration de force, pour en imposer à ses adversaires potentiels. Beaucoup plus que des adversaires, le Maroc qui ne manque pas d'ennemis dans la région, compte tenu de la nature même de son régime et de sa politique fait, en l’occurrence, mine de vouloir impressionner Madrid, mais distille en réalité deux sortes de messages. Le premier, sibyllin s’adresse à l’Algérie, pour la dissuader d'encourager son allié, le Polisario, à reprendre les hostilités au Sahara.
Le second est d’ordre subliminal, à destination de nos compatriotes qui n’hésitent plus à pointer du doigt le mutisme jugé coupable du Palais, dans le dossier de Ceuta et Melilla et du chapelet de têtes de pont que continue d'occuper l'Espagne au nord du Maroc. La levée de boucliers qui avait accompagné la visite de Juan Carlos dans ces deux villes, en novembre 2007 et les allusions constantes de Mohammed VI, à l’occupation espagnole, dans chacun de ses discours, ne sont désormais plus qu’une lointaine rumeur. Tout au plus, quelques journaux évoquent-ils les promesses d’une reprise hypothétique des revendications marocaines pour 2015. Comme si la souveraineté nationale pouvait s'accommoder d'une pause.
Mais si le silence de Mohammed VI exaspère nos compatriotes, il n'en énerve pas moins les parlementaires britanniques de tout bord. Rabat qui avait fait de Londres, son allié objectif, en liant la question de Gibraltar à celle de ses territoires occupés, passe désormais, pour apporter son soutien à Madrid, par son silence. La riposte britannique ne s'est pas fait attendre. Cinglante.  Tantôt sous la forme d'appui aux thèses indépendantistes, tantôt par le biais de dénonciations des atteintes aux droits de l'homme, au Sahara, certains députés n'hésitant même plus  à s'afficher ouvertement avec des dirigeants du Polisario, à exiger le contrôle des troupes marocaines au Sahara ou encore à dénoncer la spoliation par le Maroc, des richesses naturelles de cette région.
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La barrière séparant l'enclave de Melilla du Maroc
Une barrière au parfum de trahison
Beaucoup plus grave que le silence, est la barrière que Rabat s'est mise en tête d'ériger, calquant le tracé de celle-ci, sur celle construite par l'Espagne le long de l'enclave de Melilla.  Officiellement pour mettre un terme aux assauts des migrants africains qui avaient tendance à se multiplier. Officieusement pour s'attirer les bonnes grâces de Madrid et les prébendes de Bruxelles, notre pays étant désormais passé maître dans l'art de la mendicité. Plus que l'inconscience, c'est la naïveté de Rabat qui surprend et la gravité de cette inclassable bourde qui conforte l'Espagne, dans ses bastions colonialistes et entérine de facto, le tracé des frontières, rendant toute négociation future ardue, tant il est, en diplomatie difficile, voire impossible de contester demain, ce que vous avez entériné aujourd'hui. Nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour dénoncer la construction du mur, comme un renoncement à la souveraineté du Maroc sur ses territoires. Un renoncement que d'aucuns n'hésitent plus à qualifier de trahison pure et simple, dans cette région qui a payé un si lourd tribut à la lutte contre l'envahisseur.
Les faits sont d'autant plus graves que notre diplomatie collectionne depuis quelques mois les échecs. Rabat n'en finit plus de multiplier les gages à l'intention de l'Espagne, qui sont autant de preuves de son indigence diplomatique et de sa cécité géostratégique qui lui valent, en retour, le plus profond mépris, comme cette décision rendue, au mois de juin dernier, par la cour suprême madrilène, portant sur la poursuite de l'enquête sur la mort à Gdeim-Izik de ce citoyen à la double nationalité, Baby Hamdi Boujemaa. Une décision égratignant, au passage, notre pays, avec ce considérant qui stipule que "l’Espagne continue d’être la puissance administrante de jure, sur le territoire du Sahara occidental, sur la base des résolutions des Nations unies."
Mohammed VI aura donc beau se taire, nommer au poste d'ambassadeur à Madrid, son ami d'enfance et camarade de classe Fadel Beniaich, faire condamner Said Chramti, le plus actif des militants du Comité national pour la libération de Ceuta et Melilla, s'improviser gardien des frontières sud de l'Espagne. Rien n'y fait, le voisin ibérique semble déterminé à faire payer à notre pays son manque de courage politique, son absence totale de hardiesse diplomatique ainsi que l'incompétence et l’inconsistance de ses gouvernants. Et ce ne sont pas quelques unes racoleuses qui persuaderont les marocains du contraire.

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