Depuis
plusieurs mois, des titres récurrents barrent la une de certains journaux
marocains. Ils évoquent l’inquiétude que susciterait auprès de l’Espagne,
l’acquisition par le Maroc, de certains équipements militaires. Submersible
AMUR 1650 russe ou
UBOOT 209/1100 allemand, corvettes
Sigma, chasseurs-bombardiers
F16 et F5, frégate
FREMM, base navale de Ksar
Sghir, satellites espions Thales et
Airbus ou missiles air-air
Raytheon, tout est bon pour susciter l’attention et
faire dans le sensationnel. Les mêmes journaux en rajoutent, évoquant une
augmentation extraordinaire du budget de la défense espagnole, en riposte à la
menace marocaine.
Dictature
rime avec géant de papier
Ce
florilège où il est question de puissance militaire et qui semble, à tout le
moins, avoir été soufflé, prête à sourire, car même si l’on devait croire le
dernier classement réalisé par la revue britannique « Air Forces
Monthly », donnant le Maroc, meilleure force aérienne d’Afrique du
nord, n’importe quel spécialiste des questions militaires vous le dira: la
supériorité numérique n’a jamais suffi à défaire l'ennemi. D’autres ingrédients
s'imposent pour faire la différence, comme de fins stratèges à l’Etat-major, une
chaîne de commandement transparente et logique, des officiers intègres, du
personnel qualifié technologiquement, une liberté d’appréciation et d’initiative
et des soldats instruits. En un mot, tout ce qui fait cruellement défaut à
l’armée marocaine et qui fait la différence avec le camp des démocraties dont
fait résolument partie l’Espagne. Ce qui vaut pour le Maroc vaut, au demeurant,
pour tous les autres pays de la région, sous la coupe de dictateurs corrompus,
s’accommodant bien peu d’un entourage intègre et compétent. Un cocktail qui
valut aux armées arabes leurs défaites successives, contre Israël qui, sur le
papier, alignait des troupes et des équipements en infériorité numérique, mais
disposait d’officiers talentueux, formés dans les meilleures écoles
occidentales, de soldats aux niveaux d’instruction et de conscience élevés, le
tout, sous la férule d’un commandement, dont la culture principale est à
l’encouragement de l’initiative individuelle et au respect de la vie des hommes
engagés sur le terrain.
Silence
coupable et messages subliminaux
Les
achats d’armes relèvent, en principe, du secret-défense, sauf à vouloir faire
dans la démonstration de force, pour en imposer à ses adversaires potentiels.
Beaucoup plus que des adversaires, le Maroc qui ne manque pas d'ennemis dans la
région, compte tenu de la nature même de son régime et de sa politique fait, en
l’occurrence, mine de vouloir impressionner Madrid, mais distille en réalité
deux sortes de messages. Le premier, sibyllin s’adresse à l’Algérie, pour la
dissuader d'encourager son allié, le Polisario, à reprendre les hostilités au
Sahara.
Le
second est d’ordre subliminal, à destination de nos compatriotes qui n’hésitent
plus à pointer du doigt le mutisme jugé coupable du Palais, dans le dossier de
Ceuta et Melilla et du chapelet de têtes de pont que continue d'occuper
l'Espagne au nord du Maroc. La levée de boucliers qui avait accompagné la visite
de Juan Carlos dans ces deux villes, en novembre 2007 et les allusions
constantes de Mohammed VI, à l’occupation espagnole, dans chacun de ses
discours, ne sont désormais plus qu’une lointaine rumeur. Tout au plus, quelques
journaux évoquent-ils les promesses d’une reprise hypothétique des
revendications marocaines pour 2015. Comme si la souveraineté nationale pouvait
s'accommoder d'une pause.
Mais
si le silence de Mohammed VI exaspère nos compatriotes, il n'en énerve pas moins
les parlementaires britanniques de tout bord. Rabat qui avait fait de Londres,
son allié objectif, en liant la question de Gibraltar à celle de ses territoires
occupés, passe désormais, pour apporter son soutien à Madrid, par son silence.
La riposte britannique ne s'est pas fait attendre. Cinglante. Tantôt sous la
forme d'appui aux thèses indépendantistes, tantôt par le biais de dénonciations
des atteintes aux droits de l'homme, au Sahara, certains députés n'hésitant même
plus à s'afficher ouvertement avec des dirigeants du Polisario, à exiger le
contrôle des troupes marocaines au Sahara ou encore à dénoncer la spoliation par
le Maroc, des richesses naturelles de cette région.
Une
barrière au parfum de trahison
Beaucoup
plus grave que le silence, est la barrière que Rabat s'est mise en tête
d'ériger, calquant le tracé de celle-ci, sur celle construite par l'Espagne le
long de l'enclave de Melilla. Officiellement pour mettre un terme aux assauts
des migrants africains qui avaient tendance à se multiplier. Officieusement pour
s'attirer les bonnes grâces de Madrid et les prébendes de Bruxelles, notre pays
étant désormais passé maître dans l'art de la mendicité. Plus que
l'inconscience, c'est la naïveté de Rabat qui surprend et la gravité de cette
inclassable bourde qui conforte l'Espagne, dans ses bastions colonialistes et
entérine de facto, le tracé des frontières, rendant toute négociation future
ardue, tant il est, en diplomatie difficile, voire impossible de contester
demain, ce que vous avez entériné aujourd'hui. Nombreuses sont les voix qui
s'élèvent pour dénoncer la construction du mur, comme un renoncement à la
souveraineté du Maroc sur ses territoires. Un renoncement que d'aucuns
n'hésitent plus à qualifier de trahison pure et simple, dans cette région qui a
payé un si lourd tribut à la lutte contre l'envahisseur.
Les
faits sont d'autant plus graves que notre diplomatie collectionne depuis
quelques mois les échecs. Rabat n'en finit plus de multiplier les gages à
l'intention de l'Espagne, qui sont autant de preuves de son indigence
diplomatique et de sa cécité géostratégique qui lui valent, en retour, le plus
profond mépris, comme cette décision rendue, au mois de juin dernier, par la
cour suprême madrilène, portant sur la poursuite de l'enquête sur la mort à
Gdeim-Izik de ce citoyen à la double nationalité,
Baby Hamdi Boujemaa. Une décision égratignant, au
passage, notre pays, avec ce considérant qui stipule que "l’Espagne
continue d’être la puissance administrante de jure, sur le territoire du Sahara
occidental, sur la base des résolutions des Nations unies."
Mohammed
VI aura donc beau se taire, nommer au poste d'ambassadeur à Madrid, son ami
d'enfance et camarade de classe Fadel Beniaich, faire
condamner Said Chramti, le plus actif des militants du
Comité national pour la libération de Ceuta et Melilla, s'improviser gardien des
frontières sud de l'Espagne. Rien n'y fait, le voisin ibérique semble déterminé
à faire payer à notre pays son manque de courage politique, son absence totale
de hardiesse diplomatique ainsi que l'incompétence et l’inconsistance de ses
gouvernants. Et ce ne sont pas quelques unes racoleuses qui persuaderont les
marocains du contraire.
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