Auteur(s) : Assemblée parlementaire, 7/7/2014
Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance) (voir Doc. 13526, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Liliane Maury Pasquier; et Doc. 13544,
avis de la commission des questions juridiques et des droits de
l’homme, rapporteure: Mme Maria Teresa Bertuzzi). Texte adopté par
l’Assemblée le 25 juin 2014 (24e séance).
1. L'Assemblée parlementaire se félicite des progrès effectifs réalisés
par le Maroc au sujet de diverses questions relatives aux droits de
l'homme et à la démocratie, tel que souligné dans la Résolution 1942 (2013)
sur l'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le
Parlement du Maroc, y compris de la création, en 2011, du Conseil
national des droits de l'Homme (CNDH) marocain et d'autres organisations
de protection des droits de l'homme.
2. En même temps, l'Assemblée rappelle que selon les termes de sa Résolution 1818 (2011)
accordant le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du
Maroc le 21 juin 2011, elle attend du Maroc qu'il continue à rechercher
des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément
à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, l'Assemblée a
spécifiquement appelé le Parlement du Maroc «à contribuer davantage au
règlement de la question du Sahara occidental, conformément aux
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies».
3. Aujourd'hui, trois ans plus tard, l'Assemblée reste préoccupée par la
lenteur des progrès dans la recherche d'une solution politique juste et
durable au conflit du Sahara occidental, qui reste source d'épreuves et
de souffrances depuis presque 40 ans.
4. L'Assemblée note notamment que le Sahara occidental reste un
territoire disputé, considéré comme «territoire non autonome» par les
Nations Unies et administré de fait par le Maroc, et qu'une partie de la
population sahraouie du territoire et des réfugiés des camps de Tindouf
en Algérie, liée au Front Polisario, s'oppose à cette situation. A cet
égard, l'Assemblée:
4.1. appuie la Résolution 2152 (2014) du Conseil de sécurité des Nations
Unies et demande aux parties de poursuivre les négociations sous les
auspices du Secrétaire général des Nations Unies, sans conditions
préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts faits depuis
2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une
solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui
pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le
contexte d'arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la
Charte des Nations Unies;
4.2. prend note de la proposition marocaine et des efforts sérieux et
crédibles qui sous-tendent cette proposition visant à accorder une large
autonomie à la population sahraouie, qui serait dotée de ses propres
organes législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que de ressources
financières lui permettant de se développer;
4.3. encourage les parties à renforcer la participation des Sahraouis
aux négociations politiques, conformément au «principe de la primauté
des intérêts des habitants [des] territoires [non autonomes]» énoncé par
l’article 73 de la Charte des Nations Unies;
4.4. prend note de la proposition du Front Polisario, qui considère que
la solution au conflit doit passer par l'exercice, par le peuple
sahraoui, de son droit à l'autodétermination à travers un référendum;
4.5. prend note des obstacles à l'organisation d'un référendum et,
notamment, à l'identification des électeurs, dont est chargée la Mission
des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara
occidental (MINURSO), qui, à l'heure actuelle, veille au respect du
cessez-le-feu, et soutient les mesures de confiance visant à répondre
aux besoins des familles sahraouies déplacées ainsi que les programmes
de déminage de la région;
4.6. souligne que le statu quo engendre, en particulier chez les jeunes,
une frustration croissante qui risque de générer de la violence dans
toute la région sahélo-saharienne;
4.7. encourage les parties à maintenir le dialogue, à rester en contact
de manière constructive avec l'Envoyé personnel du Secrétaire général
des Nations Unies pour le Sahara occidental, et à faire preuve de
réalisme et d'un esprit de compromis pour aller de l'avant dans les
négociations;
4.8. rappelle que la question des droits de l'homme reste un élément
essentiel de tout règlement global du conflit et souligne que leur
respect doit être immédiatement assuré au Sahara occidental ainsi que
dans les camps de réfugiés de Tindouf, sans préjuger d’un règlement
politique du conflit à propos du statut du territoire;
4.9. se félicite du récent projet de loi approuvé par le Conseil des
ministres du Maroc le 14 mars 2014 relatif à la réforme de la justice
militaire, visant à mettre fin à la pratique de juger des civils devant
un tribunal militaire, quels que soient les crimes commis, ainsi que de
la création d'un réseau de parlementaires contre la peine de mort au
sein du Parlement du Maroc;
4.10. prend note, avec satisfaction, des efforts consentis par le Maroc
pour la promotion et la protection des droits de l'homme à travers
notamment le renforcement de ses institutions nationales des droits de
l'homme, et pour la poursuite de son interaction positive avec les
mécanismes de Procédures spéciales des Nations Unies, conformément à ses
obligations internationales. Il s'agit notamment du renforcement du
rôle du CNDH et la nomination de personnes de contact au niveau
ministériel pour donner suite aux recommandations du CNDH, en
particulier aux bureaux de Laâyoune et de Dakhla;
4.11. s'inquiète néanmoins d'un certain nombre d'allégations de
violations des droits de l'homme au Sahara occidental, en particulier en
matière de libertés d'expression, de réunion et d'association, ainsi
que des allégations de torture, de traitements inhumains ou dégradants
ou de violation du droit à un procès équitable;
4.12. s'inquiète également des allégations de violations des droits de
l'homme dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, notamment en
matière de libertés d'expression, de réunion, d'association et de
circulation, ainsi que de la situation humanitaire dans les camps,
aggravée par la crise économique mondiale, le chômage, l'absence de
perspectives et une situation extrêmement préoccupante et instable au
Sahel;
4.13. constate avec satisfaction que, depuis mars 2004, les visites des
familles se déroulent de manière satisfaisante entre les camps de
réfugiés et les territoires du Sahara occidental et invite les deux
parties à continuer de coopérer avec le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) et la MINURSO pour le bon déroulement de
ces visites des familles.
5. Plus particulièrement, l'Assemblée appelle les autorités marocaines:
5.1. à intensifier les efforts et la coopération avec le CNDH et le
Comité international de la Croix Rouge (CICR) afin de retrouver les
personnes qui restent portées disparues dans le cadre du conflit, et à
procéder à l'exhumation et à la restitution des dépouilles aux familles;
5.2. à mettre en œuvre les recommandations issues des Procédures
spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, avec
lequel le CNDH, l'Institut du médiateur et la Délégation
interministérielle aux Droits de l'Homme coopèrent activement;
5.3. à garantir la liberté d'expression et réviser certains articles du
Code de la presse, la loi sur les associations ainsi que les autres lois
qui rendent illégaux les discours et les activités politiques et de la
société civile considérés comme portant atteinte à «l'intégrité
territoriale» du Maroc, et garantir la liberté de mouvement des
journalistes et des visiteurs étrangers qui se rendent au Sahara
occidental;
5.4. à respecter le droit des personnes à se réunir pacifiquement, y
compris celui des défenseurs de l'autodétermination du peuple sahraoui,
et s'assurer que toute restriction soit temporaire et limitée au strict
nécessaire;
5.5. à assurer le respect de la loi marocaine sur les associations en
mettant fin à la pratique qui consiste à refuser, pour des raisons
formelles, les documents de constitution déposés par des associations de
la société civile sahraouie non enregistrées;
5.6. à veiller à ce que l'action de la police reste proportionnelle et
renforcer les programmes de formation aux droits de l'homme à
l’intention des membres des forces de l'ordre ainsi que des juges et des
procureurs, en partenariat avec le Conseil de l'Europe;
5.7. à organiser des enquêtes indépendantes pour déterminer la
responsabilité de la police marocaine suite aux plaintes de civils
concernant des violations des droits de l'homme au Sahara occidental,
examiner toutes les allégations de torture et s'assurer qu'aucune
déclaration obtenue par la force ne soit admise comme preuve;
5.8. à accorder aux accusés du procès des événements de Gdeim Izik de
décembre 2010 le droit d'être jugés de nouveau par un tribunal civil, en
accord avec la proposition d’un projet de loi stipulant que les civils
ne devront plus répondre de leurs actes, quels que soient les crimes
commis, devant un tribunal militaire;
5.9. à poursuivre les efforts accomplis au sujet de l'abolition de la
peine de mort et déclarer entretemps un moratoire de jure sur les
exécutions;
5.10. à renforcer le rôle des institutions marocaines de protection des
droits de l'homme, en particulier le CNDH, par rapport à la situation
des droits de l'homme au Sahara occidental;
5.11. signer l'Appel de Genève sur l'interdiction totale des mines
antipersonnel et adhérer à la Convention des Nations Unies sur
l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du
transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
6. L'Assemblée invite également les représentants du Front Polisario et l'Algérie:
6.1. à permettre au HCR de conduire un recensement et de procéder à
l'enregistrement et à l'identification des populations des camps de
Tindouf pour établir le nombre effectif des réfugiés dans ces camps;
6.2. à inviter les experts indépendants des droits de l’homme
(«Procédures spéciales») du Conseil des droits de l'homme des Nations
Unies à se rendre dans toutes les parties de la région;
6.3. à veiller à l'amélioration de la situation humanitaire des réfugiés
dans les camps de Tindouf et s'acquitter des obligations au regard du
droit humanitaire;
6.4. à coopérer avec le Comité international de la Croix Rouge (CICR) et
les mécanismes de Procédures spéciales des Nations Unies pour élucider
la situation des cas des disparus marocains dans les camps de Tindouf
sur le territoire algérien;
6.5. à coopérer avec les Nations Unies pour un règlement juste et
définitif de ce conflit, faire preuve de réalisme et d'une attitude
constructive dans les négociations et intensifier le dialogue sur toute
question concernant les droits de l'homme dans les camps des réfugiés;
6.6. à garantir le respect des droits d'expression, de réunion et
d'association pour tous les résidents des camps, y compris en s'assurant
qu'ils sont libres de prôner des options pour le Sahara occidental
autres que l'indépendance;
6.7. à garantir aux résidents des camps le respect de leur liberté de
circulation, y compris, si tel est leur souhait, de quitter les camps et
s'installer sur le territoire du Sahara occidental;
6.8. à développer une culture des droits de l'homme dans les camps de
réfugiés et organiser des programmes de formations aux droits de l'homme
à l’intention des membres des forces de l'ordre ainsi que des juges et
des procureurs, des membres des institutions et des représentants de la
société civile.
7. L'Assemblée encourage toutes les institutions parlementaires de la
région à prendre une part plus active et à s'impliquer davantage dans la
recherche de solutions qui permettent de faciliter les négociations
afin de consolider la confiance mutuelle entre les parties au conflit, y
compris en facilitant des échanges directs.
8. En particulier, l'Assemblée invite le Parlement du Maroc, dans le cadre des engagements pris dans le cadre de la Résolution 1818 (2011) lui accordant le statut de partenaire pour la démocratie:
8.1. à encourager le Gouvernement marocain à mettre en œuvre toutes les
recommandations formulées dans le cadre des Nations Unies et du CNDH, et
à continuer à développer une véritable culture des droits de l'homme au
Sahara occidental;
8.2. à s'ouvrir au dialogue avec les associations de la société civile
sahraouie non enregistrées et les défenseurs des droits de l'homme, avec
les autorités du Front Polisario basées dans les camps de Tindouf, tel
le Conseil national sahraoui, ainsi qu'avec les parlementaires
algériens, afin de développer la confiance mutuelle et faciliter les
négociations.
9. L'Assemblée appelle également tous les Etats membres du Conseil de l'Europe:
9.1. à redoubler et conjuguer leurs efforts dans la recherche d'une
solution politique juste et définitive au conflit, qui permette
l'instauration de la sécuritéet d'une stabilité durables dans la région
sahélo-saharienne;
9.2. à fournir des fonds d'urgence au programme visant à renforcer la
confiance et au programme d'exécution du mandat du HCR dans les camps de
réfugiés de Tindouf.
10. Enfin, l'Assemblée estime que les avancées réalisées par le Maroc en
matière de droits de l'homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en
œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en
compte dans le prochain rapport d'évaluation du partenariat pour la
démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015. Dans ce
contexte, l'Assemblée reste prête à faciliter les échanges directs entre
les parties concernées.
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