Par Naîma Cherii, Libération Maroc, 5/6/2014
Victimes collatérales du nouveau système des prix d’entrée des fruits et légumes sur le marché européen
La situation des
travailleurs agricoles est de plus en plus difficile. Et la dernière décision du
Parlement européen d’imposer un nouveau système des prix d’entrée des fruits et
légumes n’arrange pas vraiment les choses. A en croire des syndicalistes de la
région de Souss-Massa-Draâ, les ouvriers agricoles sont loin d‘avoir le moral au
beau fixe. En cause, les nombreux licenciements qu’il y a eu récemment dans
certaines unités de la région, en raison des nouvelles restrictions imposées à
l’entrée du marché européen, selon ces mêmes sources.
La Fédération nationale du secteur agricole s’inquiète pour les
travailleurs des exploitations agricoles de Souss-Massa-Draâ et a décidé de
tenir un point de presse, ce jeudi 5 juin, à Agadir afin de demander aux
différents opérateurs du secteur des fruits et légumes de ne pas exploiter la
crise pour bafouer les droits de leurs ouvriers.
Les propriétaires des 800 unités agricoles que compte la région de
Souss-Massa-Draâ sont tenus de respecter les règles de la concertation sociale
et ne doivent en aucun cas profiter de la crise actuelle du secteur des fruits
et légumes pour licencier leurs travailleurs, Lahoucine Boulbarj, syndicaliste
de l’UMT et membre de ladite Fédération.
Ce dernier nous a déclaré que si rien n’était fait pour protéger les
ouvriers, de 8.000 à 10.000 d’entre eux perdront leurs emplois, ce qui aura des
effets très négatifs sur le plan social.
«Ces derniers temps, on parle beaucoup de la crise qui menace aujourd’hui
le secteur agricole. Cette crise est liée à la problématique de l’eau. Car, pour
la deuxième année consécutive, la région connaît une sécheresse aiguë. Mais elle
est surtout liée au problème des nouvelles restrictions que les exportations
marocaines devront subir sur le marché européen, lors de la prochaine campagne
agricole», explique Lahoucine Boulbarj.
Ce dernier indique qu’«en raison de la nouvelle décision du Parlement
européen d’imposer un nouveau système des prix d’entrée des fruits et légumes à
partir de la prochaine saison, une douzaine de grandes pépinières (courgette et
tomates) ont déjà arrêté leur production, depuis quelques semaines. Quelque
2.000 ouvriers sont aujourd’hui sans emploi et ont perdu tous leurs droits
sociaux à cause de cette mise au chômage technique ».
Et le même syndicaliste d’ajouter, non sans inquiétude que «vu la crise et
les nouvelles restrictions, il y a eu également un retard en matière de
préparation de la prochaine campagne agricole». En cette période de l’année,
poursuit-il, «on devait déjà commencer la préparation des terrains. Mais, on a
appris qu’il y aura un retard à ce niveau». Car, dit-il, «les investisseurs ont
décidé de ne pas emblaver la totalité des terrains pour la prochaine campagne».
D’après le même syndicaliste de l’UMT, «près de 80% des travailleurs ont déjà
été contraints de partir en congé forcé, à cause de la décision de ces
investisseurs». Notre interlocuteur craint que cette crise ne soit exploitée par
certains propriétaires de la région de Souss-Massa-Draâ. «Les licenciements ont
nettement augmenté cette année. Notamment dans certaines unités de la région»,
déplore la même voix syndicaliste, laquelle accuse certains investisseurs
étrangers de ne pas respecter le Code du travail. Avant de conclure, non sans
colère : «Ces gens n’hésitent pas à se débarrasser de leurs anciens ouvriers. De
plus, rien qu’en avril 2014, six syndicalistes ont été licenciés par ces mêmes
investisseurs sans respect de la loi ni justification plausible. Et si les
responsables ne font rien pour appliquer la loi et imposer le respect des
libertés syndicales, la situation risque de se dégrader dangereusement».
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