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samedi 17 mai 2014

Pour le gouvernement Benkirane, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une priorité




Libération

Narjis Rerhaye, 15/5/2014
L’Instance pour la parité et la  loi contre la violence fondée sur le genre dans les tiroirs
L’anecdote fait grincer des dents. Cela s’est passé à la dernière rencontre de la majorité réunie en grande pompe pour adopter sa nouvelle charte. A la tribune, il n’y a que des hommes. Entre les leaders et les présidents de groupes parlementaires appartenant à la coalition au pouvoir, il n’y a pas l’ombre d’une femme. 
Ce jour-là, les femmes de la majorité, qu’elles soient ministres ou parlementaires, sont en retrait, placées en simples spectatrices d’un événement dont elles ne sont probablement pas actrices. Parmi les présentes à cette grand-messe de la majorité nouvelle version, l’ancienne ministre  du Développement social, de la Famille et de la Solidarité sous le gouvernement d’Abbas El Fassi  Nouzha Skalli. La députée PPS s’empresse d’en faire la remarque au chef du gouvernement lui enjoignant d’appeler au moins les femmes à ses côtés pour la signature de la charte de la coalition.  « Qu’une femme nous rejoigne à la tribune pour faire des youyous », répond alors le chef du gouvernement et chef de file de la majorité Abdelilah Benkirane dans un énorme mépris à la moitié de la société. 
Rire gras dans la salle. La gêne est perceptible sur certains visages.
 C’est exactement ce jour-là et après avoir entendu M. Benkirane réduisant l’action des Marocaines aux youyous que Nouzha Skalli a pris sa décision de faire acte de sa candidature pour le poste de secrétaire général du PPS, sa famille politique. «C’est  la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », confie-t-elle. Et de poursuivre : « Il est urgent que les Marocaines soient au cœur du pouvoir politique. C’est à ce niveau que leur avenir se décide. C’est l’une des principales raisons pour laquelle je me suis portée candidate. Mon objectif est de remettre au premier plan  la question des femmes et de l’égalité. Il faut bien le dire, cette question ne semble plus être une priorité pour ce gouvernement».
Cette petite phrase prononcée par Benkirane –«qu’une femme vienne nous rejoindre pour faire des youyous»- en dit long sur la gouvernance de la question féminine en terre marocaine.
Pas de politique publique portant sur l’égalité
 Plus que jamais, les acquis des Marocaines, arrachés de haute lutte, sont menacés. Le mariage des mineures, les violences à l’encontre des femmes, l’impunité pour les délits fondés sur le genre, l’inégalité dans l’accès aux postes de responsabilité et dans les salaires, etc ; sont autant de points noirs dans la vie quotidienne de la moitié de notre société. 
En avril dernier, plusieurs dizaines d’associations féminines et de défense des droits humains ont organisé  une marche de l’égalité à Rabat. L’objectif est clairement brandi : la nécessaire application de l’article 19 de la Constitution et la mise en œuvre d’une politique assurant l’égalité entre les femmes et les hommes.
« L'article 19 stipule que les hommes et les femmes sont égaux dans leurs droits politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux et que l’on doit mettre fin à toutes les formes d'inégalité : la violence domestique, le mariage de mineures, l'inégalité des salaires, la polygamie et l'analphabétisme », rappelle cette activiste du mouvement féminin.
Après 3 années aux commandes du pouvoir, le gouvernement Benkirane n’a pas encore réussi à produire la moindre mesure en faveur des Marocaines. « Mais où est donc passé le projet de loi relatif à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes? » s’interroge cette membre fondatrice de l’Association marocaine des femmes du Maroc (ADFM). On s’en souvient, un projet de loi  avait  été présenté en Conseil de gouvernement, il y a quelques mois,  par Bassima Haqqaoui, la ministre islamiste de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social. Le texte   avait provoqué la colère du mouvement féminin qui n’avait pas été consulté.  Les activistes des droits des femmes n’ont pas été les seules à rejeter le projet de loi de B. Haqqaoui. Les alliés de la majorité n’ont pas été convaincus par les propositions de la ministre voilée. Résultat, le projet de loi sur la lutte contre la violence à l’encontre des femmes  a été renvoyé devant une commission ministérielle, présidée par le chef du gouvernement himself.  Copie à revoir ou projet enterré ? La question s’est posé avec insistance au sein de la société. Le Conseil national des droits de l’Homme s’est fort heureusement saisi du dossier. Le 8 mars dernier, l’instance que préside Driss El Yazami a rendu publiques leurs recommandations pour que la lutte contre la violence faite aux femmes soit efficiente. « Le projet de loi sur la lutte contre la violence à l’encontre des femmes ne doit surtout pas faire l’objet de surenchères politiciennes. Une telle loi doit être au contraire au cœur d’un consensus et d’une mobilisation nationaux»,  a prévenu le président du CNDH lors d’une conférence de presse présentant les principales recommandations du conseil relatives à la lutte contre la violence faite aux femmes.
Les rendez-vous manqués du gouvernement Benkirane
Sur le chemin de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’Exécutif multiplie les ratages et les rendez-vous manqués. Ainsi en est-il pour l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, (APALD). Une autre instance prévue par la Constitution et qui n’a toujours pas vu le jour. Les conclusions du comité scientifique chargé «d’étudier les propositions relatives à l’Instance de la parité et contre la discrimination contre les femmes» n’ont pas été rendues publiques d’autant que dès sa mise en place, ce comité a suscité la colère du mouvement féminin. Les défenseures des droits des femmes ont en son temps fortement réagi à « la mainmise du ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social que dirige l’islamiste Bassima Hakkaoui sur une autorité qui doit être d’abord et avant tout indépendante du pouvoir exécutif ». « Nous avons tiré la sonnette d’alarme à l’installation de ce comité par Mme Hakkaoui car nous craignions que l’APALD ne soit soumise à la pression idéologique d’un gouvernement conservateur à tendance islamiste », rappelle cette militante du Printemps  féminin pour la démocratie et l’égalité, ne cachant pas sa crainte de voir une telle autorité « s’islamiser».
Le gouvernement Benkirane II va-t-il inverser la tendance et faire enfin du principe constitutionnel de l’égalité une priorité ? « Tout semble indiquer exactement le contraire. Au-delà du fait que la femme ne soit qu’une anecdote pour le chef du gouvernement, l’agenda de l’égalité est loin d’être une priorité pour cet Exécutif. A l’évidence, le gouvernement  fait la sourde oreille concernant les revendications du mouvement des femmes relatives à la protection des femmes contre la violence et la discrimination et ignore complètement les droits humains des femmes, en particulier ceux  énoncés dans l’article 19 de la Constitution », conclut avec amertume cette parlementaire de l’opposition. 

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