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lundi 21 mars 2011

Billet pour M. Alain Juppé ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes français.

Par Elabadila Chbihna ,lakome, 19/3/2011

Dans votre intervention, du 17 mars 2011, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies au sujet des évènements tragiques que connait le peuple libyen dans sa lutte contre l'absolutisme et la dictature, vous avez déclaré que « Au Maroc, dans un discours courageux et visionnaire, le roi Mohamed VI a annoncé la mise en place d’une monarchie constitutionnelle. »

M. le Ministre, le Maroc est une "monarchie constitutionnelle" depuis la constitution de 1962, mais selon une tradition absolutiste bien marocaine. Contrairement aux monarchies constitutionnelles modernes, au Maroc la constitution ne limite pas les pouvoirs du Roi. Au contraire, elle les rend absolus. Votre lapsus est plus que bienvenu. Il montre à quel point vous êtes éloignés de nos réalités mais vous persistez, à l'instar de votre prédécesseur, à les juger avec précipitation.

M. le Ministre, les revendications politiques du mouvement du 20 février, auxquels le discours royal n'a pas répondu malgré l'effet d'annonce duquel il a bénéficié, sont simples et bien claires. Concernant la monarchie, le mouvement revendique l’abolition de la sacralisation de la personne du Roi (Article 23 de la Constitution de 1996), l’abolition du pouvoir absolu conféré au Roi (Article 19 de la constitution de 1996) , l’abolition des pouvoirs opérationnels étendus et détaillés sur tous les processus de la décision publique desquels jouit le Roi sans partage (dans l’ordre : Articles 30, 31, 24, 62, 25, 66, 67, 68, 69, 70, 71 et 72 de la Constitution de 1996 ) pour ne citer que ceux là. Le discours royal, auquel vous faites allusion, versait tantôt dans les détails, tantôt dans le flou. Il traite avec détail quand il s’agit de rendre constitutionnel le « Conseil de Gouvernement » qui n’a aucune autorité et présidé par le premier ministre au lieu du « Conseil des Ministres » qui a toute l’autorité sur les affaires de l’Etat présidé par le Roi. Il est flou quand il s'agit de l’application des recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation (IER), en parlant de « recommandations judicieuses de l'IER ». Il reste ambigu aussi en traitant de la souveraineté de la nation au lieu de celle du peuple, dans l'actuelle Constitution le Roi est le représentant suprême de la nation (Article 19 de la Constitution de 1996).

Je ne veux pas vous encombrer par les détails, mais vous avez daigné traiter de sujets intérieurs qui apparemment vous échappent. Il s’agit de vous préciser que, dans le discours royal, les pouvoirs absolus du Roi ont été exclus, tant implicitement qu'explicitement, du périmètre de la révision de la constitution. Comme il s’agit d'appeler vos analystes à prendre un peu plus de temps pour mieux étudier les faits, les opinions et les propositions des uns et des autres avant de vous induire en erreur, vous et votre Président.

La modernisation et l'assainissement de l'économie nationale constitue une brique principale dans nos revendications. Ce volet a été superbement ignoré par le discours royal. Dans un déni total, le discours n’a parlé ni de corruption, ni de passes droits, ni de la rente, ni des monopoles (la SNI, holding royale, en prime), ni du népotisme, ni de la cupidité de son entourage encore moins de l'environnement juridique des affaires.

Monsieur le Ministre, dans ce volet, en bénéficiant de la mansuétude de la maison royale et de quelques passe droits, les intérêts français au Maroc deviennent de plus en plus importants; ainsi le stock de l’IDE* français au Maroc en 2008 était de 90 milliards de dirhams, soit un triplement par rapport à 2004 et il a été quasiment multiplié par 8 par rapport à 2000. Mais, au lieu d’être une source de richesse et de bien être pour les marocains et de modernisation de leur économie, cette importance est entrain d’entraver les processus de réforme de l’économie marocaine dans le cadre des engagements de l'état marocain pour accéder à un Statut avancé avec l’Union européenne. Ainsi, vous n’êtes pas sans savoir que le Président de la république française M. Nicolas Sarkozy a obtenu, lors de sa visite au Maroc en 2007, un contrat de mise en œuvre d'une ligne de "Train à Grande Vitesse" d’un montant de 20 milliards de Dirham (~ 2 milliard d’Euros), au profit d’une compagnie française sans appel d’offres. Cette passation qui déroge aux règles de transparence en matière de marchés publics a été sanctionné par la Banque Européenne de l'Investissement en décembre 2010 en refusant de financer une partie du budget dudit contrat (un premier refus en trente ans de coopération économique).

Aujourd'hui, pour des raisons personnelles, d’État et ou encore de profit économique, votre exécutif est prêt à piétiner les efforts du Maroc pour améliorer le bien être de ses habitants, moderniser ses structures de gouvernement et autonomiser son économie. Les déclarations répétitives de vos responsables et celles de votre président, ainsi que la façon avec laquelle vous gérez nos rapports politiques et économiques, portent atteinte à l'image du Maroc et aux intérêts vitaux de son peuple, désormais perçu à l'international comme chasse gardée de l'Élysée.

IDE : Les investissements directs à l'étranger, ou investissements directs étrangers

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