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vendredi 29 janvier 2010

Human Rights Watch : Rapport mondial 2010

Afrique du Nord : Une nette détérioration des droits humains en 2009
par HRW, 27/1/2010
La situation des droits humains s'est essentiellement dégradée en Afrique du Nord, conclut le rapport


Chapitre Maroc (traduction française)

Chapitre Tunisie (traduction française)

Chapitre Algérie (traduction française)


"Le Maroc a réprimé durement les personnes qui ont brisé les tabous en exprimant des critiques à propos de la monarchie, de l'Islam et du Sahara occidental. Les présidents algérien et tunisien, tous deux réélus après l'amendement des constitutions respectives de leurs pays pour leur permettre de se représenter, n'ont  permis aucun élargissement de l'espace accordé à l'opposition."
Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen Orient et l'Afrique du Nord à Human Rights Watch

(Rabat) - La situation des droits humains s'est détériorée à travers l'Afrique du Nord en 2009, où les procès inéquitables dans les affaires politiques ont été la règle et où les journalistes et associations indépendants ont dû fonctionner dans un espace de plus en plus étroit, a observé Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2010.
Le Maroc, l'Algérie et la Tunisie font partie des 15 pays de l'Afrique du Nord et du Moyen Orient, et des plus de 90 pays du monde analysés dans le Rapport mondial 2010, qui constitue le 20ème bilan annuel de Human Rights Watch des pratiques en matière de droits humains dans le monde et dont l'édition anglaise fait 612 pages. Le rapport affirme que les gouvernements qui se sont rendus coupables de graves violations des droits humains au cours de l'année passée ont intensifié leurs attaques contre les militants des droits humains, ainsi que les organisations de défense des droits humains qui rendent compte de ces violations.
« Le Maroc a réprimé durement les personnes qui ont brisé les tabous en exprimant des critiques à propos de la monarchie, de l'Islam et du Sahara occidental », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen Orient et l'Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les présidents algérien et tunisien, tous deux réélus après l'amendement des constitutions respectives de leurs pays pour leur permettre de se représenter, n'ont  permis aucun élargissement de l'espace accordé à l'opposition. »
Le rapport estime que la situation des droits humains s'est globalement détériorée au Maroc, sapant les progrès réalisés au début de la décennie. Le gouvernement a incarcéré le rédacteur en chef d'un magazine ainsi qu'un militant des droits humains pour avoir évoqué des sujets sensibles ; il a multiplié pour des raisons politiques les restrictions du droit des militants sahraouis de voyager librement, et condamné des militants politiques lors de procès inéquitables. Le Président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, réélu pour la cinquième fois sans aucune opposition véritable, n'a toléré pratiquement aucune forme de contestation, recourant à des procès inéquitables et à des policiers en civil omniprésents pour étouffer la capacité des Tunisiens à s'exprimer et à s'associer librement. Le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, lui aussi largement réélu, a maintenu l'état d'urgence en Algérie, dans le cadre duquel les libertés civiles, notamment le droit d'organiser des réunions et des manifestations, sont étroitement contrôlées.
Maroc
Une législation répressive punit ceux qui critiquent le gouvernement
Le Maroc conserve une société civile dynamique et une presse indépendante. Toutefois le gouvernement, aidé par des tribunaux complaisants, a recours à une législation répressive pour punir et emprisonner des opposants non violents, en particulier ceux qui violent les tabous en critiquant le roi ou la monarchie, en contestant la « marocanité » du Sahara occidental, ou en « dénigrant » l'Islam.
Le gouvernement  s'appuie sur des lois prévoyant des peines de prison pour diffusion de propos « diffamatoires » ou de « fausses informations » pour poursuivre en justice les auteurs d'articles et de reportages critiques. Driss Chahtane, éditeur de l'hebdomadaire al-Mish'al, est en prison depuis le mois d'octobre pour avoir publié un article sur la santé du roi. Un militant des droits humains, Chekib el-Khayari, de Nador, achève de purger la première année d'une peine de trois ans de prison pour « outrages aux institutions de l'Etat » après qu'il eut accusé certains fonctionnaires marocains de complicité dans le trafic de stupéfiants. Le 14 novembre, les autorités marocaines ont expulsé sommairement une militante sahraouie, Aminatou Haidar, sous le prétexte qu'elle aurait renoncé à sa citoyenneté marocaine par la façon dont elle avait rempli sa fiche d'entrée à la frontière. Cédant aux pressions internationales, le gouvernement l'a autorisée à rentrer chez elle au bout de 33 jours.
Le 28 juillet, la Cour d'appel de Rabat a déclaré les 35 accusés dans l'affaire « Belliraj » coupables de constitution d'un réseau terroriste, basant les verdicts de culpabilité presqu'entièrement sur les déclarations attribuées aux accusés par la police, même si la plupart des accusés avaient désavoué ces déclarations devant le juge d'instruction et que tous les avaient désavouées lors du procès. Le tribunal a refusé d'enquêter sur les allégations de torture et les déclarations falsifiées. Les chefs de deux partis et quatre autres personnalités politiques bien connues figuraient parmi les accusés.
« Le recul du Maroc en matière de droits a été évident pour tous en 2009 », a souligné Sarah Leah Whitson.  « Les événements en 2010 montreront si les autorités cherchent à renforcer cette tendance négative ou à remettre le pays sur la voie du progrès en matière de droits humains. »
Human Rights Watch a indiqué que les deux principales mesures que le Maroc pouvait prendre afin de renouer avec les progrès seraient d'abroger les lois qui sanctionnent les propos pacifiques ou les revendications qui franchissent les « lignes rouges »: critiquer la monarchie, la revendication par le Maroc du Sahara occidental, ou l'Islam ; et de mettre en application l'appel du Roi Mohammed VI à la consolidation de l'indépendance judiciaire en garantissant que les tribunaux respectent les droits des accusés de contester les pièces à conviction, notamment leurs déclarations à la police, et de présenter des témoins pertinents et d'autres preuves pour leur propre défense.
Tunisie
Aucun espace pour les voix de l'opposition
Le Président Ben Ali a été réélu pour un cinquième mandat lors d'une campagne qui n'a autorisé aucun espace aux voix de l'opposition sur des questions cruciales. Les autorités ont empêché les organisations des droits humains et les journalistes indépendants tunisiens d'exercer librement leurs activités, et la police a imposé des restrictions sévères et arbitraires aux libertés des prisonniers politiques libérés.
Le pays, détenteur des plus longues traditions de la région en matière d'activités indépendantes des droits humains, ne dispose aujourd'hui d'aucun groupe d'observation des droits humains autorisé à agir tant légalement que librement. L'année s'est terminée avec l'emprisonnement des journalistes Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf  pour avoir exprimé des critiques dans leurs reportages et leurs articles, et des centaines de jeunes hommes purgent des peines de prison, condamnés en vertu de la loi antiterroriste, bien que n'ayant jamais été accusés d'avoir projeté ou commis des actes spécifiques de violence.
« L'intolérance de la Tunisie à l'égard de ceux qui défendent les droits humains font de ce pays un excellent exemple d'une tendance mondiale parmi les pays répressifs à couvrir les abus commis en essayant de réduire le messager au silence », a poursuivi Sarah Leah Whitson.
La principale priorité de la Tunisie pour 2010 devrait être le renforcement de l'indépendance judiciaire en garantissant que les procès sont équitables, que les accusés bénéficient de tous leurs droits à présenter des preuves pertinentes, et que les juges rendent des verdicts basés sur les preuves qui leur sont présentées au tribunal, a indiqué Human Rights Watch.
Algérie
Des restrictions limitent les libertés civiles
Sous l'état d'urgence qui s'est poursuivi pour la 18ème année consécutive, l'Algérie continue de subir des restrictions des libertés civiles. Les autorités ont interdit des rassemblements publics, par exemple des manifestations de rue et même des séminaires organisés par des organisations de défense des droits humains. Les familles des milliers d'Algériens victimes de « disparition » aux mains des agents de l'Etat durant le conflit politique des années 90 ont reçu peu ou pas d'informations sur le sort de leurs proches. En même temps, la loi de 2006, dite Charte pour la paix et la réconciliation nationale, a fourni un cadre juridique pour l'impunité dont bénéficient de facto les auteurs de « disparitions » et autres atrocités commises dans les années 90, et pour la pénalisation des critiques de l'État pour la façon dont il a géré les violences politiques durant cette période. En outre, tout comme au Maroc et en Tunisie, les journalistes ont risqué des peines de prison à cause de lois qui entravent la liberté d'expression en prévoyant des sanctions pénales pour diffamation.
« En Algérie, les violences politiques ont diminué en comparaison à 1999, quand le Président Bouteflika a pris le pouvoir », a ajouté Sarah Leah Whitson. « Mais si les Algériens bénéficient aujourd'hui d'une sécurité physique accrue, ils restent moins libres de critiquer et de contester les politiques gouvernementales. »
Human Rights Watch a exhorté l'Algérie à lever les restrictions qui musèlent les médias indépendants et la société civile, et qui criminalisent toute critique concernant la façon dont l'Etat a géré les violences politiques durant les années 90.

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