Par Aziz Enhaili, 14/10/2009
Le 25 octobre 2009, la Tunisie tiendra sa cinquième «élection» présidentielle depuis le coup d’État «médical» du général Zine el-Abidine Ben Ali (1987).
Une élection sans enjeu réel puisque le régime autocratique de Tunis s’est arrangé pour que le président sortant soit reconduit (sans aucune difficulté) dans ses fonctions pour un mandat de cinq ans. Au grand dam d’une opposition encore profondément divisée et affaiblie.
La Tunisie a accédé à son indépendance en 1956. Après avoir exercé le pouvoir sans partage durant près d’un tiers de siècle, le dit «combattant suprême» et «père de la nation» (Habib Bourguiba) est renversé par son Premier ministre, le général Zine el-Abidine Ben Ali (né en 1936), à la faveur d’un coup d’État «médical» (sans effusion de sang). Aux espoirs suscités au début de son règne par son «Pacte du 7 Novembre» 1988 (qui rassemblait différents acteurs et sociaux, à l'exception des islamistes) a rapidement succédé une déception de plus en plus prononcée et élargie à de nouveaux acteurs politiques et sociaux. Après avoir «laminé» les islamistes de l’illégal parti Ennahda (qui avait applaudi le «Pacte» de Ben Ali et voulu être légalisé), les services de sécurité se sont retournés contre l’allié d’hier de la campagne de chasse aux islamistes, à savoir l’opposition laïque. Depuis, Ben Ali dirige son pays d’une main de fer. Si l’opposition de connivence est choyée, la dissidence est quant à elle bannie. Les violations systématiques des droits humains des réels opposants sont devenues constitutives de l’ADN du régime en place.
«Élection» présidentielle biaisée
Après avoir déclaré au tout début de sa mainmise sur le pouvoir que «l'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l'État duquel le peuple se trouve exclu» et que le «peuple est digne d'une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse», Ben Ali n’a d’abord pas pu résister à la tentation de la présidence à vie, puisqu’il a en 2002 modifié la Constitution pour pouvoir se présenter autant de fois qu’il le voudrait. En 2005, une loi lui a accordé l’immunité permanente pour tout acte lié à ses fonctions officielles, pendant comme après la fin de son mandat. Son clan familial a mis l’économie du pays en coupes réglées. La corruption est endémique. Elle touche même les cercles les plus proches de Ben Ali.
À l’ombre de sa dictature souriante, son Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, un parti hégémonique d’État) exerce une mainmise presque totale sur les différentes institutions politiques, économiques et sociales du pays. Toute institution réfractaire à cette mainmise est condamnée à la paralysie, sinon la dissolution. La sécurité intérieure et la justice du raïs y veillent scrupuleusement !
C’est à l’ombre de ce tableau peu reluisant en termes démocratiques et d’État de droit que le régime tient le 25 octobre prochain la cinquième élection présidentielle depuis le coup d’État de 1987. Le même jour, se tiendront les élections législatives.La période de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle allait du 26 août au 24 septembre dernier. Les conditions nécessaires pour présenter son dossier de candidat à la candidature sont au nombre de quatre :
1) être âgé de 40 ans au moins et de 75 ans au plus;
2) être de religion musulmane;
3) être de nationalité tunisienne «sans discontinuité»! Une condition devant également s’appliquer au père, à la mère et aux deux grands-pères;
4) être chef élu de son parti depuis au moins deux ans.
La liste définitive des candidats éligibles est annoncée par le Conseil constitutionnel en fin septembre. Le mode de scrutin choisi pour l’occasion est celui uninominal majoritaire à deux tours. La campagne électorale officielle est d’une durée de 12 jours (du 11 au 23 octobre). Le vote de la diaspora tunisienne (du 17 au 24 octobre) précède celui des Tunisiens de l’intérieur (25 octobre). Le lendemain, le nom de l’heureux élu est annoncé.
On pensait que cette année le président sortant allait affronter quatre «concurrents» de connivence. À savoir Mohamed Bouchiha (61 ans, Parti de l’Unité Populaire, social-démocrate), Ahmed Inoubli (50 ans, Union Démocratique Unioniste, nationaliste arabe), Ahmed Brahim (63 ans, Ettajdid, ex-Parti communiste) et Mustapha Ben Jaâfar (68 ans : Forum démocratique pour le travail et la liberté, FDTL). Mais c’était sans compter avec une règle non écrite du jeu politique tunisien et qui veut que soit exclu du jeu tout acteur pouvant poser problème pour le pouvoir. Pour se débarrasser de Ben Jaâfar (une figure connue pour son combat en faveur des droits humains dans son pays), le pouvoir a utilisé la quatrième condition d’éligibilité (loi 2008-52 du 28 juillet 2008) citée ci-dessus. Une clause sur mesure puisque même si le FDTL avait voulu s’y conformer, il n’aurait pu le faire, vu des délais très courts et donc impossibles à respecter.
Le candidat favori du régime fera donc (comme en 2004) face à trois «concurrents» de convenance. Notons que plusieurs chefs de partis de l’opposition ont décidé de boycotter la consultation présidentielle pour absence des conditions d’une élection honnête et régulière. On peut mentionner ici les noms, entre autres, des dirigeants Hama Hammami (Parti communiste des ouvriers de Tunisie: PCOT, extrême gauche) et Nejib Chebbi (Parti démocratique progressiste, centre-gauche). Celui-ci a décidé de se retirer également de la campagne pour les élections législatives. Dès l’atterrissage de son avion à l’aéroport de Tunis (de retour d’un séjour à Paris), le chef du PCOT est quant à lui agressé par des barbouzes de Ben Ali. L’organe de presse du parti Ettajdid est saisi par le ministère de l’Intérieur, pour «infraction au code électoral»! Limitant ainsi la capacité de diffusion de son message en cette période électorale.
Ben Ali (73 ans) est le candidat favori de ce scrutin. Son parti d’État revendique 2,7 millions d'adhérents (et donc d’électeurs potentiels en sa faveur). Les différentes institutions de l’État (dont les autorités, la radiotélévision, la presse…) et officines du pouvoir sont mobilisées en sa faveur. Des 9300 associations légales que compte le pays, 8500 l’ont déjà appuyé officiellement. Les principales organisations patronales et syndicales (la centrale UGTT en tête) du pays le soutiennent également. Sans oublier le concours de trois partis dits d’opposition.
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Le 26 octobre prochain, le président du Conseil constitutionnel de la Tunisie annoncera sans aucun doute la nouvelle de la «réélection» de Zine el-Abidine Ben Ali comme président de la République pour une cinquième fois de suite et pour un mandat de cinq ans. Il sera accrédité de plus de 90% des suffrages exprimés. Ses trois «adversaires» se partageront les miettes restantes. Face à lui, l’opposition demeurera divisée et enfermée dans les querelles du passé. Permettant au parti-État de longues périodes de contrôle sans partage du pouvoir et au clan présidentiel de préparer la succession d’un président dont l’état de santé s’est énormément dégradé ces dernières années. Parions à cet effet que le clan Trabelsi (belle famille de Ben Ali) veillera au petit grain.
Vous ferez bien de vous occuper des choses qui vous concernent. Nous sommes fièrs de notre Président et des réalisations accomplies sous sa sage conduite. Je plains votre incohérence, votre immaturité historique et votre myopie politique.
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