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mercredi 14 octobre 2009

Maroc : La plaine de plastique




Par Marc Ollivier , Archipel, journal du FCE, 30/9/2009

La plaine du Souss fonctionne comme une espèce de plate-forme de prolétarisation des paysans marocains les plus appauvris. Leur niveau de vie se dégrade dans les montagnes, dans les plaines marginalisées du pays, ils viennent donc dans le Souss pour louer leur force de travail à des entreprises d’agro-industrie.*

Si l’on quitte Marrakech vers le Sud, on se heurte au Haut Atlas qui culmine à 4.000 mètres. Il faut le traverser par des cols. Quand on descend vers le Sud, on tombe dans cette plaine du Souss qui commence vers la ville de Taroudant et qui se termine à l’océan Atlantique, au grand port d’Agadir. Agadir est surtout connu des touristes pour ses très belles plages et les vols directs pour s'y rendre, mais le Souss est le centre le plus important de l’agro-industrie au Maroc.
Deux rivières irriguent cette plaine, l’oued Souss, qui a donné son nom à la plaine, et l’oued Massa, plus au Sud désormais retenu par un barrage. Il y a donc un périmètre irrigué par ce barrage, mais comme la région est assez sèche, le barrage se vide avant la fin de la saison et ne suffit pas pour les cultures intensives.

Avant de parler de l’agro-industrie moderne, traditionnellement comment était l’économie, la société dans cette vallée?

Tout le Maroc était rural. Il y avait dans les villes une élite intellectuelle et bourgeoise, mais assez restreinte par rapport à l’ensemble de la population. Dans le Souss, se développait toute une économie de petits paysans qui mettaient en valeur les terres grâce à une nappe phréatique située à une profondeur assez faible. Des puits de dix mètres suffisaient pour l’atteindre. C’était la polyculture-élevage. Mais le développement de l’agriculture intensive dans le Souss est en train de ruiner définitivement cette économie.
Le Souss est l’une des trois principales régions de la culture berbère. Les Soussis ont une identité régionale très forte. Dans l’histoire, ils ont constitué des entités relativement autonomes et ils ont toujours joué un rôle important. Au début de la colonisation par protectorat, certains colons français se sont installés dans cette plaine. Ils avaient commencé à créer une agriculture moderne, mais c’étaient surtout des plantations d’agrumes. Aujourd’hui on n’en plante plus parce que la production intensive de légumes rapporte beaucoup plus d'argent.

A quel moment a-t-on commencé à installer la production quasi industrielle de légumes?

Ce genre de production s’est développé à peu près à la même période dans beaucoup de pays. Avec le FCE, nous avons beaucoup travaillé sur la situation en Andalousie, en particulier autour d’Almería. On sait que ce secteur s’est épanoui dans les années 1980, et c’est pareil dans le Souss. C’est à ce moment-là que des capitaux étrangers ont réalisé des investissements lourds. Le secteur atteint aujourd’hui des dimensions énormes. Ces capitaux proviennent de plusieurs pays, de France d’abord et plus particulièrement des Bouches-du-Rhône, mais aussi d’Espagne et du Portugal.
J’y suis allé au printemps 2009, attiré par un conflit social dans une des entreprises. Les syndicalistes sur place estimaient à 70.000 les travailleurs agricoles pour cette plaine du Souss qui n’est pas la seule zone de production intensive de légumes au Maroc.

Avant d’aborder la question de la main-d’œuvre, je voudrais en savoir plus sur les entreprises. Il semble qu’elles ne soient pas comme celles de la célèbre mer de plastique à Almería qui sont petites, allant d’un demi-hectare à quatre ou cinq hectares. Au Souss les fermes sont bien plus grandes.
C’est une des différences. Les entreprises dans le Souss peuvent consister en plusieurs fermes qui ne sont pas juxtaposées l’une à côté de l’autre comme à Almería, car il y a de la place dans la plaine. Elles peuvent réunir 300 à 400 hectares, divisés en unités de 20 à 25 ha. entièrement couverts de serres en plastique d’un seul tenant. Ces serres sont ultramodernes, totalement hermétiques à l’atmosphère extérieure. Elles atteignent un niveau de technologie extrêmement élevé, sans doute supérieur à celui en Espagne.
Il faut donc imaginer un volume très grand, couvrant 20 hectares avec un toit plat à cinq mètres de haut et des parois qui s’enfoncent dans le sol d’une manière complètement étanche. Pour entrer dans ces espaces il faut franchir plusieurs sas afin d’éviter d’apporter des insectes ou des pollutions de l’extérieur.

Est-ce que c’est un système de culture hors-sol comme c’est souvent le cas à Almería?

On trouve aussi bien des unités qui fonctionnent sur substrat comme à Almería que d’autres où les légumes poussent dans le sol qui est quasiment du sable, donc facile à travailler. Elles disposent d’un réservoir d’eau, venant du barrage ou des nappes profondes. Cette eau est pompée dans une machine dans laquelle on dose les additifs et les engrais que l’agriculteur estime nécessaires et qu’il calcule très précisément en fonction de la période de l’année, des conditions climatiques, de l’état des plantes. Tout ça part dans des tuyaux et vient irriguer chaque pied de tomate qui a son propre tuyau. L’exploitation que j’ai visitée produisait des tomates cerises. Il s’agit de plantes qu’on sème en août, qui entrent en production en octobre et qui produisent sans interruption jusqu’en mai. Elles sont accrochées à des fils suspendus depuis le plafond de la serre et au fur et à mesure qu’elles poussent, les ouvriers cueillent les tomates et baissent le pied de tomate pour lui permettre de continuer à grandir vers le haut. A la fin de la saison, on trouve en bas des fils des fouillis de tiges de tomates, comme des nouilles qui s’accumulent mais qui continuent à faire vivre la plante et à produire des grappes de tomates cerises. C’est spectaculaire.
On y pratique une lutte intégrée avec des petits sacs de larves de prédateurs qui s’attaquent à la mouche de la tomate. On installe également des pièges à insectes pour attraper ceux qui pourraient entrer dans la serre. Et puis la serre que j’ai visitée avait atteint un degré de recyclage de ses déchets organiques végétaux très poussé au point que l’exploitant m’avait déclaré qu’il était autonome en terme d’apport organique.

Le marché, c’est majoritairement pour l’exportation?
La plaine du Souss est le cœur de la production de tomates au Maroc et la majorité est exportée vers l’Europe occidentale. En gros, on peut dire que 60% à 70% de la production de ces entreprises agro-industrielles sont exportés vers l’Europe, acheminés pour l’essentiel par des camions qui traversent le détroit de Gibraltar entre Tanger et Algesiras, mais une part croissante part en bateaux du port d’Agadir. Il s’agit surtout des livraisons pour la Grande-Bretagne.
Cela veut dire que 30 à 35% de la production sont destinés au marché intérieur, une concurrence importante pour les paysans qui ont toujours produit pour ce marché.

C'est un des aspects de la confrontation entre ce secteur agro-industriel et la paysannerie marocaine. Cette confrontation joue sur plusieurs niveaux. Le plus grave est celui des ressources en eau, parce que les paysans du Souss pouvaient accéder à des nappes phréatiques à une profondeur d’environ 10 mètres, mais l’expansion des serres a exigé de plus en plus d’eau. Pour trouver cette eau, ils ont pompé dans la nappe phréatique, provoquant le recul des nappes jusqu’à de grandes profondeurs. La ferme que j’ai visitée est obligée d’avoir un forage de 200 mètres de profondeur. Les paysans sont incapables d’accéder à ces nappes souterraines et donc ils ne peuvent plus irriguer leurs cultures.
Voilà un premier impact très négatif, la concurrence sur le marché intérieur en est bien sûr un autre. Cela prive les paysans marocains de leurs débouchés, parce que ces grandes fermes peuvent produire des masses de tomates à un coût bien inférieur à celui des paysans.

Venons-en maintenant aux conditions de travail, aux salaires des travailleurs dans les serres dans le Souss. De très nombreux Marocains partent à la recherche de travail en Europe et souvent se retrouvent avec le même genre d’emploi, à Almería ou ailleurs, où les salaires sont très bas, entre 20 et 35 euros par jour. Quelles sont les conditions dans ce grand bassin d’emploi au Maroc même?

Evidemment, les conditions de rémunération sont liées au niveau général des salaires au Maroc, c’est-à-dire très bas. Quand un ouvrier trouve du travail dans une serre en plastique à Almería il gagne entre 3 et 5 euros de l’heure. Dans le Souss, la norme dans toutes ces entreprises agro-industrielles est de 50 dirhams par jour, c’est-à-dire moins de 5 euros par jour.
Les 70.000 travailleurs agricoles viennent de toutes les régions marocaines. Il faut bien se rendre compte que le Maroc est un pays extrêmement déséquilibré. Certaines zones , connaissent un développement économique très dynamique, c’est toute la côte autour de Casablanca, Kenitra, Rabat, mais il y a des zones très marginales où l’Etat ne s’occupe pas du développement, où les investissements pour les infrastructures : écoles, électrification, etc. sont tout à fait insuffisants.
Il semble que la rémunération ne soit pas le problème vital pour ces travailleurs, puisque dans le conflit social qui m’y a attiré, les revendications posées ne concernaient pas les salaires. La première demande est le droit de créer un syndicat, deuxièmement d’avoir des fiches de paie, et troisièmement d’être enregistré dans le système de sécurité sociale, qui bien qu’extrêmement faible est quand même une garantie de reconnaissance dans le métier.
Beaucoup de femmes dans ce prolétariat agricole sont employées dans les stations de conditionnement ultramodernes, mais aussi sur les fermes; environ 20% de femmes sont employées aux opérations de cueillette, parce que leurs mains seraient plus délicates.
Tout le problème de la consommation et de la production des fruits et des légumes ne peut plus être abordé dans un contexte national ou local. Il concerne une zone géographique énorme qui s’étend d’Agadir jusqu’au nord du Maroc, où il y a aussi un secteur agro-industriel, puis en Andalousie, dans le sud de la France, en Italie… C’est comme une espèce de cercle qui entoure le Méditerranée où prospère ce système.

Il semble qu’il n’y ait que des ouvriers marocains dans le Souss. Est-ce que ça commence à être une alternative par rapport à la recherche de travail en Europe?
Non, on ne peut pas dire ça. D’abord, l’avenir de ce secteur agricole intensif est compromis, puisqu’il faut pomper l’eau à 200 mètres de profondeur. Tous les techniciens savent que les ressources en eau sont en train de s’épuiser. J’ai rencontré des dirigeants d’exploitations qui m’ont dit qu’ils ne savent pas où ils vont. Ils sont aussi alarmés par l’état des rapports avec la main-d’œuvre, mais ils disent qu’ils sont de bonne volonté. «On voudrait bien mieux traiter les ouvriers mais on est sous la pression de la compétitivité». Voilà, le grand mot est lâché, et effectivement c’est un secteur qui fonctionne avec des variables d’ajustement dont le salaire est le principal.
Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille de l’établissement d’une zone de libre échange entre l’Europe et l’ensemble des pays méditerranéens, dont le Maroc, et lorsque cette zone fonctionnera au Maroc ce sera en 2012, tous les observateurs sérieux savent que la situation de la paysannerie va encore s’aggraver parce que les produits agricoles à bas prix subventionnés par l’Europe vont arriver sur le marché marocain.
Cette zone de libre échange appauvrira donc la paysannerie. D’autre part, le secteur agro-industriel est en train de tirer ses dernières cartouches du point de vue des ressources en eau. Je ne vois pas que le Souss puisse devenir une alternative aux flux migratoires vers l’Europe.

Quand tu étais là-bas, est-ce que tu as entendu des commentaires sur la crise en Espagne, sur le fait que maintenant c’est moins facile d’y trouver du boulot?

Non, mais il faut avouer que c’est relativement récent, c’est depuis l’automne 2008 que ce phénomène se produit en Espagne et la pression migratoire à l’intérieur du Maroc reste toujours aussi forte. Les jeunes Marocains ont toujours l’impression qu’avec le système économique et social actuel dans le pays, ils n’ont pas d’avenir prometteur et donc ils ont toujours les yeux rivés sur l’autre côté de la Méditerranée.

Est-ce qu’on peut vivre avec cinq euros par jour? Est-ce qu’une famille peut survivre avec un tel salaire?
D’abord, il ne s’agit pas de familles, la plupart du temps. Ces travailleurs agricoles, que ce soient des hommes ou des femmes, sont des célibataires, des jeunes qui viennent d’autres régions rurales où se trouvent leur famille et leur village. Ils viennent dans le Souss pour faire des travaux saisonniers.
La situation sociale de cette main-d’œuvre est quand même assez alarmante. D’abord, le Souss est le centre le plus chaud de l’épidémie de Sida au Maroc. Autrement dit, avec toute cette masse de célibataires, ça provoque des conditions de vie extra-familiale qui favorisent le développement de cette épidémie. Deuxièmement, c’est plein de divorcés, parce que les familles éclatent naturellement avec ces conditions de vie et de travail loin de la famille et du village d’origine.
Les conditions de vie serrent le cœur quand on se promène dans cette plaine, avec ces agglomérations poussées ici et là à 30 ou 40 km d’Agadir. C’est là qu’habitent ces travailleurs agricoles. Une grande différence avec l’Andalousie, c’est qu’on est au Maroc et il n’y a pas de racisme anti-Marocain, mais les ouvriers habitent dans des quartiers très pauvres. Tous les matins, à cinq ou six heures, on assiste à un spectacle qui brise le cœur: les ouvriers sont chargés comme du bétail dans des camions où on entasse 120 personnes pour les amener aux serres à plusieurs km et c’est la même chose le soir quand ils rentrent.
Quand on connaît la vie habituelle des paysans marocains dans leur village, dans leurs montagnes, avec leurs animaux, avec tout leur environnement, on peut ressentir à quel point ces travailleurs agricoles sont dans une misère culturelle et déracinés.

Par rapport aux syndicalistes que tu as rencontrés, est-ce qu’il y a des possibilités de relations à créer, par exemple avec les forces qui existent, soit en Andalousie ou ailleurs, qui se battent pour des meilleures conditions ou contre ce modèle d’agriculture intensive?
Les syndicats au Maroc ne sont pas puissants, ils n’ont pas beaucoup de moyens. C’est déjà un point positif qu’il y ait des syndicats capables d’organiser ces travailleurs agricoles et de soutenir des luttes quand elles se développent. Mais ils sont loin de gagner à chaque conflit. Même créer une section syndicale dans une de ces entreprises agro-industrielles n’est pas du tout évident.
Mais si je suis allé dans le Souss le mois dernier et si j’ai rencontré ces syndicalistes, c’est parce qu’ils avaient pris l’initiative de diffuser sur Internet l’existence de ce conflit social et de dénoncer l’attitude du patronat qui refusait la création de sections syndicales. C’est une caractéristique générale au Maroc, chaque fois qu’un conflit éclate quelque part, qu’il soit syndical ou politique, on voit fonctionner une sorte d’écho international produit par les intéressés eux-mêmes, pas par les organisations politiques ou syndicales, qui suscite une solidarité internationale.

"Transcription d'un interview de Marc Ollivier réalisé par Nicholas Bell pour radio Zinzine"
En savoir plus :
Capitalisme agricole
La région a connu un afflux de capitaux pour plusieurs raisons. D’abord, il y a le potentiel de l’eau et des barrages. La qualité des sols est aussi favorable pour la culture maraîchère. Troisièmement, le secteur agricole est exonéré d’impôts. Le prix de la terre est dérisoire. Nombre de petits paysans n’ont pas pu suivre l’évolution des intrants et cèdent leurs terres à ces exploitants. En dernier lieu, la main-d’œuvre est abondante, et il y a les encouragements de l’Etat. Le code du travail promulgué en 2003 et mis en application en 2004 entre dans le cadre global de la politique de l’Etat favorisant la flexibilité du travail, pour encourager justement ces investissements.


Omar Aziki* secrétaire général adjoint de la Fédération du secteur agricole du Souss de l’Union Marocaine du Travail

Conditions de travail
Certains employeurs ont totalement abandonné les cultures qui nécessitent une main-d’œuvre importante. Avant l’introduction du code du travail ils faisaient du maraîchage, mais après les conflits en 2006 et 2007 ils se sont tournés vers l’arboriculture qui a besoin de beaucoup moins de main-d’œuvre. Quand on trouve des ouvriers sans droits et bon marché, on les utilise, on les exploite, mais quand ils revendiquent leurs droits, la couverture sociale et médicale, les conditions de travail, de transport et logement meilleures, on n’en veut plus.
On fait tout ce qu’on peut, des sit-in, des grèves, des manifestations, on interpelle les autorités, mais le patron finit par expulser tous les syndicalistes et tous les gens qui cherchent à défendre leurs droits. Après environ deux mois, on est dans l’impasse dans les négociations. L’employeur veut licencier 40 personnes qui ont manifesté et participé à une grève. Nous organisons un sit-in quotidien depuis le 2 mars, donc ça fait presque un mois. C’est une grande société qui emploie près de 5.000 ouvriers et qui dispose de 25 fermes de 6 à 20 hectares, et qui a une grande station de conditionnement.

On transporte les ouvriers par camion comme des sardines debout, et il y a des accidents, même des morts, parce qu’on les transporte comme des marchandises, sans sièges, sans ceintures, quand il fait froid ou très chaud.
Hocine Boulberj*secrétaire général, section agricole du Souss, UMT


Danger pour l'environnement
Avec la sécheresse, les eaux du barrage ont atteint un niveau très critique, ce qui a accru la pression sur la nappe phréatique. En plus, il y a une remontée de la salinité parce que la région est tout près de la mer. Les nappes moins profondes sont polluées par les engrais: il y a infiltration des nitrates. Les estimations le plus pessimistes disent qu'il n'y en a plus que pour huit ans parce que les nappes fossiles ne se renouvellent pas. Il y a encore l’aspect de l’épuisement des sols, d’ailleurs on assiste ici à l’arrivée de plusieurs Espagnols qui sont venus d’Almería où existe un problème d’érosion du sol à cause de l’utilisation de pesticides.




Créer des alternatives
On voit très bien qu’il faut aider à la consolidation de la solidarité internationale, justement pour dénoncer ce type d’agriculture. On est tous liés. Cette agriculture se base sur l’exportation à l’Union Européenne, c’est le citoyen européen qui consomme les ressources de notre pays. Donc ils doivent penser à faire des réseaux de solidarité, à faire des alternatives à cette agriculture intensive.
Omar Aziki







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