Intervention de Salah Eddine Amaidan, parlement britannique,20/10/2009
Bonjour
Je voudrais d’abord vous remercier d’être venu m’écouter et de bien vouloir par ce biais entendre les traitements inhumains que subit mon peuple.
Ce que je vais vous dire est mon histoire mais ce n’est qu’un exemple de ce que souffre le peuple sahraoui au Sahara Occidental occupé. Et certains ont souffert et souffrent bien d’avantage et tous les jours encore, de tortures physique et psychologique.
J’aurai pu prononcer un discours académique devant vous. Pour préparer cela j’ai relu la déclaration universelle des droits de l’homme et la convention internationale des droits de l’enfant. Et j’ai constaté qu’au Sahara Occidental occupé tous les articles de ces déclarations étaient violés par l’occupant et sans aller dans le détail par le fait même d’être un colonisateur impuni depuis 1975
C’est à titre d’illustration que je vous parle de mon histoire.
Je suis né en 1982 à El Aaiun au Sahara Occidental. J’ai 26 ans.
Je suis né alors que mon pays était occupé militairement depuis 7 ans par le royaume du Maroc.
Je me souviens comment très petit j’étais en colère contre les marocains qui nous discriminaient, nous volaient ce que nous avions ou essayer de nous frapper mes frères et sœurs et moi.
J’ai commencé ma carrière de sportif avec la police… en fait, elle me poursuivait.
Tous les sahraouis des territoires occupés peuvent être de bons coureurs…
J’ai grandi en pensant que ce que nous vivions tous les jours, la famille, les voisins et les copains, était normal.
J’ai été repéré par un sélectionneur de l’équipe du Maroc à 12 ans alors que j’avais gagné une course de détection pour les enfants à El Aaiun.
Suite à cela mon père a reçu une invitation pour que je parte à Rabat dans une école sportive de l’équipe nationale marocaine, pour des entraînements et compétitions.
J’étais plutôt un rebelle et j’étais connu de la police, par peur réelle des conséquences d’un refus, pour moi ou pour la famille, mon père a accepté.
Il était déjà handicapé, il avait perdu une jambe sur une mine qui avait explosé alors qu’il menait ses troupeaux dans le désert en 1979 vers Smara.
Il craignait que les allocations d’aide qu’il recevait lui soient supprimées.
A 13 ans, j’ai donc été envoyé à Rabat, à 1500 kilomètres de ma famille.
J’étais en internat et le seul sahraoui de cette équipe. J’ai toujours ressenti la discrimination de la part des entraîneurs et des jeunes avec qui j’étais.
Je n’avais pas la même langue ni la même culture, ni les mêmes habitudes ou traditions.
Les adultes qui nous encadraient ne me permettaient pas de parler hassanya. J’avais souvent des programmes d’entraînements trop durs pour mon âge et mes vacances scolaires ont souvent été réduite aux derniers 15 jours d’août sans considération pour mes demandes de rentrer chez moi.
Je faisais néanmoins des bonnes performances.
Pendant ma carrière avec l’équipe du Maroc, j’ai été triple champion du Maroc en cross country (1996, 1997, 1999), 2e champion du Maroc du 3000 stiple (2000), 15 fois champion du Sahara occidental (1993-2002, toutes disciplines), 2e champion d’Afrique (cross cadet, 5000m), deux fois champion cadet des pays arabes en cross country (1998 et 1999).
Quelqu’un m’a dit que parmi vous il y avait de bons sportifs alors je vous dit aussi mes meilleurs chronos : 3’’39 sur 1500m, 28’’ 53 au 10 Km, 44’’ 56 au 15 Km et 1h 03’’43 au semi marathon.
En juin 1999 j’ai été blessé. Une blessure de sportif au tendon.
Les responsables de l’équipe nationale m’ont mis dehors et m’ont renvoyé chez mes parents à El Aaiun.
En septembre, j’ai pris part à la première intifada contre l‘occupation marocaine, cela a duré 15 jours. Pendant 6 jours et nuits nous avons manifesté et résisté contre les forces de polices et militaires qui étaient très bien équipées.
Le 6ème jour j’ai été arrêté avec 80 autres jeunes.
J’ai été détenu dans un centre de police pendant 18 jours.
J’avais les yeux bandés, et les jambes attachées.
Nous étions tous serrés les uns contre les autres et l’espace était trop petit pour le nombre que nous étions.
J’ai été battu et torturé tous les jours, interrogé sur mes activités, celle des gens que je connaissais ou pas, sur les relations avec le POLISARIO.
J’ai reçu des coups sur l’ensemble de mon corps.
J’ai été relâché au bout de 18 jours sous la pression de ma famille et de responsables sportifs qui attestaient de mon niveau.
En fait on m’a donné le choix suivant. Sortir pour retourner faire du sport à Rabat, ne plus avoir d’activité politique et ne plus jamais revenir à El Aaiun ou aller en prison.
J’ai choisi de retourner à Rabat et de continuer à faire du sport.
J’avais l’idée que courir pouvait être pour moi un moyen de continuer à lutter pour mon peuple et pour l’indépendance de mon pays.
Je suis retourné à rabat et après deux années de très bonnes performances j’ai été repris dans l’équipe nationale du Maroc.
Pendant ces années à Rabat je n’ai pas cessé de ressentir la discrimination du fait de mon identité sahraouie. À chacun des contrôles de police pour lesquels je devais présenter mes papiers d’identité j’étais conduit au poste de police et interrogé longuement sur mes activités, alors qu’il été bien visible que j’étais un sportif de haut niveau et que je m’entraînais.
Sur la carte d’identité de tous les Sahraouis, une carte marocaine, il y a deux lettres : SH qui nous identifient comme Sahraouis. C’est pour ce signe que je faisais au moins une fois par semaine un séjour toujours inconfortable au poste de police.
Dans cette équipe nationale, j’ai réussi des performances me permettant de participer à des compétitions sur route en France.
J’ai couru les 10 kilomètres d’Agde et j’ai gagné. J’ai fait les 200 derniers kilomètres en faisant flotter le drapeau de ma république. La république Arabe Sahraouie Démocratique. Un ami marocain m’a donné le drapeau à la fin de la course.
Je me suis mis sous la protection de la police, et j’ai demandé l’asile politique à la France. Pour moi la France était un pays démocratique où l’on pouvait parler sans risquer sa vie.
Je sais que les autorités marocaines ont essayé d’empêcher que j’obtienne l’asile politique.
Je suis maintenant en France, un frère et une sœur sont aussi en France.
C’est pour mon pays et son indépendance que je cours.
Je sais que de nombreuses personnes de ma famille résistent et sont harcelés par la police.
Mon père bien qu’handicapé et dialysé maintenant est convoqué chaque semaine par l’agent secret marocain pour un interrogatoire.
5 de mes cousins sont en prison. Un de mes frères a été emprisonné alors qu’il avait 15 ans et demi. Il est resté 1an et demi dans une prison pour majeurs et il porte de nombreuses marques des blessures et tortures qu’il a subies et qu’il s’est infligées tellement les conditions étaient dures pour lui.
Les femmes de ma famille sont régulièrement enlevées par les forces de sécurités, interrogées, torturées, humiliées et abandonnées dans le désert.
En tout ce sont 17 membres de ma famille qui ont subi des brutalités, des arrestations et des emprisonnements arbitraires.
Pour moi cela fait 14 ans que je n’ai pas passé un mois entier avec ma famille.
J’attends de pouvoir bénéficier des échanges familiaux mis en place dans le cadre de l’ONU par la MINURSO pour pouvoir rendre visite à ma famille en sécurité ou au moins en étant protégé. Cela fait deux ans que j’en ai fait la demande.
Je vous parle de ma famille, mais c’est le sort de tout le peuple sahraoui vivant aux territoires occupés dont je vous parle.
Pour finir, je vous invite à venir dans les campements de réfugiés, ou malgré les très dures conditions de survie nous sommes libres.
Libres de nous exprimer, libre de pratiquer nos traditions et de vivre selon notre culture, libres de vous accueillir… et pourquoi pas lors de la semaine du Sahara Marathon…
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