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dimanche 5 février 2017

Sommet de l’Union africaine : quel bilan ?



Par Institut Montaigne, 4/2/2017
Le 28e sommet de l’Union africaine (UA) s’est achevé, mardi 31 janvier, après deux jours d’intenses discussions et négociations. Élection d’un nouveau Président pour la commission, réintégration du Maroc et réforme de l’organisation : trois sujets majeurs pour l’avenir de l’Union, décryptés par Dalila Berritane, Conseil et Influence sur l’Afrique et rapporteur de l’Institut Montaigne.
Événement marquant de ce sommet, le Maroc a réintégré l’Union Africaine, devenant ainsi son 55e État membre. Comment interpréter cette réintégration ?

Revenons tout d’abord sur l’historique de cette situation : le Maroc a quitté l’OUA (ancêtre de l’Union Africaine) en 1984, suite à la décision de l’organisation panafricaine de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD), dont le Maroc et la RASD revendiquent tous deux la souveraineté. Trente-trois ans plus tard, poussé par les limites d’une politique de la chaise vide et mu par une stratégie économique panafricaine, le Roi du Maroc a décidé de changer de stratégie et de réintégrer l’UA. Après des mois d’intenses tractations, et malgré des réticences marquées de la part de pays comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Nigéria ou l’Algérie, le Maroc a finalement obtenu sa réintégration sans condition.

Face à cette situation, les observateurs ne cachent pas leur inquiétude. En réintégrant l’Union, le Maroc adhère à sa charte, ce qui revient de facto à reconnaître la souveraineté de ses 55 États membres. Or, à ce jour, le Maroc n’a jamais reconnu la souveraineté de la RASD et ne semble pas disposé à le faire. L’Union africaine risque ainsi d’être l’otage d’un conflit vieux de plusieurs décennies, avec le danger de voir apparaître une scission entre les pays qui soutiennent la RASD (Algérie, Angola, Afrique du Sud, Nigéria) et le Maroc et ses alliés. Tout l’enjeu du nouveau président de la commission sera donc d’éviter que de tels blocs se forment, au risque de paralyser tout élan de réforme.
Ce nouveau président, le tchadien Moussa Faki Mahamat, parviendra-t-il à répondre à ces enjeux ? Quels défis l’attendent pour ses quatre années de mandat ?
L’élection du tchadien Moussa Faki Mahamat à la tête de la commission n’allait pas de soi. Il aura fallu sept tours de scrutins pour obtenir les voix de 39 pays et l’abstention de 15 autres. Premier défi pour le nouveau président de la Commission : convaincre les pays abstentionnistes, afin de faire avancer les réformes.
Le Tchad, qui s’est engagé tardivement dans la course, n’était pas le candidat favori. Il y a trois mois à peine, c’est le candidat sénégalais qui était en passe de l’emporter. La réintégration du Maroc au sein de l’UA n’est pas étrangère à ce basculement inattendu en faveur du Tchad, le Sénégal étant perçu par de nombreux pays comme le « cheval de Troie » du Maroc. C’est au Sénégal qu’a en effet été prononcé pour la première fois hors du Maroc le discours du Trône, celui de la « marche verte » qui consacre la mainmise du royaume chérifien sur le Sahara Occidental. La réintégration du Maroc au sein de l’UA, couplée à la présidence de la Commission par l’un de ses plus proches alliés, n’était pas concevable pour de nombreux pays. Des chantiers colossaux attendent donc le nouveau président de la Commission, dont le premier sera de concilier les positions du Maroc et de l’Algérie, sur la RASD mais pas uniquement.
Vivement critiquée depuis sa création en 2002, comment l’Union africaine fonctionne-t-elle aujourd’hui ? Quelles sont ces perspectives de réforme ?
Les Africains considèrent que l’Union africaine est trop éloignée de leurs préoccupations quotidiennes. La demande de changement est donc forte, et devait être en partie satisfaite par le président rwandais Paul Kagame, mandaté par l’Union pour faire des propositions de réforme. Présentées trop tardivement (la veille du sommet), elles n’ont pu être adoptées par les États. Elles devraient être à l’ordre du jour de la prochaine réunion, prévue au mois de juillet.
La principale de ces réformes, c’est celle du financement, aujourd’hui assuré à plus de 70% par des donateurs étrangers (Union européenne, États-Unis, Chine, Japon, etc.). Les 55 pays membres, qui doivent en théorie également participer, ne respectent pas leur quote-part. Seules l’Algérie, l’Afrique du Sud, l’Égypte et hier encore la Libye s’astreignent à leurs obligations. Afin de pallier cette difficulté, la mission propose l’instauration d’une taxe, qui prélèverait 0,2% des importations (hors produits de première nécessité) entrant sur le continent africain. Elle devrait permettre de générer entre 800 millions et un milliard de dollars par an, soit le budget annuel de l’UA hors opérations de maintien de la paix. Une réforme similaire avait déjà été proposée en 2013 mais n’a jamais été mise en œuvre.
Autres réformes en cours : le mode de désignation des commissaires, la création d’une agence de développement, le changement climatique ou encore le dossier épineux des migrants. Le respect des droits de l’homme, l’alternance démocratique et le rôle des diasporas sont également des sujets sur lesquels les Africains attendent des évolutions. Le nouveau président de la Commission sera-t-il en mesure d’y répondre ? Beaucoup doutent aujourd’hui de sa capacité à s’engager sur tous ces fronts.


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