Par Institut Montaigne, 4/2/2017
Le 28e sommet de l’Union africaine (UA) s’est achevé, mardi 31 janvier,
après deux jours d’intenses discussions et négociations. Élection d’un
nouveau Président pour la commission, réintégration du Maroc et réforme
de l’organisation : trois sujets majeurs pour l’avenir de l’Union,
décryptés par Dalila Berritane, Conseil et Influence sur l’Afrique et
rapporteur de l’Institut Montaigne.
Événement marquant de ce sommet, le Maroc a réintégré l’Union
Africaine, devenant ainsi son 55e État membre. Comment interpréter cette
réintégration ?
Revenons tout d’abord sur l’historique de cette situation : le Maroc a
quitté l’OUA (ancêtre de l’Union Africaine) en 1984, suite à la décision
de l’organisation panafricaine de reconnaître la République arabe
sahraouie démocratique (RASD), dont le Maroc et la RASD revendiquent
tous deux la souveraineté. Trente-trois ans plus tard, poussé par les
limites d’une politique de la chaise vide et mu par une stratégie
économique panafricaine, le Roi du Maroc a décidé de changer de
stratégie et de réintégrer l’UA. Après des mois d’intenses tractations,
et malgré des réticences marquées de la part de pays comme l’Afrique du
Sud, l’Angola, le Nigéria ou l’Algérie, le Maroc a finalement obtenu sa
réintégration sans condition.
Face à cette situation, les observateurs ne cachent pas leur inquiétude.
En réintégrant l’Union, le Maroc adhère à sa charte, ce qui revient de
facto à reconnaître la souveraineté de ses 55 États membres. Or, à ce
jour, le Maroc n’a jamais reconnu la souveraineté de la RASD et ne
semble pas disposé à le faire. L’Union africaine risque ainsi d’être
l’otage d’un conflit vieux de plusieurs décennies, avec le danger de
voir apparaître une scission entre les pays qui soutiennent la RASD
(Algérie, Angola, Afrique du Sud, Nigéria) et le Maroc et ses alliés.
Tout l’enjeu du nouveau président de la commission sera donc d’éviter
que de tels blocs se forment, au risque de paralyser tout élan de
réforme.
Ce nouveau président, le tchadien Moussa Faki Mahamat, parviendra-t-il à
répondre à ces enjeux ? Quels défis l’attendent pour ses quatre années
de mandat ?
L’élection du tchadien Moussa Faki Mahamat à la tête de la commission
n’allait pas de soi. Il aura fallu sept tours de scrutins pour obtenir
les voix de 39 pays et l’abstention de 15 autres. Premier défi pour le
nouveau président de la Commission : convaincre les pays
abstentionnistes, afin de faire avancer les réformes.
Le Tchad, qui s’est engagé tardivement dans la course, n’était pas le
candidat favori. Il y a trois mois à peine, c’est le candidat sénégalais
qui était en passe de l’emporter. La réintégration du Maroc au sein de
l’UA n’est pas étrangère à ce basculement inattendu en faveur du Tchad,
le Sénégal étant perçu par de nombreux pays comme le « cheval de Troie »
du Maroc. C’est au Sénégal qu’a en effet été prononcé pour la première
fois hors du Maroc le discours du Trône, celui de la « marche verte »
qui consacre la mainmise du royaume chérifien sur le Sahara Occidental.
La réintégration du Maroc au sein de l’UA, couplée à la présidence de la
Commission par l’un de ses plus proches alliés, n’était pas concevable
pour de nombreux pays. Des chantiers colossaux attendent donc le nouveau
président de la Commission, dont le premier sera de concilier les
positions du Maroc et de l’Algérie, sur la RASD mais pas uniquement.
Vivement critiquée depuis sa création en 2002, comment l’Union africaine
fonctionne-t-elle aujourd’hui ? Quelles sont ces perspectives de
réforme ?
Les Africains considèrent que l’Union africaine est trop éloignée de
leurs préoccupations quotidiennes. La demande de changement est donc
forte, et devait être en partie satisfaite par le président rwandais
Paul Kagame, mandaté par l’Union pour faire des propositions de réforme.
Présentées trop tardivement (la veille du sommet), elles n’ont pu être
adoptées par les États. Elles devraient être à l’ordre du jour de la
prochaine réunion, prévue au mois de juillet.
La principale de ces réformes, c’est celle du financement, aujourd’hui
assuré à plus de 70% par des donateurs étrangers (Union européenne,
États-Unis, Chine, Japon, etc.). Les 55 pays membres, qui doivent en
théorie également participer, ne respectent pas leur quote-part. Seules
l’Algérie, l’Afrique du Sud, l’Égypte et hier encore la Libye
s’astreignent à leurs obligations. Afin de pallier cette difficulté, la
mission propose l’instauration d’une taxe, qui prélèverait 0,2% des
importations (hors produits de première nécessité) entrant sur le
continent africain. Elle devrait permettre de générer entre 800 millions
et un milliard de dollars par an, soit le budget annuel de l’UA hors
opérations de maintien de la paix. Une réforme similaire avait déjà été
proposée en 2013 mais n’a jamais été mise en œuvre.
Autres réformes en cours : le mode de désignation des commissaires, la
création d’une agence de développement, le changement climatique ou
encore le dossier épineux des migrants. Le respect des droits de
l’homme, l’alternance démocratique et le rôle des diasporas sont
également des sujets sur lesquels les Africains attendent des
évolutions. Le nouveau président de la Commission sera-t-il en mesure
d’y répondre ? Beaucoup doutent aujourd’hui de sa capacité à s’engager
sur tous ces fronts.
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