Par Naâma Asfari:
" On ne fait pas de la politique, on lutte contre une certaine politique, on ne lutte pas contre la politique, mais contre certaines politiques et certaines manières de faire de la politique.
Quel genre de politique mène le régime marocain contre nous?
Quelle politique conduit l’ONU pour assurer et maintenir une paix juste dans le monde?
Et les 5 membres du Conseil de Sécurité ?
Une politique qui n’a pas d’éthique est le contraire de la politique.
Mais la politique n’est pas non plus la morale.
Toute l’histoire de l’humanité est l’histoire de deux façons de faire de la politique.

Je ne suis qu’un homme simple qui a été victime de la politique.
C’est la politique qui m’a privé de toutes les petites choses qui m’auraient permis de vivre une vie comme n’importe quel homme dans le monde.
Enfant, l’atrocité de la politique m’a privé de la tendresse d’un père et d’une mère.
Jeune, j’ai été privé des droits dont bénéficient ou devraient bénéficier tous les jeunes du monde.
Tous les droits et libertés n’existent pas sans le droit de mon peuple : DROIT A L’AUTODETERMINATION. Aujourd’hui j’ai 46 ans, j’ai été condamné à 30 ans de prison, avec 23 compagnons condamnés pour certains à la perpétuité.


Ces condamnations sont illégales, elles sont injustes, iniques.
Tout le monde le reconnaît, l’État marocain le premier, qui a abrogé le tribunal militaire au lendemain même de nos condamnations.
Les peuples sont mal informés.
Les médias, les intellectuels en Europe, au Maroc, dans tout le monde que font-ils pour nous?
Le débat aujourd’hui en France sur la question d’une perpétuité réelle. Monsieur Badinter, je vous demande depuis ma cellule à la prison de Salé de recevoir ma femme et mes avocats et de prendre connaissance du dossier sur la base duquel j’ai été condamné par le tribunal militaire marocain à 30 ans, ainsi que mes 23 camarades condamnés sur la base du même dossier à des peines de 20 ans à perpétuité.
Je ne suis pas un terroriste, nous ne sommes pas des terroristes, je suis un militant, nous sommes des militants, nous luttons pacifiquement pour l’autodétermination de notre peuple.
Je crois à votre conception de la justice.
J’ai étudié le droit international à l’université de Nanterre.
Je suis arrivé en France alors que je ne parlais pas le français.
J’ai commencé mes études de droit au Maroc pays que j’aime de tout mon cœur.
J’ai du respect pour le Maroc et le peuple marocain.
Je rêve comme toute la jeunesse du Maghreb à un avenir de paix.
On partage tous la même histoire avec la France.
Mais on voit dans la France la grande puissance qui doit aider les peuples du Maghreb à se rapprocher des valeurs de l’ONU.
Le printemps arabe c’est nous qui l’avons commencé.
C’est au Sahara Occidental dans le lieu qui est maintenant connu sous le nom de GDEIM IZIK qu’il a débuté.
C’était début octobre 2010 alors que les 1ères manifestations en Tunisie se sont déroulées en novembre 2010.
Nos revendications, celles des milliers d’hommes, de femmes, de jeunes, de vieux et d’enfants qui se sont rassemblés sous les tentes dans le désert étaient bien claires, et portaient en 1er lieu sur le respect du DROIT DU PEUPLE SAHRAOUI A L’AUTODETERMINATION. Feu Hassan II l’avait accepté et s’y était engagé devant le Monde.
Sous l’égide de l’ONU le Maroc a signé avec notre seul, unique et légitime représentant le POLISARIO un accord pour le référendum d’autodétermination.
Ses héritiers ont nié ces engagements.
La France doit avec l’Espagne faciliter les rapprochements au lieu de les compliquer.
La question des droits de l’homme devrait être la priorité de tout gouvernement français de gauche ou de droite.
J’étais très choqué lorsque de ma prison j’ai appris que le représentant de la France au Conseil de Sécurité menaçait d’utiliser le veto contre la proposition de la représentante des USA pour élargir la mission de la Minurso à la question des droits humains.
Le Maroc passe aujourd’hui à la vitesse supérieure et veut que soient diminués les effectifs de la Minurso. Qui va avoir le courage politique de s’y opposer?
Il y a des moyens et instruments pour contraindre le Maroc à respecter la légalité internationale.
Le 7 mars 2016 le Maroc a expulsé une délégation internationale du collectif des avocats et juristes sur le procès de Gdeim Izik et la grève de la faim des prisonniers politiques. Qui proteste ?
Qui demande des explications au régime marocain?
Le Conseil de Sécurité doit comme chaque année débattre dans les semaines qui viennent, de la question du Sahara Occidental.
La France doit demander au Maroc un peu de sagesse, de réalisme, de logique.
Le Maroc viole toutes les règles du droit, alors que c’est avec ces règles qu’on doit prévenir toute menace contre la paix et la sécurité dans la région et dans tout le continent.
Le Maroc avec sa politique est devenu un État voyou.
Les négociations sont le seul chemin pour une issue juste acceptable pour tous y compris la France.
Mais il y a une condition sans laquelle il ne peut y avoir de solution c’est le respect du choix du peuple SAHRAOUI qui a construit depuis 40 ans son identité nationale dans une guerre qu’il n’a pas choisie.
Je représente une génération qui rêve de mourir en paix avec le Maroc.
Je suis prêt à rester en prison jusqu’à ce qu’on arrive à une solution.
Ma liberté n’a pas de valeur sans la libération de tous.
Avec tous je ne veux pas dire seulement les Sahraouis mais aussi: MAROCAINS, MAURITANIENS, ALGERIENS, TUNISIENS, LIBYENS, FRANCAIS, ESPAGNOLS, ONU.
Que tout le monde prenne ses responsabilités. Voilà je ne fais pas de la politique. Je suis militant pour la justice. Une justice réelle dans tout le monde."
N.A.
Photo de Barbara Weingartner. (*) Naâma Asfari est un militant Sahraoui des droits de l’homme arrêté le 7 novembre 2010 à Laayoune, au Sahara occidental sous occupation marocaine. Son arrestation arbitraire a eu lieu la veille du démantèlement du camp de Gdeim Izik. Naâma Asfari a déjà passé plus de 5 ans dans les geôles marocaines. Il a été torturé et condamné sur la base d’aveux forcés.


Video: citoyen d'honneur https://youtu.be/c4aZCJB_gUY   cm