"Lorsqu’ils mettent sur le même plan « émotionnel » des plaques de verres cassées et ces centaines de milliers de familles éprouvées, MM. Valls et Cazeneuve, n’ont-ils pas honte ?"
Un lecteur de lundi matin nous a fait parvenir ce témoignage à vif.
Hier, il y avait des centaines de milliers de manifestants dans
les rues de Paris. En tête, des milliers de personnes, cagoulées ou
non, syndiquées ou pas, se sont retrouvées pour tenir la dragée haute à
un dispositif policier hors norme.
Je comprends facilement ce qu’il peut y avoir de désespérant
là-dedans pour le gouvernement. Alors que l’on pouvait imaginer qu’au
fil des semaines et des mois, la rue se fatigue et la violence soit de
plus en plus isolée, c’est tout le contraire qui se passe : la peur de
la police ne dissuade pas.
Hier, les manifestants ont commis de nombreuses dégradations. Pour
celles que j’ai pu constater, elles étaient toutes « ciblées » :
banques, assurances et publicités. Je ne suis pas sûr que cela nécessite
beaucoup de débat. Il n’est pas certain que le monde de la finance
tremble à chaque fois qu’un distributeur de billet est vandalisé mais
que la jeunesse y voit un symbole, je le comprends parfaitement. Qu’une
assurance doive appeler son assureur et demander le coût de la
franchise, je dois avouer que lorsque j’y ai pensé, ça m’a fait rigoler.
Ces gens engrangent des milliards en ponctionnant la solidarité. Quant
aux publicités détruites, c’est — malgré la méthode—, la meilleure
chose qui puisse leur arriver.
Au milieu de tout cela, quelques vitres de l’hôpital Necker ont été
brisées. Bien que les vitres en question n’aient pas d’autre rôle que
celui d’isolant thermique : j’en conviens grandement, ce n’est pas très
malin.
Certes, briser les vitres d’un hôpital, même par mégarde, c’est
idiot ; mais sauter sur l’occasion pour instrumentaliser la détresse des
enfants malades et de leurs parents pour décrédibiliser un mouvement
social, c’est indécent et inacceptable. Et c’est pourtant la stratégie
de communication mise en œuvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls. Allègrement reprise par la droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias.
Je le dis d’autant plus volontiers que l’hôpital Necker, j’y ai passé
beaucoup de temps et que la détresse et l’angoisse des parents
d’enfants très malades, je vois particulièrement bien ce que c’est.
Instrumentaliser cette souffrance à des fins aussi bassement
politiciennes est abjecte.
Cette indécence est d’autant plus choquante lorsque l’on connaît la situation de l’hôpital public aujourd’hui. MM. Valls
et Cazeneuve, « révoltés » du fond du cœur par cinq vitres brisées, le
sont-ils autant par les conditions de travail effarantes des personnels
hospitaliers ? Lorsqu’un généticien clinique doit travailler 70h par
semaine car la direction de son hôpital n’a pas les moyens d’employer
un nouveau docteur ni même une secrétaire, qu’elles en sont les
conséquences sur tous ces gentils petits enfants malades au chevet
desquels nos ministres accourent depuis hier ? Quand les
aides-soignantes et les infirmières sont épuisées, usées jusqu’à la
moëlle et rémunérées au minimum, qu’en est-il de la qualité des soins et
de l’attention nécessaires à ceux qui passent des mois voire des années
dans des couloirs d’hôpitaux ?
Lorsqu’ils mettent sur le même plan « émotionnel » des plaques de
verres cassées et ces centaines de milliers de familles éprouvées, MM. Valls
et Cazeneuve, n’ont-ils pas honte ? Et tous ces journalistes qui ont
titré sur cet horrible assaut contre l’hôpital des « enfants malades »,
prennent-ils la mesure du sens de leurs mots ?
La palme de l’infamie revient évidemment à M. Cazeneuve qui a tout de
même réussi à ajouter à l’équation le fils des deux policiers tués
avant-hier.
Des centaines de milliers de personnes défient le gouvernement dans
la rue. Une ou deux cassent le double vitrage d’un hôpital. Une ordure
tue deux policiers à l’arme blanche. Leur fils de trois ans est en soin à
Necker. M. Cazeneuve établit un rapport émotionnel, affectif et
psychique entre ces deux séries de faits : le lutte contre la Loi
Travail et son gouvernement, le choc produit par la brutalité de ce
double meurtre et la situation dramatique de cet enfant. Si les jeunes
émeutiers qui ont cassé les vitres de Necker ont été idiots, MM. Valls et Cazeneuve, eux, sont obscènes.
Plutôt que de courir les plateaux télés pour dire des conneries
pareilles, retirez la loi travail, financez correctement les hôpitaux et
épargnez aux enfants et à leurs parents votre ignoble
instrumentalisation. Merci d’avance.
Un parent d’enfant très malade de l’hôpital Necker.
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