Le documentaire Demain,
signé Cyril Dion et Mélanie Laurent (Dikkenek, Inglourious Bastards),
est sorti en salle mercredi 6/1. De nombreux citoyens belges font
partie des 10.266 crowdfunders qui ont participé à la réalisation de ce
beau documentaire, sous forme de road-movie, qui emmène les réalisateurs
aux quatre coins du monde rencontrer ceux qui, à leur échelle,
n'attendent pas les catastrophes climatiques et énergétiques annoncées
pour transformer leur quotidien. En 2012, Cyril Dion et Mélanie Laurent
sont assommés par les conclusions de deux chercheurs américains dans la
revue Nature: jamais depuis la formation de la Terre les températures
n'ont changé aussi rapidement qu'aujourd'hui et, si nous ne changeons
pas à notre tour, nous assisterons au probable effondrement des
écosystèmes à l'horizon 2040-2100.
Pourtant, il est encore possible de limiter les dégâts, c'est le
sous-titre du film ("Partout dans le monde, des solutions existent"). Et
des milliers de personnes dans le monde n'ont pas attendu la COP 21 ni
l'Accord de Paris pour agir. Dans des zones détruites par un
effondrement industriel, comme à Detroit, l'exode de la population a été
tel qu'il était devenu très difficile de trouver des fruits et légumes
frais. Les habitants restants se sont donc retroussés les manches pour
installer 1.600 fermes urbaines sur les terrains vagues. Toujours aux
Etats-Unis, San Francisco est devenue si performante en matière de
gestion des déchets que 80 % d'entre eux sont aujourd'hui réutilisés,
compostés ou recyclés. L'objectif d'atteindre zéro déchet en 2020 y
semble réaliste. De la Scandinavie à l'Inde, on découvre comment des
collectivités réinventent la mobilité douce, la démocratie
participative, des usines vertes ou encore l'école.
"Faire circuler les objets, plutôt que les stocker ou les jeter, permet de retrouver l'abondance pour tous."
Car "tout est lié", dit Cyril Dion.
L'alimentation est en lien avec l'énergie, l'énergie avec l'économie,
l'économie avec la démocratie et la démocratie avec l'éducation. C'est
la force de ce documentaire d'expliquer les choses très simplement et de
montrer qu'on n'est pas obligé de tout changer d'un coup. Justement,
comme tout est lié, chaque initiative en entraîne une autre. Et chacun
"fait sa part". "Ce n'est pas un documentaire écolo, relève Mélanie Laurent. C'est un regard sur la société telle qu'elle pourrait être demain." Et, franchement, ça donne plutôt envie…
En Belgique aussi, nombreux sont ceux qui prennent les devants.
Certains décident de ne plus produire aucun déchet , d'autres font
pousser des légumes "à partager" dans les rues de la ville ou
produisent leur propre énergie renouvelable. Pour les soutenir, ils
peuvent compter sur des réseaux, comme Alternatiba ou Mouvement de la Transition.
Pour résumer: ce sont des communautés locales qui mettent en œuvre leur
propre "résilience" aux crises (climatiques, énergétiques, monétaires,
etc.). Le jeudi 17 décembre, à Bruxelles, trois groupes (1000Bxl en
Transition, Ixelles en Transition et Etterbeek en Transition)
organisaient justement un "Marché de Noël du gratuit". Nous y étions.
Un marché de Noël gratuit
Derrière les grandes baies vitrées de la Maison de quartier Malibran,
une soixantaine de personnes, de looks, d'âges et d'origines variés,
s'affairent. À l'entrée, une bénévole, chapeau de Noël sur la tête,
explique l'initiative. "Le principe, c'est d'éviter la
surconsommation, même à Noël. Si vous n'avez rien apporté à donner, ce
n'est pas grave, vous pouvez quand même prendre ce qui vous plaît. Mais
l'idée, c'est d'être raisonnable, de repartir seulement avec ce que vous
êtes capable de porter, histoire qu'il n'y en ait pas certains qui
repartent avec une remorque remplie, sourit-elle. Si vous avez apporté des choses qui n'ont pas été choisies, vous les reprenez en partant."
Sur les tables, on trouve des livres, des vêtements, des jouets, de la
déco… Le tout (sauf exception) en bon état. Les gens discutent dans un
gentil brouhaha. Les contacts sont plus nombreux et plus chaleureux que
lors d'un marché de Noël traditionnel.
"Faire circuler les objets, plutôt que les stocker ou les jeter, permet de retrouver l'abondance, sourit Frédérique, une autre bénévole. Mais
ce n'est pas encore vraiment entré dans les mœurs. Les gens nous
demandent: "C'est vrai que je ne dois rien payer? C'est tellement ancré
en nous: même moi, quand je prends un objet ici, j'ai un peu
l'impression de voler", sourit-elle.
C'est la troisième édition. Chaque fois, elles ont attiré beaucoup de monde. Même un peu trop, l'année passée… "A un moment, on ne s'en sortait plus",
glisse Caroline, d'Ixelles en Transition. Lors des marchés gratuits
organisés régulièrement sur la place Flagey, l'attitude de certaines
personnes qui se ruaient sur les objets "comme des rapaces" la choquait
dans un premier temps.
"Ça déçoit un peu, mais il faut surtout prendre ça comme une
occasion d'apprendre, d'affiner les règles du jeu… On a envie de leur
dire: "Il y en a assez pour tout le monde. Il faudrait réapprendre à
partager". Mais on reste cool parce que le but, c'est surtout de
permettre le lien… Et puis ceux qui prennent beaucoup ont certainement
leurs raisons. Il faut plutôt essayer de discuter, pour comprendre." C'est ce qui les a poussés à insister sur l'accueil à l'entrée. "Si le contact est bon, si les principes sont bien expliqués, on limite les malentendus, explique François-Olivier Devaux, d'Etterbeek en Transition pour qui le marché gratuit prend un sens tout particulier à Noël. Ça rappelle qu'on peut tous donner."
"On a souvent une image très "bobo" du Mouvement en Transition, poursuit-il. Mais
les marchés gratuits, comme les Repair Cafés (où des bénévoles retapent
gratuitement des objets pour d'autres personnes), ce sont vraiment des
points de rencontre entre différentes milieux." Pendant ce temps,
trois musiciens d'une cinquantaine d'années s'installent avec une
guitare, un oud et une derbouka pour installer une ambiance toute
méditerranéenne. François-Olivier parle d'une dame, notamment, qui sans
être impliquée dans le "noyau dur" de la Transition fait vraiment le
lien entre le groupe et une communauté marocaine de la commune. "Elle ne vient pas aux réunions et pourtant, elle est vraiment devenue un moteur du marché du gratuit."
Après ce genre d'événements, les membres des Initiatives de
Transition organisent un souper pour "fêter" ce qui a fonctionné,
discuter de ce qui pourrait être amélioré. "Le côté célébration, autoremerciements est important", dit Caroline. "Si on fait ça uniquement par idéal altruiste, on s'épuise au bout de six mois, confirme François-Olivier.
Parce que malgré l'énergie investie tout ne fonctionne pas, ce qui peut
être très désespérant. D'où l'intérêt de fêter ce qui fonctionne, de
renforcer les liens entre nous pour prendre soin de soi. Parce que la
Transition, c'est avant tout une bande de voisins, d'amis."
Plus d'infos: www.reseautransition.be, https://alternatiba.eu
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