Tiznit est devenue le terminus forcé des migrants
subsahariens irréguliers. Des centaines d’entre eux ont été déportés
vers cette ville malgré eux suite à des opérations de contrôle
d’identité. Le flot continu d’autocars qui les transportent se
poursuit depuis près d’un mois.
« On assiste depuis quelques
semaines à une arrivée de plus en plus importante de migrants
subsahariens dans cette ville. Pas plus tard que samedi dernier, deux
autocars y ont débarqué plus de 100 personnes », nous a précisé Bendaoud
Essahibi, membre de l’AMDH-section Tiznit. Et de poursuivre : « On est
aujourd’hui à un peu plus de 200 migrants venus la plupart du temps de
Tanger. Ils sont de nationalités malienne, ghanéenne, nigérienne et
camerounaise ».
Alain, Camerounais de 28 ans, fait partie de ces
déportés malgré eux vers Tiznit. Il nous a raconté comment, il y a deux
semaines, il a été intercepté chez lui au quartier Misnana à Tanger par
des policiers qui l’ont emmené vers le commissariat de police. « Je
n’étais pas seul, il y avait d’autres migrants subsahariens. Nous avons
fait l’objet d’enregistrement et de prise d’empreintes avant d’être
conduits vers des autocars en direction de Tiznit », nous a-t-il
précisé.
Même son de cloche de la part de Boubaker, un Sénégalais qui
vit au Maroc depuis une année. Lui aussi a été arrêté chez lui par des
éléments des forces de l’ordre. Une arrestation qualifiée, selon lui, de
musclée. « Tout s’est passé rapidement ce vendredi 6 novembre vers
9h30. Des policiers ont débarqué chez moi et m’ont demandé mon
passeport. Les choses ont vite évolué et le contrôle s’est transformé en
interrogatoire tendu avant que je ne sois jeté dans un autocar dont
j’ignorais la destination sans argent ni papiers, ni quoi ce soit »,
nous a-t-il indiqué. Des propos confirmés également par Alain qui nous a
affirmé que les policiers lui ont confisqué tous ses biens. « L’un de
mes amis s’est vu confisquer son portable par un policier et il a eu
droit à une brimade. Heureusement que le chef de police a mis un terme à
cette violence ».
« Les opérations de ratissage et de
contrôle sont devenues monnaie courante ces derniers mois », nous a
expliqué Omar Naji, de l’AMDH-section Nador. Et de poursuivre : « Ces
déportations vers le Sud du Royaume n’ont rien de surprenant ». « La
bonne nouvelle, c’est que les autorités marocaines ne déportent plus les
femmes, les enfants et les mineurs. Autre changement de taille : les
destinations ne sont plus Fès, Meknès et Rabat. Les débarquements se
font désormais plus au Sud qu’auparavant», nous a indiqué un autre
militant associatif.
Aujourd’hui, ces migrants vivent dans des
conditions de vulnérabilité extrême malgré la solidarité de la
population de Tiznit. « Les gens sont bien accueillants ici. Ils nous
donnent à manger et à boire. Parfois même, ils nous donnent un peu
d’argent. Même les autorités locales sont gentilles avec nous », nous a
déclaré Alain. Et de préciser : «Pourtant, on vit dans une précarité
totale. On dort à même le sol, nos vêtements sont sales et on a rarement
l’occasion de prendre des bains ». « On vit comme des SDF et on ne
survit que de la générosité des habitants de la ville. On vit loin de
nos amis et de nos proches. Cela va-t-il durer longtemps ? », nous a
lancé Boubaker.
Une situation que nous a confirmée Bendaoud
Essahibi en expliquant que ces migrants sont regroupés dans des
conditions lamentables sous une grande tente à la sortie de la ville ou
éparpillés dans certains quartiers. Et ils sont nombreux à se présenter
aux carrefours ou aux sorties des mosquées pour faire la manche, nous a
rapporté un habitant de la ville.
Pourtant, pour plusieurs
migrants, la déportation vers le Sud ne signifie pas la fin de leur rêve
d’Eldorado européen. Il ne s’agit là que d’une étape passagère avant un
éventuel départ vers l’Espagne. « Je ne compte pas rester ici très
longtemps. Dès que j’aurai un peu d’argent, je quitterai cette ville
pour le Nord », nous a annoncé Alain qui n’en est d’ailleurs pas à sa
première déportation vers le Sud. Même avis de Boubaker : « On est
obligés de retourner vers Tanger puisque notre objectif est de partir
vers l’Europe. Au Maroc, il n’y a pas de boulot ni de perspectives. Il
vaut mieux aller voir ailleurs ». D’autres, par contre, en ont marre et
comptent retourner à leurs pays d’origine. Ils sont fatigués d’être
déplacés d’un lieu à l’autre, de vivre dans des conditions indignes et
avoir la peur au ventre. Selon des statistiques de l’OIM- Maroc, 1.137
migrants sont rentrés volontairement dans leurs pays et 1.500 sont en
attente de l’être. Le nombre de migrants assistés depuis 2005 s’élève à
6.412 personnes venues principalement de Guinée Conakry, du Cameroun, de
la Côte d’Ivoire et du Nigeria.
Hassan Bentaleb,12/11/2015
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