Depuis l’introduction de la charte de l’éducation en 2000, le nombre
d’élèves inscrits dans les écoles privées a drastiquement augmenté.
Cette année-là, seulement 4 % des élèves des établissements primaires au
Maroc étaient inscrits dans une institution privée. En 2013, ce taux
était de 14 %. Au vu de l’évolution actuelle, 97 % des élèves du cycle
primaire devraient être inscrits dans des établissements privés
à l’horizon 2038. Ces statistiques, issues d’une étude réalisée par
l’association The Global Initiative ESCR, ont été présentées le 24
septembre à Rabat.
Cette situation alarmante a fait réagir le Comité des droits de
l’enfant (CDE) de l’ONU qui a interpellé le gouvernement marocain dans
des recommandations qui lui ont été adressées le 24 septembre. Le CDE a
fait part de son inquiétude au sujet du « manque de supervision nécessaire concernant les conditions d’inscription et la qualité de l’enseignement dispensé ». L’ONU a également recommandé au Maroc d’évaluer et de traiter « les conséquences du développement rapide de l’enseignement privé ». Enfin, le comité onusien suggère que « les
enseignants du secteur public contribuent à l’amélioration de
l’éducation […] plutôt que d’être utilisés par le secteur privé ».
Disparités
Des disparités sont à relever lorsqu’on se penche sur le niveau
d’apprentissage des enfants dans les écoles. Selon l’étude de The Global
initiative ESCR, seulement 31 % des enfants parmi les groupes les plus
défavorisés (les ménages démunis en zone rurales) ont atteint un
standard minimum de lecture en 2011. Dans les villes, 84 % des élèves
les plus favorisés (ménages riches) ont atteint « un niveau international de lecture » la même année. Pour l’auteur de ce rapport, le chercheur Sylvain Aubry, cette statistique illustre « l’enseignement à deux vitesses » qui existe au Maroc.
Autre constat établi par le rapport, la disparité existante au niveau
de la répartition géographique des établissements d’enseignement privé.
La majorité de ces établissements, 80 %, sont situés entre Kenitra et
Casablanca. A noter que dans la région du Grand Casablanca, la majorité
des écoles primaires sont privées (53 %). A titre d’exemple, des
quartiers comme Anfa sont essentiellement composés d’écoles privées (71
%).
Une éducation privée qui phagocyte le secteur public
Autre problème relevé par le rapport : la domination du secteur privé
en termes de nouvelles inscriptions. Entre 2000 et 2012, 99 % des
nouveaux inscrits dans les écoles primaires se sont dirigées vers les
institutions privées. Pour Sylvain Aubry, ce choix révèle l’opinion de
la population marocaine concernant l’éducation publique, qui est jugée
comme « dangereuse » et où il « n’existe pas de suivi ».
En réaction à ce rapport et aux recommandations de l’ONU, Khadija
Yamllahi, la membre de la Coalition marocaine pour l’éducation pour
tous, a fait part de sa crainte que le Maroc n’évolue « rapidement vers un modèle où l’éducation est régulée par le marché, à la façon du Chili (où
une partie de l’éducation a été privatisée, ndlr) ». A noter que lors
de son intervention devant le CDE, le 3 septembre, la ministre de la
Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social,
Bassima Hakkaoui, avait fait part de sa volonté de « promouvoir une compétition libre entre les écoles ».
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