Depuis quelques temps, les harangues de Mohamed VI
contre l’Algérie (qui le lui rend tout autant), le département d’Etat
américain, les ONG des droits de l’Homme etc., ont montré une étonnante
inflexion autoritariste de la diplomatie marocaine sur la question du Sahara occidental.
Beaucoup s’interrogent aussi sur le dernier discours offensif du roi
sur cette question dans lequel il s’est attaqué à une partie de
l’administration américaine, mais sans la nommer explicitement – on sait
toute l’inimitié de Momo le sixième à l’égard de John Kerry le placide depuis que ce dernier a pris la place de sa copine Hillary Clinton, mais tout de même !
Décomplexées, les forces de l’ordre marocaines n’hésitent plus d’ailleurs à casser du sahraoui comme au bon vieux temps de Driss Basri sans se soucier des rapports sur les droits de l’homme de Juan Mendez ou de la Fondation Kennedy. Et quand l’Amérique impériale critique les agissements du roi, Rabat annule les opérations militaires conjointes (African Lion) avec Washington par mesure de rétorsion. Touche pas mes dudunes du Sahara !
Un « expert » à la solde de Mohamed VI et de … Marine Le Pen
Qui est donc à l’origine de ce durcissement ? Taïeb Fassi-Fihri, planqué au Cabinet royal ? Salaheddine Mezouar qui vient d’atterrir aux Affaires étrangères ? Personne n’y croit évidemment. Ils ne sont là que pour la galerie évidemment.
C’est un homme méconnu du grand public qui murmure depuis quelques temps à l’oreille de celui qui se rêve en petit Poutine du Maghreb : l’universitaire français Aymeric Chauprade que le roi a bombardé « conseiller pour le Sahel » si l’on en croit la très informée lettre Maghreb Confidentiel, qui nous apprend par ailleurs, ô surprise !, que le même Chauprade sera nommé avant la fin du mois spécialiste des questions internationales du Front national par sa présidente Marine Le Pen.
Le Front national vous connaissez ? Euh… oui. C’est
le parti français d’extrême droite qui n’aime ni les Arabes, ni les
Noirs (ses militants les appellent des « singes », des « guenons » et autres amabilités du genre), ni les Juifs. Le FN, c’est le parti qui a défendu le « démocrate » Saddam Hussein, à l’époque de Papa Borgne Jean-Marie, et qui défend aujourd’hui la Syrie du sanguinaire Bachar El Assad.
Donc, lors de la dernière université d’été du Front National en septembre dernier, Chauprade déclarait tout son amour à Jean-Marie Le Pen :
« Je tiens à dire devant vous, ici, que je ne serais pas ce que je suis, c’est-à-dire un résistant, si durant tant d’années, bataillant au cœur du Système, je n’avais regardé Jean-Marie Le Pen comme l’espoir du redressement français ».
Et d’ajouter à l’endroit de son héritière, Marine :
« Nous avons d’abord un chef, Marine, qui a démontré des qualités de caractère et de conviction, que personne ne possède dans l’offre politique concurrente, nous avons une dynamique forte qui fera sans doute du Front national bientôt le premier parti de France, nous avons des Français qui sont en train de se réveiller, agressés dans leur identité, agressés dans leurs valeurs familiales, agressés dans leur situation économique et sociale ».
Savoir que Mohamed VI a pris comme conseiller, au Maroc, un type qui fricote en France avec le parti qui veut jeter les bougnoules
marocains, dont beaucoup sont les poules aux œufs d’or du Makhzen avec
les milliards qu’ils envoient chaque année au bled, ça a du
piquant… Comme cet argent finance le régime, on peut dire que ce sont
les bougnoules marocains en France contribuent quelque part à payer le salaire marocain de l’ami Chauprade.
Viré en France, accueilli à bras ouverts au Maroc
Mais qui est donc Chauprade ? C’est un géopoliticien qui ne cache pas
ses convictions, très proches de l’extrême droite européenne ou de
sites de propagande néo-fasciste comme Fdesouche.com, le « blog (…) consacrée à des thèmes de prédilection comme l’immigration ou le racisme anti-blancs »). Directeur de campagne du souverainiste Philippe de Villiers aux européennes de 2004, en charge de la Revue française de géopolitique laquelle
combat l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, il a planché en
juillet 2007, parmi d’autres intervenants aux idées affirmées, lors des
Universités d’été du mouvement Renaissance catholique sur le thème : « Le nationalisme est-il un péché ? ». Un nationalisme exacerbé digne des milices royalistes de Momo en réalité.
« Chroniqueur expert » au Figaro – un journal connu pour son droitisme légendaire et pour son adoration du Makhzen et dont le propriétaire, Serge Dassault est visé par une enquête de la justice française pour « tentative d’assassinat »-,
il est aussi l’auteur prolifique de livres qu’il fait acheter à des
centaines d’exemplaires par nombre d’écoles militaires où il dispense
ses cours, dont au Maroc, le Collège royal d’enseignement militaire supérieur de Kénitra (CREMS).
Et pour ne rien gâcher, il est également prof à l’Université
Paris-Descartes où pullulent les Makhzéniens de France et directeur de
collections chez Ellipses, l’éditeur entre autres de Charles Saint-Prot, le perroquet français du roi.
Son dernier gros pavé sur le thème du choc des civilisations cher à l’Américain Samuel Huntington a
provoqué quelques ricanements et lui a causé de nombreux soucis en
France. Les thèses conspirationnistes qu’il y expose sur le 11-septembre
lui ont valu son renvoi de la chaire de géopolitique qu’il occupait au
CID ( Collège interarmées de défense, anciennement École de guerre). « Ce
qui pose problème sous la plume de cet enseignant qu’on penserait
enclin à une certaine rigueur, c’est qu’il conforte de son autorité
« scientifique » ces théories complotistes qu’il ne conteste pas, avec
lesquelles il ne prend pas de distance » disait de lui Jean Guisnel, le spécialiste des affaires militaires au Point. Un homme défendra pourtant sa cause : Jean-Marie Le Pen.
Proche de Bernard Lugan, un autre extrémiste de droite défenseur tout azimut du Makhzen, et collaborateur de Radio Courtoisie,
la radio de l’extrême droite française, Aymaric Chauprade continue
pourtant d’encadrer les futurs officiers marocains ou d’avoir tribune
ouverte dans les colonnes de L’Economiste, le quotidien du Makhzen économique.
L’inventeur de la thèse « islamo-polisarienne »
Depuis des années, Chauprade est un des lobbyistes attitrés du
Maroc à l’ONU. Le discours qu’il a prononcé le 8 octobre dernier devant
la 4ème commission des Nations unies sur l’affaire du Sahara occidental a fortement inspiré celui qu’a prononcé le roi à l’occasion de l’anniversaire de la Marche verte.
Il y qualifie le Maroc d’ «Etat moderne, respecté, écouté, et stabilisateur pour l’Afrique » tressant des lauriers à la proposition marocaine d’autonomie dont « le fondamentalisme la combat avec une cruauté sans limites ».
Une proposition souverainiste qu’il ne déroule pas d’ailleurs puisque
personne, ni ses concepteurs, ni lui-même ne l’ont jamais détaillée …
L’universitaire-lobbyiste affirmait déjà en 2006 lors d’une conférence à Rabat sous le thème « Le Maroc est souverain dans son Sahara et le Polisario doit disparaître » que le Maroc
« ne doit pas se faire d’illusion sur une quelconque alliance
stratégique préférentielle avec les Américains car ces derniers se sont
volontairement laissés éloignés de tout règlement du conflit au Sahara
marocain par les gros intérêts algériens sonnants et trébuchants ». Même la MAP, notre Pravda locale, ne va pas aussi loin dans ses diatribes…
Pour lui, le danger viendra du «pourrissement intégriste du
Polisario que l’Algérie s’efforcera toujours de contenir tant que le
couloir atlantique par la république fantoche ne lui sera pas concédé ».
Les bougnoules dehors ! Vive les colonies !
Sur l’immigration maghrébine en France, il a une solution radicale : « Le
départ de tous ceux qui ne veulent pas adhérer à notre civilisation
produit de plus de 1500 ans d’histoire, dont nous sommes fiers et dont
nous rendrons à nouveau fiers les petits Français ! ». Ce qui ne l’empêche pas par ailleurs de défendre la thèse colonialiste : « Quand
on pense que cette année 2013 nos politiques ont failli laisser
s’échapper de notre souveraineté, l’île de Tromelin, dans l’océan
Indien, cet îlot qui avec son kilomètre carré de surface battue par les
vents nous offre un domaine maritime de 285 000 km2, la moitié du
territoire de la métropole, et bien sûr toutes les ressources
halieutiques, les ressources en poisson qui vont avec ! ».
Anti-libéral primaire, nostalgique de la royauté en France, défenseur
des autocraties arabes, voilà ce que pense Chauprade de la démocratie
dans le monde arabe et de la chute de Mouaâmar Kadhafi, de Hosni Moubarak et de Zine El Abidine Ben Ali :
« C’est le développement qui fonde la démocratie et non l’inverse. Laissons les pays se développer souverainement, avec leur modèle et à leur rythme et mener leurs propres réformes politiques, au lieu de vouloir décréter partout la démocratie, ce qui détruit les équilibres fragiles et fait régresser les sociétés ! Ces régimes avaient besoin de temps pour faire évoluer les sociétés musulmanes, d’autant plus de temps, que l’islam est par essence politique et que lui appliquer un schéma de laïcité revient mécaniquement à entrer en conflit avec lui ».
On comprend mieux pourquoi il fait de Mohamed VI son héros et que ce
dernier l’écoute religieusement. Mais, parbleu!, n’est-on au « royaume des mille contrastes » ?
Au fait, qui conseille M6 quand il recrute ses conseillers ?
URL courte: http://www.demainonline.com/?p=27789
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire